Marine Le Pen n’a « pas coupé tous les ponts avec les néonazis ». C'est ce qu'estime le journaliste Frédéric Haziza, auteur de Vol au-dessus d’un nid de fachos, publié aux éditions Fayard le 15 janvier. Dans son livre, l'auteur vise « deux de ses principaux confidents et conseillers, Frédéric Chatillon et Philippe Péninque » qui, selon lui, « assument encore aujourd’hui leur héritage politique du temps du GUD, et contrôlent les finances du Front national ».

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Conseiller officieux et vieil ami de Marine Le Pen, leader du GUD (Groupe union défense) dans les années 1990 devenu prestataire du Front national, Frédéric Chatillon ne veut pas qu’on le traite de « néonazi » ni de « négationniste ». C'est pourquoi il a demandé à la présidente du tribunal de grande instance de Paris, dans une procédure en référé, de faire censurer plusieurs passages de ce livre. L’audience s’est tenue lundi matin 3 février (lire notre compte-rendu en page 3).
Dans ses conclusions, Me Richard Malka, avocat des éditions Fayard et de l’auteur, a détaillé le long cursus de Frédéric Chatillon à l’extrême droite (lire notre article ici). Mais lundi matin, l’avocat a versé au dossier un document inédit : une attestation extrêmement détaillée d’un ancien militant du GUD qui a « beaucoup côtoyé Frédéric Chatillon », président du mouvement à partir de 1991.
Dans ce document de trois pages, daté du 30 janvier et remis au tribunal le 3 février, Denis Le Moal, ex-gudard devenu chef d’entreprise, dresse un portrait idéologique de ce proche de Le Pen qui cultive, selon lui, « aujourd’hui comme hier une haine maladive des juifs ». Selon lui, « il ne s'agit aucunement d'erreurs de jeunesse » : ses « engagements de jeunesse » et ses « rapports avec les milieux néonazis français ou européens ne se sont jamais démentis ».
M. Le Moal raconte comment, « sous (l')impulsion » de Chatillon, « le GUD prit un tournant antisémite et négationniste ». « Nous militions surtout par anticommunisme. Les juifs avant l’arrivée de Chatillon, ce n’était pas notre problème. À l’époque de (William) Bonnefoy (prédécesseur de Chatillon, ndlr), il n’y avait pas de dérive antisémite », explique ce « militant de base » du GUD « entre 1986 et 1995 », parti « en prenant conscience de cette dérive ».

L'ancien gudard rapporte une dizaine d’épisodes édifiants. Il éclaire par exemple les liens entre Chatillon et le négationniste Robert Faurisson. Selon lui, le président du GUD a demandé en mars 1991 à une partie de ses troupes « de venir assurer la sécurité d’un homme qu’il avait présenté comme un “ami” qui devait passer en procès au palais de justice de Paris ».
« Nous y sommes allés avec une dizaine de militants du GUD dont Jildaz Mahé O’Chinal et Axel Loustau (deux très proches de Chatillon, le second étant devenu en 2012 le trésorier du micro-parti de Marine Le Pen, ndlr). Je me suis rendu compte alors que l’ami de Chatillon était Robert Faurisson, affirme Denis Le Moal. Visiblement ils se connaissaient bien. Il nous l’a présenté en nous disant beaucoup de bien de lui et en nous précisant que nous “partagions les mêmes idées”. »
D’après l’ex-militant, les deux hommes se seraient connus à l’époque où Chatillon travaillait à la librairie OGMIOS, qui « diffusait une littérature antisémite et négationniste que Chatillon considérait comme dépeignant la réalité historique ».


Autre « souvenir édifiant » raconté par Denis Le Moal : le meeting des 25 ans du GUD, à la Mutualité à Paris, le 3 mai 1993, où Frédéric Chatillon « avait convié des représentants étudiants italiens, flamands et allemands des “partis frères” ». Ce meeting « s’est transformé en réunion faisant l’apologie du nazisme lors de l’intervention du délégué allemand Franck Rennicke, se concluant par une série de “Sieg Heil” accompagnés de “saluts nazis” », relate-t-il.


Dans Les Rats maudits, un livre publié en 1995 dans lequel Chatillon et ses acolytes racontent les trente années du GUD, les auteurs notent d'ailleurs, à l'occasion de ce meeting, que « le danger rouge n'existe plus » et que « l'ennemi change ».
Dans cette attestation, Denis Le Moal affirme également que Frédéric Chatillon « organisait » à l'époque, « chaque année », « un dîner le jour de l’anniversaire du “Führer” le 20 avril, pour rendre hommage à “ce grand homme” ». Présent à l’un de ces dîners, « dans un restaurant de Montparnasse », l'ex-gudard explique que Chatillon était venu avec « un portrait peint d’Adolf Hitler », et qu’il le présenta au cours du dîner « en prononçant ces mots “mon Führer bien-aimé, il est magnifique”, avant de l’embrasser ». Il assure aussi que Chatillon « organisait, alors qu’il était étudiant, des soirées “pyjamas rayés” en allusion aux tenues de déportés juifs ».