Interview Opposante, la comédienne Fadwa Suleiman s’est réfugiée en France :

La comédienne syrienne Fadwa Suleiman est réfugiée en France depuis mars, après avoir vécu cachée par crainte de représailles du régime de Bachar al-Assad qui lui reprochait son activisme lors des premiers mois de la révolution. Menue, visage très pâle percé de grands yeux sombres et las, elle semblait se demander ce qu’elle faisait là, au Festival d’Avignon, loin des combats sanglants qui déchirent son pays. Dans un français bien meilleur qu’elle ne le reconnaît, entrecoupé de longues tirades en arabe ponctuées par le mot harb (la guerre), elle nous a confié sa peur et surtout son indignation devant le rôle trouble joué par l’ensemble de la communauté internationale.

Pensez-vous que le pouvoir de Bachar al-Assad touche à sa fin ?

Ce régime est en train de vaciller, je suis sûre qu’il va tomber. Mais j’ai très peur qu’Al-Assad veuille couper le territoire en deux, avec la région de Lattaquié et Tartous d’un côté et le reste du pays de l’autre, et pousse les deux parties à s’entretuer afin de lui-même survivre. J’espère surtout que les alaouites [la minorité dont il fait partie, ndlr], qui le soutiennent par peur des autres, finiront par le lâcher. Après tout, beaucoup ont été tués par sa faute. Et beaucoup sont pauvres, Bachar et son père, Hafez al-Assad, n’ont rien fait pour eux. Le drame, c’est que la population [à majorité sunnite] est persuadée au contraire qu’ils n’ont eu de cesse de les aider.

Que peut faire la communauté internationale ?

Le monde entier a laissé tomber le pays aux mains de Bachar al-Assad ! Ce sont les politiques de tous bords qui sont responsables de cette situation ! Le peuple a tout fait pour arriver pacifiquement à la démocratie, la liberté, la justice. Quand le régime a répliqué par les armes, il a essayé de se défendre, c’est pour ça qu’il a pris les armes. Bachar al-Assad a dit qu’il y avait des salafistes en Syrie, des gens armés qui voulaient sa perte… mais c’était juste pour que le monde lui donne l’autorisation de tuer impunément. Et le monde a laissé faire, pas seulement la Russie et la Chine ! C’est la communauté internationale qui a poussé la population à prendre les armes. Il aurait fallu que la révolution reste pacifique, mais beaucoup jouent avec le peuple syrien.

Comment la révolution pacifique est-elle devenue armée ?

Bachar a tout fait pour ça. Il a laissé des frontières ouvertes afin que les armes puissent passer. En Syrie, il faut le savoir, les armes passent plus facilement que les médicaments ! Bachar bloque les médicaments afin que les blessés ne puissent pas être soignés.

Vous êtes favorable à une intervention internationale comme en Libye ?

Non, elle ne ferait qu’augmenter le nombre de morts. Car elle ciblerait les services publics. Or, les services publics, c’est le peuple ! Le régime doit s’effondrer de l’intérieur.

Et après ?

Le peuple est épuisé. Il se noie, tend la main hors de l’eau en espérant être repêché. Il veut que Bachar soit jugé en tant que criminel de guerre, comme Milosevic. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit préparer la mise en place d’un comité de transition, incluant responsables de l’armée, des armées libres et opposants politiques. Il doit décréter que Bachar al-Assad n’a plus rien à faire là et commencer à négocier le transfert du pouvoir aux Syriens. Dans un premier temps, les militaires et les politiques doivent travailler ensemble mais, dans un second, les militaires ne doivent plus se mêler de politique. Il va falloir cadrer les hommes des armées libres.