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SYRIE: L'ARMEE DE L'OMBRE ET LES SOUTIEN DES NATIONS

6 juillet 2012 à 22:26
Des opposants syriens au régime de Bachar Al-Assad manifestent à Amman (Jordanie), le 5 juillet.
Des opposants syriens au régime de Bachar Al-Assad manifestent à Amman (Jordanie), le 5 juillet. (© Majed Jaber / Reuters)

Alors que la conférence de Paris a clairement misé sur l’opposition intérieure, des signes d’affaiblissement du régime apparaissent.

Par ParJEAN-PIERRE PERRIN

Sans doute un tournant dans la crise syrienne : la décision, vendredi à Paris, de la troisième conférence des Amis du peuple syrien de soutenir activement l’opposition intérieure et «d’accroître massivement l’aide» à celle-ci. C’est donc à un recentrage sur la scène intérieure de la Syrie que l’on assiste de la part de cette organisation informelle, qui rassemble une centaine de pays arabes et occidentaux ainsi que des organisations favorables au départ du président, Bachar al-Assad.

Jamais d’ailleurs le départ de ce dernier n’avait été autant exigé dans les différents discours. Un consensus qui s’explique par l’absence de la Russie et de la Chine, deux alliés indéfectibles de Damas, qui avaient boycotté la réunion. Si, désormais, l’accent est mis aussi nettement sur «l’intérieur», c’est parce que la situation militaire sur le terrain a commencé à évoluer en faveur des insurgés et que, pour la première fois, un proche de Bachar al-Assad a fait défection. A cause aussi des massacres qui continuent, en dépit de l’accord sur la transition obtenu à la réunion de Genève auquel avaient souscrit Moscou et Pékin : 400 à 500 morts depuis samedi dernier.

Que retenir de la conférence de Paris ?

Pour la première fois, l’éventualité d’un recours à la force contre Bachar al-Assad est évoquée à travers une possible résolution du Conseil de sécurité. La France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne notamment, mais aussi la Ligue arabe, ont demandé en effet que les accords internationaux sur une transition politique en Syrie, issus du plan de Kofi Annan, soient désormais gravés dans le marbre onusien et contenus dans une résolution dite «sous chapitre VII», adoptée de façon urgente. Or, ce chapitre VII de la charte de l’ONU ouvre la voie à des sanctions ou au recours à la force en cas de non-respect de la résolution. Bien sûr, Moscou et Pékin vont s’opposer fermement à une telle résolution. Pour les Occidentaux, cette attitude n’est pas défendable : puisque les Russes et les Chinois acceptent le plan Annan et l’accord de Genève qui en découle, ils doivent accepter que la Syrie puisse être sanctionnée si elle ne s’y conforme pas. D’où la bataille engagée par les Etats-Unis pour les faire fléchir, ce qui a provoqué une polémique avec Moscou, vendredi : Hillary Clinton, la Secrétaire d’Etat américaine, a accusé ces deux pays de «bloquer» les progrès en Syrie et, surtout, estimé qu’ils risquaient d’en payer le prix, sous-entendu économique, s’attirant de vives critiques de la part de la diplomatie russe.

S’achemine-t-on vers l’emploi de la force ?

On est très loin d’en être à ce stade : la menace de sanctions n’implique pas l’emploi de la force armée, sauf si les mesures prises s’avèrent inadéquates. Mais la question est désormais posée. Le chef de la diplomatie allemande, Guido Westerwelle, a même expliqué que des mesures militaires seraient discutées «peut-être dans d’autres réunions, si la mise en œuvre des sanctions n’aboutit pas aux progrès qu’elles auraient dû avoir». Par ailleurs, le représentant du Qatar est allé plus loin en évoquant un recours à la force hors le Conseil de sécurité.

Que se passe-t-il sur le terrain ?

Les grandes puissances occidentales ont enfin pris en compte que c’est l’opposition intérieure, c’est-à-dire les révolutionnaires, qui est la force dominante de l’opposition, et non celle dite de «l’extérieur». Ainsi, un leader de Homs, cœur battant de la révolution, était venu spécialement à Paris. A regarder les batailles en cours en Syrie, on voit que le régime, avec ses chars et ses hélicoptères, est capable de reprendre les villes insurgées, mais incapable de les garder. Homs, reconquis fin février, est ainsi à nouveau en partie contrôlée par la rébellion. «Maintenant, les forces du régime sont comparables à une armée d’occupation. Dès qu’elles se retirent, les manifestations reprennent. Il y a désormais un camp [celui du régime, ndlr] qui a le sentiment de perdre la bataille et, anticipant cette défaite, s’emploie à faire tout le mal qu’il peut», estime le politologue Ziad Majed. Une des explications possibles est le meilleur armement dont disposent à présent les combattants de l’Armée syrienne libre, dont des lance-roquettes plus perfectionnés, sans doute livrées par le Qatar, avec l’assentiment de Washington et la complicité d’Ankara.

S’ajoute la multiplication des défections au sein de l’armée loyaliste, dont la plus frappante est celle de Manaf Tlass, le fils de l’ex-ministre de la Défense, et général de la Garde républicaine, annoncée vendredi. C’est la première fois qu’un homme de la «génération Bachar» - le noyau jeune de la nomenklatura qui voulait réformer le pays sans le démocratiser - déserte. Tlass est un ami d’enfance et un intime de Bachar al-Assad, avec lequel il a suivi une formation d’officier. Au départ, rien de politique dans cette défection, qui s’expliquerait par le fait du refus de le nommer général de division. Néanmoins, elle est douloureuse pour le régime. Selon le locataire du Quai-d’Orsay, Laurent Fabius, il se rendrait à Paris où vivent sa femme et sa sœur, Nahed, qui fut la maîtresse de Roland Dumas, alors ministre des Affaires étrangères



07/07/2012
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