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UKRAINE; POUTINE A BRUXELLES ET DESACCORDS AVEC LES EUROPEENS

Ukraine: Poutine à Bruxelles pour constater ses désaccords avec les Européens (médiapart)

|  Par Ludovic Lamant

La crise à Kiev, qui s'est accélérée avec l'annonce de la démission du premier ministre Mykola Azarov, devrait occuper l'essentiel de la réunion Russie-UE mardi soir, alors que chaque camp accuse l'autre d'ingérence.

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 De notre envoyé spécial à Bruxelles

La rencontre ne devrait pas durer plus de trois heures. Le traditionnel dîner de bienvenue, la veille du sommet, a été annulé. Vladimir Poutine est attendu à Bruxelles mardi, flanqué de son ministre des affaires étrangères Serguei Lavrov, pour un sommet éclair entre l'Union européenne et la Russie, qui s'annonce particulièrement tendu. Chaque camp accuse l'autre d'ingérence dans la crise ukrainienne, et les positions semblent impossibles à réconcilier. 

Si les Russes ont déjà fait savoir, par la voix de leur ambassadeur auprès de l'UE, que « ce ne sera pas un sommet sur l'Ukraine », l'accélération de la crise dans l'ancienne république soviétique devrait occuper l'essentiel des débats. Autour de la table, Poutine et Lavrov échangeront avec José Manuel Barroso et Herman Van Rompuy, les présidents de la commission européenne et du conseil, ainsi que Catherine Ashton, responsable de la diplomatie de l'UE. 

« Nous ne pouvions pas nous contenter d'un sommet banal, avec une discussion point par point, sur les enjeux commerciaux, ou encore l'octroi des visas pour les Russes », explique une source diplomatique de l'UE. « Il nous fallait une discussion plus politique, plus stratégique, sur la nature de notre relation entre voisins ». Aucune conclusion formelle n'est attendue à l'issue de cette rencontre, qui doit avant tout servir à « clarifier les choses » entre les deux partenaires et leur permettre de « parler sans ambages ». « Il n'y aura ni solution immédiate ni confrontation tragique », assure-t-on à Bruxelles. 

« Ils ne sauront pas quoi dire, suspendus aux événements en cours à Kiev. Ils seront dans une situation d'attente, qui ne facilitera pas les choses », pronostique Michael Emerson, un universitaire au sein du centre de recherche bruxellois CEPS. Cet expert fait allusion, en particulier, à la session extraordinaire du parlement ukrainien qui s'est ouverte mardi matin. La veille au soir, le président Viktor Ianoukovitch avait évoqué la possibilité de faire abroger les lois adoptées le 16 janvier et qui limitent drastiquement le droit de manifester. Dès l'ouverture de la session à Kiev, le premier ministre Mykola Azarov a annoncé sa démission. Ce poids lourd de la politique ukrainienne, qui avait multiplié les diatribes ces derniers jours, criant à un «coup d'Etat» fomenté par l'opposition, a expliqué sa démission par la volonté de trouver un compromis politique.

Pour Michael Emerson, qui vient de publier un long article sur le sujet, « les relations entre l'UE et la Russie connaissent aujourd'hui le degré de confrontation et de méfiance le plus élevé depuis la fin de la guerre froide, en exceptant, peut-être, l'épisode de la guerre de 2008 avec la Géorgie ».

Des forces de l'ordre à proximité de la place de l'Indépendance, à Kiev, lundi 27 janvier. © Reuters.Des forces de l'ordre à proximité de la place de l'Indépendance, à Kiev, lundi 27 janvier. © Reuters.

Lors d'un déplacement à Varsovie samedi, Herman Van Rompuy n'a pas mâché ses mots, contre « l'usage injustifié de la force et de la brutalité, de la part des autorités ukrainiennes, à l'encontre des manifestants qui, dans leur grande majorité, restent pacifiques ». À l'inverse, côté russe, on critique désormais avec force l'« ingérence » des Européens dans la crise, qui « contribue à une escalade du conflit », selon les termes d'une déclaration publiée par la Douma, la chambre basse russe.

« Nous sommes convaincus que Kiev sait ce qu'il faut faire, et trouvera le meilleur dénouement afin de normaliser la situation et la remettre dans un cadre légal », a affirmé, le 23 janvier, le porte-parole de Vladimir Poutine. Difficile de voir comment rapprocher ces deux positions… Mais Bruxelles et Moscou ont tout de même un intérêt commun : que la situation se calme au plus vite. Poutine sait qu'une démission du camp pro-russe en Ukraine pourrait réveiller, par effet d'entraînement, des mobilisations en Russie – un scénario explosif à l'approche des JO d'hiver de Sotchi (qui commencent le 7 février). 

L'ambiance autour de la table s'annonce plombée. Les dirigeants de l'UE ne digèrent toujours pas la manière dont Vladimir Poutine est parvenu à torpiller, à l'automne dernier, le sommet de Vilnius, et réduire en miettes l'un des volets les plus ambitieux de la diplomatie européenne. Le rendez-vous de Vilnius devait mettre en scène une nouvelle étape du « partenariat oriental » lancé en 2009, pour dessiner les contours de la relation de l'UE avec ses nouveaux voisins à l'Est, après l'élargissement des années 2000. L'objectif était de conclure des « contrats d'association et de libre-échange » avec l'Ukraine, mais aussi l'Arménie, la Géorgie et la Moldavie.

L'affaire semblait bien engagée, mais c'était sans compter sur l'interventionnisme de Vladimir Poutine dans la dernière ligne droite. Le président russe a convaincu, en septembre, l'Arménie de faire marche arrière. Deux mois plus tard, à quelques jours à peine du sommet, nouvelle volte-face sous pression russe : Kiev choisit Moscou aux dépens de Bruxelles, déclenchant des manifestations pro-européennes dans la capitale et ailleurs dans le pays. Moscou « offre » un prêt sans conditions de 15 milliards de dollars (11 milliards d'euros), permettant à l'Ukraine d'éviter la faillite, et baisse d'un tiers le prix des importations de gaz russe. « Si l'UE avait conçu un bâtiment aux fondations fragiles (avec le "partenariat oriental", ndlr), Poutine en fut l'expert en démolition », résume Michael Emerson, du CEPS.



28/01/2014
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