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SOLIDARITE AVEC LES FEMMES ESPAGNOLES: PRENONS LE TRAIN DE LA LIBERTE

J’ai vu des femmes mourir d’un avortement clandestin. Les Espagnoles ne peuvent pas revoir ça »(médiapart)

|  Par La rédaction d'infoLibre et Elena Herrera

Un groupe de femmes des Asturies a lancé l’idée de voyager vers Madrid dans un « Train de la liberté », pour protester, samedi, contre la réforme qui vise à supprimer le droit à l’avortement. Cette manifestation suscite une vague de soutien dans toute l’Espagne et à l’étranger, dont la France, où des rassemblements sont prévus.

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« J’ai vu des femmes mourir d’un avortement clandestin. On ne peut pas revoir ça. Perdre ce droit est une mauvaise nouvelle pour les femmes. » Angeles Flórez Peón a 95 ans. Exilée de force en France, elle a souffert dans sa jeunesse d’une double persécution : parce qu’elle était socialiste et parce qu’elle était une femme. Elle sait ce que signifie la conquête de droits, même si c’est de l’autre côté des Pyrénées. Et c’est pour ça qu’elle ne manquera pas, ce samedi, la première (à son avis) grande manifestation contre la réforme de la loi sur l’avortement proposée par le ministre de la justice espagnol, Alberto Ruiz-Gallardón. À 5 h 30, elle prendra un bus à Gijón (Asturies) en direction de la capitale.

Angeles est l’une de ces femmes qui ont entendu l’appel de l’association féministe historique, Tertulia Les Comadres, de Gijón, à se mobiliser à Madrid contre la réforme qui élimine le droit à l’avortement et qui ramène l’Espagne à une législation antérieure à celle de 1985. Cette initiative a surgi lors d’un repas auquel ont assisté 25 femmes, explique Begoña Piñero Hevia, fleuriste de profession et membre de l’association. « Nous avons commencé à parler de nos affaires, de ce qui nous préoccupe en tant que femmes… Le sujet de l’avortement est arrivé tout de suite. Nous nous sommes dit qu’il fallait faire quelque chose de marquant. D’abord on a pensé aller à pied à Madrid, mais il faut du temps et de l’argent et on n'a ni l’un ni l’autre », raconte-t-elle, non sans humour. Et une question a fusé : « Et si nous y allions en train ? » « Le lendemain nous réservions billets de train et hôtels », ajoute Begoña. Elles ont réservé 150 billets pour le trajet Gijón-Madrid, avec arrêt à Valladolid pour arriver le samedi dans la capitale. En cinq semaines, les billets pour ce premier Train de la liberté étaient revendus.

Ensuite, des groupes de femmes de toute l’Espagne, de Cadix à Saragosse en passant par Burgos, Tarragone et La Corogne, se sont mobilisés pour rejoindre la manifestation. Une cinquantaine de femmes françaises iront même à Madrid samedi pour témoigner de leur solidarité dans le rejet de cette réforme. Il y aura aussi des manifestations de soutien à Paris, devant l'ambassade d'Espagne, à Londres, au Chili, en Équateur, en République dominicaine ou en Argentine. « On a même reçu des messages de Patagonie », dit fièrement Begoña, qui n’avait pas imaginé que son action recevrait un tel écho. Elles sont surprises et émues de ces soutiens, mais rappellent qu’elles ne vont pas à Madrid pour se promener.

« Nous allons exiger. Nous ne voulons pas qu’on touche à la loi actuelle. Nous voulons être traitées comme des citoyennes capables de décider de leur propre vie », précise-t-elle. Selon elle, cette contre-réforme ramène les femmes au temps où toutes leurs décisions étaient soumises à l’approbation de leur père, de leur mari ou de leurs frères. « C’est notre corps, ils ne peuvent pas décider à notre place. »

Une fois à Madrid, où elles arriveront vers midi, elles se réuniront près de la gare d’Atocha avec les autres manifestants. De là, ils et elles marcheront jusqu’au Congrès des députés et s’arrêteront en chemin devant le ministère de la santé. À l’assemblée, elles remettront une copie du manifeste Parce que je décide. Ce texte dénonce toute « contrainte » ou « interdiction » concernant les droits sexuels et de reproduction des femmes. Elles refusent d’accepter « une maternité forcée et un régime de tutelle qui condamne les femmes à la minorité d’âge sexuel et reproductif ». Et exigent du gouvernement Rajoy qu’il « promulgue des lois favorisant l’autonomie morale, préservant la liberté de conscience et garantissant la pluralité et la diversité des intérêts ».

D’autres collectifs de plusieurs régions d’Espagne rejoindront la manifestation, ainsi que des partis et syndicats de gauche, très critiques envers la réforme proposée par Gallardón. Pilar Moral, secrétaire aux femmes du syndicat Comisiones Obreras (CCOO) de Madrid, ira, elle aussi. « L’avant-projet de loi est une horreur. Nous sommes passés de la droite au parti de Le Pen en France. C’est une provocation. Il n’existait pas de demande sociale pour changer la loi. Il est très grave d’éliminer l’avortement comme droit pour le transformer en péché et en délit », dit-elle. À son avis, le gouvernement n’a pas bien évalué l’impact de cette nouvelle loi. « Nous avons dépassé les différences idéologiques et politiques, maintenant, nous sommes dans la rue, ensemble avec une seule revendication. »

Ces dernières semaines, les manifestations de rejet de cette réforme se sont multipliées. Jeudi 23 janvier, une centaine de personnes se sont rassemblées devant l’ambassade de France à Madrid au cri de « avortement légal pour ne pas mourir » et pour demander l’asile sanitaire en signe de protestation. Vendredi 24, un groupe de femmes de Saragosse, membre d’une coordination d’organisations féministes, a remis 3 000 signatures contre le changement de loi, dans le cadre d’une campagne de mobilisation « permanente », pour éviter que l’Espagne ne se place « à la queue des pays démocratiques ». Et ce mercredi, un millier de personnes se sont mobilisées devant l’ambassade d’Espagne à Bruxelles au cri de « nous sommes toutes des femmes espagnoles ! ».

Elena Herrera, rédaction d’infoLibre

Version française : Laurence Rizet, Mediapart



01/02/2014
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