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Si les insultes continuent et si les réformes ne s'accentuent pas, le F.N. aura un boulevard devant lui

Les politiques passent les bornes (libération)

25 mars 2013 à 22:36
Journée du Remue Méninges du Parti de Gauche (PG) dans le cadre de son une université d’'été.
Journée du Remue Méninges du Parti de Gauche (PG) dans le cadre de son une université d’'été. (Photo Pierre Morel)

«Salopard», «familles gazées»… toutes les outrances semblent désormais bonnes pour sortir du lot.

Par Jonathan Bouchet-Petersen et pascale nivelle

Un député accuse un magistrat d’avoir «déshonoré la justice», un responsable de parti traite un ministre de «salopard», un ex-ministre accuse la préfecture de police de Paris d’avoir «envoyé des gaz contre des enfants» lors de la manif antimariage gay… Depuis près d’une semaine, il n’y a plus de limites dans l’invective publique. Et, de fait, plus de place pour le débat. «Quand on est privé d’action, il ne reste plus que les mots», constate l’historien Christian Delporte (lire ci-contre). Et plus les mots sont violents, plus ils saturent l’espace.

La séquence s’est ouverte mercredi soir avec la mise en examen de Nicolas Sarkozy. Dès le lendemain, «le clan» des amis de l’ex-président part à la chasse «en meute», comme le dénoncera, très agressif, le porte-parole du PS David Assouline. Henri Guaino, ex-plume du chef de l’Etat et député des Yvelines, s’emballe : «Je conteste la façon dont il [le juge Jean-Michel Gentil, ndlr] a fait son travail. Je la trouve indigne, je trouve qu’il a déshonoré un homme, les institutions, la justice…» Sans oublier de juger qu’il «a sali la France». Diatribe qui lui vaut une citation à comparaître pour «outrage à magistrat».

Refrain antijuges. Jean-François Copé choisit de défendre l’élu UMP. Du bout des lèvres : «En tant que président de l’UMP, je suis solidaire de sa liberté d’expression…» La sarkozyste Nadine Morano ose un parallèle : «Il y a eu l’affaire d’Outreau avec un juge d’instruction dépassé… Et là, nous avons l’affaire Sarkozy, avec un magistrat engagé.» La droite, qui s’était retenue sur l’affaire Cahuzac la semaine précédente, a ouvert le feu contre l’institution judiciaire, reprenant un refrain antijuges classique du précédent quinquennat. Thierry Mariani dénonce «un acte politique», et Christian Estrosi de gazouiller sur son compte Twitter: «La justice ne doit pas permettre plus longtemps l’instrumentalisation de cette affaire.» Egalement ancien ministre de Nicolas Sarkozy, Laurent Wauquiez laisse, lui, entendre qu’il s’agit d’un «complot». Il y a des manières plus constructives de questionner l’indépendance de la justice.

Habitué des propos qui claquent - il fut l’auteur d’une saillie remarquée contre le «cancer de l’assistanat» -, le même Wauquiez était en tête du défilé contre le mariage pour tous, dimanche à Paris. Des policiers chargent quelques extrémistes et Wauquiez monte au créneau pour réclamer des sanctions contre la préfecture de police, jugeant «inacceptable […] d’envoyer des gaz contre les enfants». Place de l’Etoile, Copé renchérit : «Un certain nombre de familles ont été gazées.» «Gazées» ? Dans la bouche de Wauquiez, le normalien, ou dans celle de l’énarque-avocat Copé, la charge est lourde. Et le mot mal choisi. Même si son objectif n’est que d’ouvrir un dernier front, médiatique, alors que la loi sur le mariage homosexuel a été adoptée à l’Assemblée et qu’elle devrait l’être prochainement au Sénat.

Limite. «Etrangleur», «salopard»… C’est à Bordeaux que s’est joué samedi l’épisode le plus violent du feuilleton, quand François Delapierre, devant 800 militants du Parti de gauche, se paie le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici. Coupable selon le secrétaire national du parti mélenchoniste d’être l’un des 17 fossoyeurs - pour autant d’Etats membres de la zone euro - du peuple chypriote : «Dans ces 17 salopards, il y a un Français, il a un nom, il a une adresse, il s’appelle Pierre Moscovici, il est membre du Parti socialiste.» Interrogé sur la sortie de son bras droit, Jean-Luc Mélenchon assume en souriant «une très belle expression» pour qualifier ce ministre «qui ne pense plus en français, mais dans la langue de la finance internationale». Et là, fini Chypre, l’Europe et la crise. On est retombés dans «le vocabulaire des années 30 que l’on ne pensait plus entendre de la bouche d’un républicain et encore moins d’un dirigeant de gauche», contre-attaque Harlem Désir, patron du PS (lire page 22).

Pour Mélenchon, une limite a été franchie : «Harlem Désir instrumentalise l’antisémitisme, et de façon insupportable», accuse-t-il, pointant une «diversion». Hier, dans un communiqué où chaque mot a été pesé, Delapierre a toutefois usé des mêmes références, accusant Désir de se comporter comme «le menteur en chef du PS» et, surtout, d’être «l’héritier de Daladier» - signataire des accords de Munich avec Hitler, en 1938 - plus que celui de Léon Blum, icône du Front populaire. Depuis Stockholm, Moscovici «l’étrangleur du peuple chypriote» se dit «choqué» : «On ne doit pas franchir certaines bornes dans l’invective, avec des formulations qui sont extrêmement limites.»

Derrière le fracas des mots, l’impuissance des politiques. Qui voudraient épargner à Sarkozy le sort d’un justiciable ordinaire. Inverser par la rue les choix du Parlement. Peser au sein de la gauche sans appartenir à la majorité. Et derrière ce fracas, une pression commune, résumée par Martine Billard, coprésidente du Parti de gauche : «On ne veut pas laisser le FN être le seul à parler fort», a vec le risque de brouiller le message. Et d’abaisser le débat public.

Les politiques passent les bornes

25 mars 2013 à 22:36
Journée du Remue Méninges du Parti de Gauche (PG) dans le cadre de son une université d’'été.
Journée du Remue Méninges du Parti de Gauche (PG) dans le cadre de son une université d’'été. (Photo Pierre Morel)

«Salopard», «familles gazées»… toutes les outrances semblent désormais bonnes pour sortir du lot.

Par Jonathan Bouchet-Petersen et pascale nivelle

Un député accuse un magistrat d’avoir «déshonoré la justice», un responsable de parti traite un ministre de «salopard», un ex-ministre accuse la préfecture de police de Paris d’avoir «envoyé des gaz contre des enfants» lors de la manif antimariage gay… Depuis près d’une semaine, il n’y a plus de limites dans l’invective publique. Et, de fait, plus de place pour le débat. «Quand on est privé d’action, il ne reste plus que les mots», constate l’historien Christian Delporte (lire ci-contre). Et plus les mots sont violents, plus ils saturent l’espace.

La séquence s’est ouverte mercredi soir avec la mise en examen de Nicolas Sarkozy. Dès le lendemain, «le clan» des amis de l’ex-président part à la chasse «en meute», comme le dénoncera, très agressif, le porte-parole du PS David Assouline. Henri Guaino, ex-plume du chef de l’Etat et député des Yvelines, s’emballe : «Je conteste la façon dont il [le juge Jean-Michel Gentil, ndlr] a fait son travail. Je la trouve indigne, je trouve qu’il a déshonoré un homme, les institutions, la justice…» Sans oublier de juger qu’il «a sali la France». Diatribe qui lui vaut une citation à comparaître pour «outrage à magistrat».

Refrain antijuges. Jean-François Copé choisit de défendre l’élu UMP. Du bout des lèvres : «En tant que président de l’UMP, je suis solidaire de sa liberté d’expression…» La sarkozyste Nadine Morano ose un parallèle : «Il y a eu l’affaire d’Outreau avec un juge d’instruction dépassé… Et là, nous avons l’affaire Sarkozy, avec un magistrat engagé.» La droite, qui s’était retenue sur l’affaire Cahuzac la semaine précédente, a ouvert le feu contre l’institution judiciaire, reprenant un refrain antijuges classique du précédent quinquennat. Thierry Mariani dénonce «un acte politique», et Christian Estrosi de gazouiller sur son compte Twitter: «La justice ne doit pas permettre plus longtemps l’instrumentalisation de cette affaire.» Egalement ancien ministre de Nicolas Sarkozy, Laurent Wauquiez laisse, lui, entendre qu’il s’agit d’un «complot». Il y a des manières plus constructives de questionner l’indépendance de la justice.

Habitué des propos qui claquent - il fut l’auteur d’une saillie remarquée contre le «cancer de l’assistanat» -, le même Wauquiez était en tête du défilé contre le mariage pour tous, dimanche à Paris. Des policiers chargent quelques extrémistes et Wauquiez monte au créneau pour réclamer des sanctions contre la préfecture de police, jugeant «inacceptable […] d’envoyer des gaz contre les enfants». Place de l’Etoile, Copé renchérit : «Un certain nombre de familles ont été gazées.» «Gazées» ? Dans la bouche de Wauquiez, le normalien, ou dans celle de l’énarque-avocat Copé, la charge est lourde. Et le mot mal choisi. Même si son objectif n’est que d’ouvrir un dernier front, médiatique, alors que la loi sur le mariage homosexuel a été adoptée à l’Assemblée et qu’elle devrait l’être prochainement au Sénat.

Limite. «Etrangleur», «salopard»… C’est à Bordeaux que s’est joué samedi l’épisode le plus violent du feuilleton, quand François Delapierre, devant 800 militants du Parti de gauche, se paie le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici. Coupable selon le secrétaire national du parti mélenchoniste d’être l’un des 17 fossoyeurs - pour autant d’Etats membres de la zone euro - du peuple chypriote : «Dans ces 17 salopards, il y a un Français, il a un nom, il a une adresse, il s’appelle Pierre Moscovici, il est membre du Parti socialiste.» Interrogé sur la sortie de son bras droit, Jean-Luc Mélenchon assume en souriant «une très belle expression» pour qualifier ce ministre «qui ne pense plus en français, mais dans la langue de la finance internationale». Et là, fini Chypre, l’Europe et la crise. On est retombés dans «le vocabulaire des années 30 que l’on ne pensait plus entendre de la bouche d’un républicain et encore moins d’un dirigeant de gauche», contre-attaque Harlem Désir, patron du PS (lire page 22).

Pour Mélenchon, une limite a été franchie : «Harlem Désir instrumentalise l’antisémitisme, et de façon insupportable», accuse-t-il, pointant une «diversion». Hier, dans un communiqué où chaque mot a été pesé, Delapierre a toutefois usé des mêmes références, accusant Désir de se comporter comme «le menteur en chef du PS» et, surtout, d’être «l’héritier de Daladier» - signataire des accords de Munich avec Hitler, en 1938 - plus que celui de Léon Blum, icône du Front populaire. Depuis Stockholm, Moscovici «l’étrangleur du peuple chypriote» se dit «choqué» : «On ne doit pas franchir certaines bornes dans l’invective, avec des formulations qui sont extrêmement limites.»

Derrière le fracas des mots, l’impuissance des politiques. Qui voudraient épargner à Sarkozy le sort d’un justiciable ordinaire. Inverser par la rue les choix du Parlement. Peser au sein de la gauche sans appartenir à la majorité. Et derrière ce fracas, une pression commune, résumée par Martine Billard, coprésidente du Parti de gauche : «On ne veut pas laisser le FN être le seul à parler fort», a vec le risque de brouiller le message. Et d’abaisser le débat public.

Les politiques passent les bornes

25 mars 2013 à 22:36
Journée du Remue Méninges du Parti de Gauche (PG) dans le cadre de son une université d’'été.
Journée du Remue Méninges du Parti de Gauche (PG) dans le cadre de son une université d’'été. (Photo Pierre Morel)

«Salopard», «familles gazées»… toutes les outrances semblent désormais bonnes pour sortir du lot.

Par Jonathan Bouchet-Petersen et pascale nivelle

Un député accuse un magistrat d’avoir «déshonoré la justice», un responsable de parti traite un ministre de «salopard», un ex-ministre accuse la préfecture de police de Paris d’avoir «envoyé des gaz contre des enfants» lors de la manif antimariage gay… Depuis près d’une semaine, il n’y a plus de limites dans l’invective publique. Et, de fait, plus de place pour le débat. «Quand on est privé d’action, il ne reste plus que les mots», constate l’historien Christian Delporte (lire ci-contre). Et plus les mots sont violents, plus ils saturent l’espace.

La séquence s’est ouverte mercredi soir avec la mise en examen de Nicolas Sarkozy. Dès le lendemain, «le clan» des amis de l’ex-président part à la chasse «en meute», comme le dénoncera, très agressif, le porte-parole du PS David Assouline. Henri Guaino, ex-plume du chef de l’Etat et député des Yvelines, s’emballe : «Je conteste la façon dont il [le juge Jean-Michel Gentil, ndlr] a fait son travail. Je la trouve indigne, je trouve qu’il a déshonoré un homme, les institutions, la justice…» Sans oublier de juger qu’il «a sali la France». Diatribe qui lui vaut une citation à comparaître pour «outrage à magistrat».

Refrain antijuges. Jean-François Copé choisit de défendre l’élu UMP. Du bout des lèvres : «En tant que président de l’UMP, je suis solidaire de sa liberté d’expression…» La sarkozyste Nadine Morano ose un parallèle : «Il y a eu l’affaire d’Outreau avec un juge d’instruction dépassé… Et là, nous avons l’affaire Sarkozy, avec un magistrat engagé.» La droite, qui s’était retenue sur l’affaire Cahuzac la semaine précédente, a ouvert le feu contre l’institution judiciaire, reprenant un refrain antijuges classique du précédent quinquennat. Thierry Mariani dénonce «un acte politique», et Christian Estrosi de gazouiller sur son compte Twitter: «La justice ne doit pas permettre plus longtemps l’instrumentalisation de cette affaire.» Egalement ancien ministre de Nicolas Sarkozy, Laurent Wauquiez laisse, lui, entendre qu’il s’agit d’un «complot». Il y a des manières plus constructives de questionner l’indépendance de la justice.

Habitué des propos qui claquent - il fut l’auteur d’une saillie remarquée contre le «cancer de l’assistanat» -, le même Wauquiez était en tête du défilé contre le mariage pour tous, dimanche à Paris. Des policiers chargent quelques extrémistes et Wauquiez monte au créneau pour réclamer des sanctions contre la préfecture de police, jugeant «inacceptable […] d’envoyer des gaz contre les enfants». Place de l’Etoile, Copé renchérit : «Un certain nombre de familles ont été gazées.» «Gazées» ? Dans la bouche de Wauquiez, le normalien, ou dans celle de l’énarque-avocat Copé, la charge est lourde. Et le mot mal choisi. Même si son objectif n’est que d’ouvrir un dernier front, médiatique, alors que la loi sur le mariage homosexuel a été adoptée à l’Assemblée et qu’elle devrait l’être prochainement au Sénat.

Limite. «Etrangleur», «salopard»… C’est à Bordeaux que s’est joué samedi l’épisode le plus violent du feuilleton, quand François Delapierre, devant 800 militants du Parti de gauche, se paie le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici. Coupable selon le secrétaire national du parti mélenchoniste d’être l’un des 17 fossoyeurs - pour autant d’Etats membres de la zone euro - du peuple chypriote : «Dans ces 17 salopards, il y a un Français, il a un nom, il a une adresse, il s’appelle Pierre Moscovici, il est membre du Parti socialiste.» Interrogé sur la sortie de son bras droit, Jean-Luc Mélenchon assume en souriant «une très belle expression» pour qualifier ce ministre «qui ne pense plus en français, mais dans la langue de la finance internationale». Et là, fini Chypre, l’Europe et la crise. On est retombés dans «le vocabulaire des années 30 que l’on ne pensait plus entendre de la bouche d’un républicain et encore moins d’un dirigeant de gauche», contre-attaque Harlem Désir, patron du PS (lire page 22).

Pour Mélenchon, une limite a été franchie : «Harlem Désir instrumentalise l’antisémitisme, et de façon insupportable», accuse-t-il, pointant une «diversion». Hier, dans un communiqué où chaque mot a été pesé, Delapierre a toutefois usé des mêmes références, accusant Désir de se comporter comme «le menteur en chef du PS» et, surtout, d’être «l’héritier de Daladier» - signataire des accords de Munich avec Hitler, en 1938 - plus que celui de Léon Blum, icône du Front populaire. Depuis Stockholm, Moscovici «l’étrangleur du peuple chypriote» se dit «choqué» : «On ne doit pas franchir certaines bornes dans l’invective, avec des formulations qui sont extrêmement limites.»

Derrière le fracas des mots, l’impuissance des politiques. Qui voudraient épargner à Sarkozy le sort d’un justiciable ordinaire. Inverser par la rue les choix du Parlement. Peser au sein de la gauche sans appartenir à la majorité. Et derrière ce fracas, une pression commune, résumée par Martine Billard, coprésidente du Parti de gauche : «On ne veut pas laisser le FN être le seul à parler fort», a vec le risque de brouiller le message. Et d’abaisser le débat public.



26/03/2013
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