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VLADIMIR POUTINE: COMBIEN DE MILLIARDS ?

Vladimir Poutine : combien de milliards ?(médiapart)

|  Par Agathe Duparc

En 2012, le président russe a déclaré 100 000 euros de revenus. Mais au vu de l'enrichissement fulgurant de ses anciens camarades et proches, sa fortune pourrait atteindre des milliards. Tour d'horizon des épisodes et affaires troubles qui ont rythmé la carrière de Vladimir Poutine.

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Quatorze ans de pouvoir et toujours les mêmes interrogations et les mêmes soupçons sur la fortune du président russe. « L’homme le plus riche d'Europe », selon les rares francs-tireurs qui osent s’aventurer sur ce terrain. Doublé d’un businessman hors pair. Depuis son parachutage en qualité de président par intérim le 31 décembre 1999, puis sa première élection en mars 2000, le faisceau de présomptions n’a fait que se renforcer. À mesure que ses anciens camarades, pour la plupart natifs de Saint-Pétersbourg et anciens du KGB, devenaient eux-mêmes milliardaires, aujourd’hui à la tête d’empires dans la banque, les matières premières, les médias, etc. Et que son premier cercle noyautait toutes les plus grandes entreprises d’État.

Vladimir Poutine à SotchiVladimir Poutine à Sotchi © Reuters

Fin 2007, le politologue Stanislav Belkovski avait été le premier à articuler un chiffre, estimant que Vladimir Poutine, businessman de l’ombre, pesait près de 40 milliards de dollars à travers diverses participations secrètement détenues dans des sociétés pétrolières et gazières. Sans cependant fournir ni preuves, ni documents.

Depuis, certaines pièces du puzzle sont apparues. Comme celles apportées fin 2010 par un ancien homme d’affaires, Sergeï Kolesnikov, qui fut directement impliqué dans d’opaques montages autour d’une société d’importation de matériel médical – Petromed – qui aurait permis d’alimenter en centaines de millions les comptes du président dans des paradis offshore. Il a raconté son histoire dans de nombreux médias, révélant l’existence du « palais de Poutine » : une forteresse à la James Bond construite au bord de la mer Noire. Il a créé son propre site internet. Mais dans aucun des nombreux documents (lire ici) qu'il met en ligne ne figure le nom de Poutine, preuve qu'il s'agit d'un des secrets les mieux gardés.

En 2010, la fuite de câbles diplomatiques dans Wikileaks a montré à quel point les Américains disposaient de peu d’informations, reprenant celles publiées dans les médias sur la possible « fortune secrète » de Poutine, ses liens avec certains hommes d’affaires, ou encore son amitié particulière avec Silvio Berlusconi, sur fond de mirobolants contrats entre les géants gaziers Eni et Gazprom (voir la liste des câbles consacrés à Poutine).

Les jeux Olympiques de Sotchi et leur débauche de dépenses (37 milliards d'euros) au profit d’oligarques poutiniens (voir ici le rapport en anglais de l’opposant Boris Nemtsov sur les coûts des JO), ravivent la question du magot du président russe.

Tour d’horizon des principaux épisodes troubles de la carrière de Vladimir Poutine, pour la plupart relatés dans les médias russes.

UNE « VIEILLE » AFFAIRE DE TROC À SAINT-PÉTERSBOURG

C’est le scandale, déjà largement prescrit du point de vue de la justice, qui a marqué le début de la carrière de Vladimir Poutine, alors qu’il était adjoint du maire « démocrate » Anatoly Sobtchak, et dirigeait le Comité des relations extérieures de Saint-Pétersbourg.

Vladimir Poutine, officier du KGBVladimir Poutine, officier du KGB

En 1991, l’ex-officier du KGB, ancien élève du professeur Sobtchak à la faculté de droit, découvre le pouvoir et les affaires. Le voilà autorisé par le vice-premier ministre Egor Gaïdar à recevoir des quotas pour l’exportation de produits pétroliers et de matières premières, dans le cadre d’une vaste opération de « barter » (troc). Alors que l’URSS vient de disparaître et que les réseaux d’approvisionnement sont totalement désorganisés, le but est d’obtenir en échange des produits alimentaires pour les habitants de la ville.

L’opération prévoit l'exportation de 150 000 tonnes de produits pétroliers, 750 000 m3 de bois, des métaux rares et ferreux, de l'aluminium, du ciment et du coton. Soit l'équivalent de 124 millions de dollars. En échange, la ville recevra, en janvier, février et mars 1992, de la viande, du beurre et de l'huile, du lait en poudre, de la nourriture pour enfants, du sucre, des pommes de terre.

Tout aurait pu se passer à l’abri des regards si, en 1992, la députée du soviet local Marina Salié – disparue en mars 2012 – n’avait décidé d’y mettre son nez. La commission d’enquête parlementaire qu’elle préside obtient alors une partie des contrats signés entre le Comité des relations extérieures de Poutine et douze sociétés intermédiaires chargées de mettre en place le troc, choisies sans appel d’offres.

Anatoly Sobtchak et Vladimir Poutine, années 90Anatoly Sobtchak et Vladimir Poutine, années 90

Le rapport qu’elle rédige le 23 mars 1992, avec le député Iouri Gladkov, relève une accumulation d'« infractions » ou d'« étrangetés » (voir ici). Les contrats de troc sont lacunaires et imprécis. Certains ne comportent aucune indication sur les prix et bénéfices escomptés, ne sont ni datés, ni signés. Dans le barter n° 11 (métaux rares contre viande), signé avec la société Djikop (qui a été enregistrée fin octobre 2001), les prix des métaux à l'exportation sont 7, 10, 20 et 2 000 fois inférieurs à ceux pratiqués sur le marché mondial. Une différence de plus de 8 millions de dollars. Dans nombre de contrats, les sanctions en cas de non-respect du contrat sont ridicules, et les commissions perçues par les sociétés intermédiaires exceptionnellement élevées, de 25 à 50 % des bénéfices en devises. Un contrat au moins porte la signature de Vladimir Poutine (voir ci-dessous). 

Le contrat qui porte la signature de Vladimir Poutine, à gaucheLe contrat qui porte la signature de Vladimir Poutine, à gauche

Combien de produits ont été exportés, et combien livrés ? Dans une première réponse à la commission d’enquête, Vladimir Poutine a affirmé que 20 tonnes de nourriture pour enfants avaient déjà été livrées. Une lettre signée par son adjoint indique qu'au 3 février 1992, deux mois après le début de l'opération, 125 tonnes d'huile sont arrivées. Les quotas, et les licences à l'exportation pour les produits pétroliers, la moitié du bois, les métaux rares, le ciment ont en revanche été distribués.

La question n’a jamais été résolue. Dans ses conclusions, Marina Salié recommande de transmettre l’affaire à la justice et d’écarter Poutine de ses fonctions. Aucune enquête n’est finalement ouverte. Mieux encore : quelques mois après, le ministre des relations extérieures, le banquier oligarque Piotr Aven, fait du Comité des relations extérieures de Poutine le seul organisme municipal autorisé à mener des opérations de commerce extérieur. Entre politique et business, la carrière de Poutine peut décoller.

LA MYSTÉRIEUSE NOTE SUR MONSIEUR POUTINE

En 1996, après la défaite aux élections municipales de son mentor Anatoly Sobtchak, Vladimir Poutine, encore largement inconnu, est appelé à Moscou. Au sein de l’administration présidentielle, il progresse vite et le voilà nommé à la direction du contrôle, position stratégique pour garder l’œil sur les régions et accumuler des kompromaty (documents compromettants) sur les gouverneurs. Il s’acquitte si bien de cette tâche qu’il est propulsé en 1998 à la tête du FBS, à la surprise de ceux qui ont en mémoire sa terne carrière d’officier du KGB au sein de la 1re direction (contre-espionnage et surveillance des dissidents).

À l’été 1999, l’entourage de Boris Eltsine, dont le redoutable Boris Berezovski, cherche de toute urgence un successeur au président malade. Deux candidats sont pressentis : le ministre de l’intérieur Mikhaïl Rouchaïlo et Vladimir Poutine à qui les intrigants prêtent, à tort, un caractère conciliant et « fidèle ».

C’est alors qu’apparaît dans deux médias, Versia et Moskovski Komsomolets, une étrange note sur Vladimir Poutine, émanant visiblement des services de sécurité.

La note "blanche" sur Vladimir PoutineLa note "blanche" sur Vladimir Poutine

Le document le dépeint déjà comme fortement impliqué dans les affaires, et couvrant de nombreuses malversations. « Selon des gens de l’entourage proche de Poutine, son désir de s’enrichir personnellement et l’absence de barrières morales (qui le caractérisent) sont apparus dès le début de sa carrière », indique la note. Outre le rappel du fameux troc à Saint-Pétersbourg, le document recense les différentes opérations qu’il aurait chapeautées. Dont le dépeçage au milieu des années 1990 de la Baltic Shipping Compagny (BMP) dont la flotte comptait, du temps de l’URSS, 170 grands cargos et navires et 46 000 employés.

Des centaines de navires russes auraient alors été vendus à des prix sous-évalués, sous le contrôle d’un proche de Poutine. La privatisation du grand hôtel Astoria, le palace de Saint-Pétersbourg, aurait permis au futur président d’empocher quelque 800 000 dollars.

Tout au long des années pétersbourgeoises, Vladimir Poutine aurait flirté avec les milieux du crime organisé, tirant toujours son épingle du jeu, et aidant même Anatoly Sobtchak à échapper à des poursuites judiciaires au lendemain de sa défaite en 1996 à la tête de la mairie de Saint-Pétersbourg.

En 2003, Boris Berezovski, de son exil londonien, avait dressé dans Kommersant (le journal qu'il contrôlait alors) « la liste des crimes de Poutine » qu’il avait lui-même contribué à installer au pouvoir. Alors fin connaisseur des turpitudes des uns et des autres dans les plus hautes sphère de l’État, il reprenait largement le contenu de la note de 1999. L'ancien intrigant du Kremlin a été retrouvé mort dans sa salle de bains le 23 mars 2013, à Londres. L'enquête a conclu à un suicide, mais nombre de ses proches estiment qu'il a été assassiné.

Boris BerezovskiBoris Berezovski © Reuters

LES CAMARADES DE LA COOPÉRATIVE « OZERO »

La couverture du rapport : Poutine et la corruptionLa couverture du rapport : Poutine et la corruption

La liste des camarades, anciennes connaissances ou amis de Vladimir Poutine devenus milliardaires ou occupant des postes de premier plan est longue. L'opposant Boris Nemtsov, ancien ministre sous Eltsine et fondateur du mouvement démocratique Solidarnost, publie depuis 2008 d’épais rapports sur la question. Le dernier en date, financé en partie par les dons des internautes – Poutine et la Corruption 2 – passe en revue les mirobolantes carrières des proches du président russe.

Il y a d’abord les membres de la coopérative Ozero. En 1996, huit camarades, dont Vladimir Poutine, décidaient de créer cette structure pour se faire construire des datchas sur les bords du lac de Komsomolskoye, dans la région de Leningrad. Figure parmi eux Vladimir Iakounine, le P-DG de l'entreprise publique RJD, les chemins de fer russes, à qui l’on prête une immense fortune. Il a remporté une médaille d’or dans la carte interactive de la corruption de Sotchi – « Sotchi 2014 : l’encyclopédie des dépenses » – récemment faite par l'activiste et blogueur Alexeï Navalny.

Vladimir Iakounine et Vladimir Poutine, 2010Vladimir Iakounine et Vladimir Poutine, 2010 © Reuters

C’est Iakounine qui a supervisé la construction de la route combinée (route et chemin de fer) de 48 km qui relie la ville d’Adler, sur les bords de la mer Noire, à la station de sports d’hiver Krasnaya Polyana, où se déroulent les compétitions olympiques. Son coût a augmenté de 93 % pour arriver à la somme astronomique de 8,7 milliards de dollars. La société de construction SK-Most, dont Guennadi Timtchenko (une autre vieille connaissance de Poutine, voir ci-dessous) est actionnaire depuis 2012, a remporté une partie de ce juteux marché. 

Iouri Kovaltchouk, actionnaire majoritaire de la banque RossiyaIouri Kovaltchouk, actionnaire majoritaire de la banque Rossiya

Autres gagnants de la coopérative Ozero : les milliardaires Iouri Kovaltchouk et Nikolaï Shamalov, qui contrôlent respectivement 33,5 % et 12,7 % de la banque Rossiya laquelle, de petit établissement, est devenu une banque de tout premier plan. La banque a pu, dès 2004, récupérer certains actifs de Gazprom dont 50 % de Sogaz, l’une des plus grandes compagnies d’assurances russes, à un prix nettement sous-évalué. Boris Nemtsov estime à 60 milliards de dollars le montant total des actifs de Gazprom ainsi transférés à la banque Rossya, ou à d’autres structures contrôlées par des proches de Poutine.

La banque Rossiya contrôle aussi la holding de presse National Media Groug, propriétaire de plusieurs chaînes de télévision, du quotidien Izvestia et de 25 % de Pervyi Kanal, la chaîne la plus regardée en Russie. Ce qui fait de Iouri Kovaltchouk une sorte de Murdoch à la russe.

Autres camarades de datcha : les frères Sergeï et Andreï Fursenko. Le premier après avoir été directeur de Lentransgaz, l’une des filiales de Gazprom, a pris de 2008 à 2010 la tête du National Media Group, et dirige aujourd'hui la Ligue de football russe. Le second est ministre de l’éducation et des sciences.

LA MYSTÉRIEUSE NOTE SUR MONSIEUR POUTINE

En 1996, après la défaite aux élections municipales de son mentor Anatoly Sobtchak, Vladimir Poutine, encore largement inconnu, est appelé à Moscou. Au sein de l’administration présidentielle, il progresse vite et le voilà nommé à la direction du contrôle, position stratégique pour garder l’œil sur les régions et accumuler des kompromaty (documents compromettants) sur les gouverneurs. Il s’acquitte si bien de cette tâche qu’il est propulsé en 1998 à la tête du FBS, à la surprise de ceux qui ont en mémoire sa terne carrière d’officier du KGB au sein de la 1re direction (contre-espionnage et surveillance des dissidents).

À l’été 1999, l’entourage de Boris Eltsine, dont le redoutable Boris Berezovski, cherche de toute urgence un successeur au président malade. Deux candidats sont pressentis : le ministre de l’intérieur Mikhaïl Rouchaïlo et Vladimir Poutine à qui les intrigants prêtent, à tort, un caractère conciliant et « fidèle ».

C’est alors qu’apparaît dans deux médias, Versia et Moskovski Komsomolets, une étrange note sur Vladimir Poutine, émanant visiblement des services de sécurité.

La note "blanche" sur Vladimir PoutineLa note "blanche" sur Vladimir Poutine

Le document le dépeint déjà comme fortement impliqué dans les affaires, et couvrant de nombreuses malversations. « Selon des gens de l’entourage proche de Poutine, son désir de s’enrichir personnellement et l’absence de barrières morales (qui le caractérisent) sont apparus dès le début de sa carrière », indique la note. Outre le rappel du fameux troc à Saint-Pétersbourg, le document recense les différentes opérations qu’il aurait chapeautées. Dont le dépeçage au milieu des années 1990 de la Baltic Shipping Compagny (BMP) dont la flotte comptait, du temps de l’URSS, 170 grands cargos et navires et 46 000 employés.

Des centaines de navires russes auraient alors été vendus à des prix sous-évalués, sous le contrôle d’un proche de Poutine. La privatisation du grand hôtel Astoria, le palace de Saint-Pétersbourg, aurait permis au futur président d’empocher quelque 800 000 dollars.

Tout au long des années pétersbourgeoises, Vladimir Poutine aurait flirté avec les milieux du crime organisé, tirant toujours son épingle du jeu, et aidant même Anatoly Sobtchak à échapper à des poursuites judiciaires au lendemain de sa défaite en 1996 à la tête de la mairie de Saint-Pétersbourg.

En 2003, Boris Berezovski, de son exil londonien, avait dressé dans Kommersant (le journal qu'il contrôlait alors) « la liste des crimes de Poutine » qu’il avait lui-même contribué à installer au pouvoir. Alors fin connaisseur des turpitudes des uns et des autres dans les plus hautes sphère de l’État, il reprenait largement le contenu de la note de 1999. L'ancien intrigant du Kremlin a été retrouvé mort dans sa salle de bains le 23 mars 2013, à Londres. L'enquête a conclu à un suicide, mais nombre de ses proches estiment qu'il a été assassiné.

Boris BerezovskiBoris Berezovski © Reuters

LES CAMARADES DE LA COOPÉRATIVE « OZERO »

La couverture du rapport : Poutine et la corruptionLa couverture du rapport : Poutine et la corruption

La liste des camarades, anciennes connaissances ou amis de Vladimir Poutine devenus milliardaires ou occupant des postes de premier plan est longue. L'opposant Boris Nemtsov, ancien ministre sous Eltsine et fondateur du mouvement démocratique Solidarnost, publie depuis 2008 d’épais rapports sur la question. Le dernier en date, financé en partie par les dons des internautes – Poutine et la Corruption 2 – passe en revue les mirobolantes carrières des proches du président russe.

Il y a d’abord les membres de la coopérative Ozero. En 1996, huit camarades, dont Vladimir Poutine, décidaient de créer cette structure pour se faire construire des datchas sur les bords du lac de Komsomolskoye, dans la région de Leningrad. Figure parmi eux Vladimir Iakounine, le P-DG de l'entreprise publique RJD, les chemins de fer russes, à qui l’on prête une immense fortune. Il a remporté une médaille d’or dans la carte interactive de la corruption de Sotchi – « Sotchi 2014 : l’encyclopédie des dépenses » – récemment faite par l'activiste et blogueur Alexeï Navalny.

Vladimir Iakounine et Vladimir Poutine, 2010Vladimir Iakounine et Vladimir Poutine, 2010 © Reuters

C’est Iakounine qui a supervisé la construction de la route combinée (route et chemin de fer) de 48 km qui relie la ville d’Adler, sur les bords de la mer Noire, à la station de sports d’hiver Krasnaya Polyana, où se déroulent les compétitions olympiques. Son coût a augmenté de 93 % pour arriver à la somme astronomique de 8,7 milliards de dollars. La société de construction SK-Most, dont Guennadi Timtchenko (une autre vieille connaissance de Poutine, voir ci-dessous) est actionnaire depuis 2012, a remporté une partie de ce juteux marché. 

Iouri Kovaltchouk, actionnaire majoritaire de la banque RossiyaIouri Kovaltchouk, actionnaire majoritaire de la banque Rossiya

Autres gagnants de la coopérative Ozero : les milliardaires Iouri Kovaltchouk et Nikolaï Shamalov, qui contrôlent respectivement 33,5 % et 12,7 % de la banque Rossiya laquelle, de petit établissement, est devenu une banque de tout premier plan. La banque a pu, dès 2004, récupérer certains actifs de Gazprom dont 50 % de Sogaz, l’une des plus grandes compagnies d’assurances russes, à un prix nettement sous-évalué. Boris Nemtsov estime à 60 milliards de dollars le montant total des actifs de Gazprom ainsi transférés à la banque Rossya, ou à d’autres structures contrôlées par des proches de Poutine.

La banque Rossiya contrôle aussi la holding de presse National Media Groug, propriétaire de plusieurs chaînes de télévision, du quotidien Izvestia et de 25 % de Pervyi Kanal, la chaîne la plus regardée en Russie. Ce qui fait de Iouri Kovaltchouk une sorte de Murdoch à la russe.

Autres camarades de datcha : les frères Sergeï et Andreï Fursenko. Le premier après avoir été directeur de Lentransgaz, l’une des filiales de Gazprom, a pris de 2008 à 2010 la tête du National Media Group, et dirige aujourd'hui la Ligue de football russe. Le second est ministre de l’éducation et des science

Le document le dépeint déjà comme fortement impliqué dans les affaires, et couvrant de nombreuses malversations. « Selon des gens de l’entourage proche de Poutine, son désir de s’enrichir personnellement et l’absence de barrières morales (qui le caractérisent) sont apparus dès le début de sa carrière », indique la note. Outre le rappel du fameux troc à Saint-Pétersbourg, le document recense les différentes opérations qu’il aurait chapeautées. Dont le dépeçage au milieu des années 1990 de la Baltic Shipping Compagny (BMP) dont la flotte comptait, du temps de l’URSS, 170 grands cargos et navires et 46 000 employés.

Des centaines de navires russes auraient alors été vendus à des prix sous-évalués, sous le contrôle d’un proche de Poutine. La privatisation du grand hôtel Astoria, le palace de Saint-Pétersbourg, aurait permis au futur président d’empocher quelque 800 000 dollars.

Tout au long des années pétersbourgeoises, Vladimir Poutine aurait flirté avec les milieux du crime organisé, tirant toujours son épingle du jeu, et aidant même Anatoly Sobtchak à échapper à des poursuites judiciaires au lendemain de sa défaite en 1996 à la tête de la mairie de Saint-Pétersbourg.

En 2003, Boris Berezovski, de son exil londonien, avait dressé dans Kommersant (le journal qu'il contrôlait alors) « la liste des crimes de Poutine » qu’il avait lui-même contribué à installer au pouvoir. Alors fin connaisseur des turpitudes des uns et des autres dans les plus hautes sphère de l’État, il reprenait largement le contenu de la note de 1999. L'ancien intrigant du Kremlin a été retrouvé mort dans sa salle de bains le 23 mars 2013, à Londres. L'enquête a conclu à un suicide, mais nombre de ses proches estiment qu'il a été assassiné.

Boris BerezovskiBoris Berezovski © Reuters

LES CAMARADES DE LA COOPÉRATIVE « OZERO »

La couverture du rapport : Poutine et la corruptionLa couverture du rapport : Poutine et la corruption

La liste des camarades, anciennes connaissances ou amis de Vladimir Poutine devenus milliardaires ou occupant des postes de premier plan est longue. L'opposant Boris Nemtsov, ancien ministre sous Eltsine et fondateur du mouvement démocratique Solidarnost, publie depuis 2008 d’épais rapports sur la question. Le dernier en date, financé en partie par les dons des internautes – Poutine et la Corruption 2 – passe en revue les mirobolantes carrières des proches du président russe.

Il y a d’abord les membres de la coopérative Ozero. En 1996, huit camarades, dont Vladimir Poutine, décidaient de créer cette structure pour se faire construire des datchas sur les bords du lac de Komsomolskoye, dans la région de Leningrad. Figure parmi eux Vladimir Iakounine, le P-DG de l'entreprise publique RJD, les chemins de fer russes, à qui l’on prête une immense fortune. Il a remporté une médaille d’or dans la carte interactive de la corruption de Sotchi – « Sotchi 2014 : l’encyclopédie des dépenses » – récemment faite par l'activiste et blogueur Alexeï Navalny.

Vladimir Iakounine et Vladimir Poutine, 2010Vladimir Iakounine et Vladimir Poutine, 2010 © Reuters

C’est Iakounine qui a supervisé la construction de la route combinée (route et chemin de fer) de 48 km qui relie la ville d’Adler, sur les bords de la mer Noire, à la station de sports d’hiver Krasnaya Polyana, où se déroulent les compétitions olympiques. Son coût a augmenté de 93 % pour arriver à la somme astronomique de 8,7 milliards de dollars. La société de construction SK-Most, dont Guennadi Timtchenko (une autre vieille connaissance de Poutine, voir ci-dessous) est actionnaire depuis 2012, a remporté une partie de ce juteux marché. 

Iouri Kovaltchouk, actionnaire majoritaire de la banque RossiyaIouri Kovaltchouk, actionnaire majoritaire de la banque Rossiya

Autres gagnants de la coopérative Ozero : les milliardaires Iouri Kovaltchouk et Nikolaï Shamalov, qui contrôlent respectivement 33,5 % et 12,7 % de la banque Rossiya laquelle, de petit établissement, est devenu une banque de tout premier plan. La banque a pu, dès 2004, récupérer certains actifs de Gazprom dont 50 % de Sogaz, l’une des plus grandes compagnies d’assurances russes, à un prix nettement sous-évalué. Boris Nemtsov estime à 60 milliards de dollars le montant total des actifs de Gazprom ainsi transférés à la banque Rossya, ou à d’autres structures contrôlées par des proches de Poutine.

La banque Rossiya contrôle aussi la holding de presse National Media Groug, propriétaire de plusieurs chaînes de télévision, du quotidien Izvestia et de 25 % de Pervyi Kanal, la chaîne la plus regardée en Russie. Ce qui fait de Iouri Kovaltchouk une sorte de Murdoch à la russe.

Autres camarades de datcha : les frères Sergeï et Andreï Fursenko. Le premier après avoir été directeur de Lentransgaz, l’une des filiales de Gazprom, a pris de 2008 à 2010 la tête du National Media Group, et dirige aujourd'hui la Ligue de football russe. Le second est ministre de l’éducation et des sciences.

 



15/02/2014
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