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TRIOMPHE D'ANGELA MERCKEL: PORTRAIT

 

 

Beaucoup l’appellent simplement «Mutti», («maman»). Angela Merkel, 59 ans, rassemble autant qu’elle rassure. Figure protectrice d’un pays à la population vieillissante, elle est la personnalité politique la plus populaire de son pays et vient de remporter ses troisièmes législatives. Son parti devrait avoir la majorité absolue. Mais elle n’aurait pas hésité - faute de pouvoir reconduire la coalition sortante avec les libéraux - à gouverner avec les sociaux-démocrates, comme entre 2005 et 2009. Voire avec les Verts, d’autant qu’après un virage à 180 degrés post-tragédie de Fukushima, cette physicienne longtemps fascinée par l’énergie de l’atome a opté pour l’arrêt du nucléaire. Vaccinée contre toute forme d’idéologie par sa jeunesse en RDA, la chancelière est avant tout une pragmatique qui a l’art de la synthèse et sait récupérer les thèmes de ses adversaires. «Elle a créé une république qui sommeille», s’inquiétait récemment l’hebdomadaire Der Spiegel, lui reprochant d’amortir presque totalement le débat politique.

Cube. «Elle incarne un pouvoir calme et elle réussit à s’imposer sans mettre en avant sa personnalité», estime Jacqueline Hénard, journaliste, universitaire et spécialiste des relations franco-allemandes au cabinet de stratégie de communication CNC. Discrète, efficace, bourreau de travail, Merkel est entourée par une garde rapprochée d’une fidélité absolue dont les piliers sont Beate Baumann, sa directrice de cabinet, et Eva Christiansen, sa conseillère en communication. Depuis la chancellerie, grand cube aux lignes futuristes qui fait face au Parlement, celle que les médias anglo-saxons présentent comme «la femme la plus puissante du monde» gère l’Allemagne en mère de famille, n’hésitant pas à manier la métaphore ménagère pour expliquer qu’un pays ne doit pas vivre au-dessus de ses moyens. Elle est néanmoins un redoutable animal politique. Ceux qui l’ont sous-estimée, notamment au sein de son propre parti, l’ont payé cher.

«Angela Merkel reste une énigme», notait l’un de ses meilleurs biographes, Gerd Langguth. Un petit tableau dans un cadre d’argent trône dans son bureau : un portrait de Catherine II, dite la Grande, princesse allemande devenue tsarine qui aimait à correspondre avec Voltaire et Diderot, mais régnait d’une main de fer. «Elle était très courageuse et a accompli beaucoup de choses dans des circonstances difficiles», expliqua la chancelière à un journaliste qui lui demandait pourquoi ce modèle. «C’est une grande stratège, nul ne peut le contester. Mais est-elle une grande réformatrice ? On peut en douter, notamment sur le terrain européen», relève Odile Benyahia-Kouider, qui raconte cette anecdote dans son livre l’Allemagne paiera (Fayard).

La chancelière passe volontiers pour une indécise. Au plus fort de la crise de l’euro, cela irritait ses homologues européens, et notamment français. Ils ne comprenaient pas qu’une chancelière allemande n’est pas décisionnaire comme un président français et qu’elle doit composer avec plusieurs contre-pouvoirs, depuis les deux Chambres jusqu’à la toute puissante Cour constitutionnelle de Karlsruhe. En outre, Merkel n’a jamais été fascinée par la France, dont elle ne parle pas la langue. Elle est caricaturée comme une Européenne de raison, voire tiède. «Pendant sa jeunesse, l’Europe n’était pas pour elle une réalité, mais un rêve, ce qui est encore plus fort. Elle a vécu dans sa chair la division du continent», assure Jacqueline Boysen, biographe de la chancelière, qu’elle a connue au début de sa carrière.

Il est impossible de comprendre Angela Merkel sans comprendre ce que fut sa vie en RDA. Dès l’enfance, fille de pasteur inscrite aux jeunesses communistes pour pouvoir étudier, elle a appris à développer deux discours : l’un dans l’intimité, l’autre à l’extérieur. «Elle a toujours dû se protéger», insiste Jacqueline Boysen. Ses proches et ses collaborateurs la décrivent comme chaleureuse et pleine d’humour, aimant à imiter ses homologues européens. Les médias décrivent une personnalité froide et hyper contrôlée.

Épicerie. Son grand atout vis-à-vis de l’opinion est la simplicité. Elle habite toujours l’appartement qu’elle avait acquis au cœur de l’ex-Berlin-Est avant de devenir chancelière, devant lequel un seul policier monte la garde. Elle va faire ses courses non loin de là - mais en voiture - à l’épicerie des Galeries Lafayette, avec une escorte discrète et faisant la queue. Tous la reconnaissent, nul ne l’aborde par respect pour sa vie privée. Son second mari, Joachim Sauer, chimiste, 60 ans, a été surnommé «le fantôme de l’opéra» pour sa discrétion et la passion qu’il partage avec la chancelière pour l’art lyrique. Elle aime s’activer aux fourneaux sans que cela ne fasse la une de la presse people. «Quand je fais la cuisine, ce n’est pas la chancelière qui fait la cuisine», rappelle-t-elle. Si, comme elle l’a annoncé, elle arrête sa carrière politique après ce mandat, nul n’imagine qu’elle puisse aller, comme son prédécesseur Gerhard Schröder, pantoufler à Gazprom avec la protection de Poutine. Ce d’autant plus qu’elle n’hésite pas à rappeler, parfois haut et fort, au dirigeant russe comme à ceux de Pékin un certain nombre de vérités en matière de libertés. Sans que cela n’empêche le business.



23/09/2013
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