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SARKOZY l'homme de minuit deuxième partie de l'article sur Mediapart

Sarkozy: le onzième coup de minuit

| Par François Bonnet
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La télévision, prison du sarkozysme

Giscard en 1981 (« l’homme du passif », disait Mitterrand) n’avait pu échapper à son bilan et avait échoué à rétablir une relation personnelle avec une opinion exaspérée par sa pratique du pouvoir. Gordon Brown, Silvio Berlusconi, José Luis Zapatero n’ont pas plus pu faire oublier des gestions massivement rejetées par leurs opinions publiques. Les gouvernements européens sont balayés les uns après les autres : et quand les cycles électoraux ne le permettent pas, les marchés s’en chargent (Papandréou en Grèce, fin 2011).

C’est aussi cette nouvelle « norme » politique européenne que saisissent les sondages. Nous nous gardons à Mediapart de citer, commenter, reprendre les sondages : leurs résultats quotidiens ne disent rien. En revanche, quand depuis maintenant six mois, les études d’opinion indiquent avec constance une tendance (une lourde défaite de Nicolas Sarkozy au second tour), elles se font l’écho de cette réalité politique comparable à celles des autres pays européens : l’épuisement du pouvoir en place.

Depuis un mois, Nicolas Sarkozy sait donc qu’il devra « renverser la table », bouleverser toutes les règles et les lois de la politique s’il veut espérer l’emporter. Or le candidat vient là buter sur un système qu’il a largement contribuer à construire : le déroulement de ces grands-messes télévisées où se joue une bonne partie de la relation à l’opinion. Ces émissions formatées, ronronnantes, conformistes et peu curieuses sont en train de devenir la prison du sarkozysme.

Peut-on sérieusement imaginer qu’à l’issue d’un quinquennat marqué par des scandales à répétition, pas une question, pas une seule n’ait été posée au président sortant ? Les 403 millions d’euros versés par l’Etat à Bernard Tapie et qui font l’objet d’une enquête de la Cour de justice de la République ? L’espionnage de journalistes, sur ordre de l’Elysée, et qui a provoqué la mise en examen du procureur de Nanterre et du numéro 1 des services de renseignements ? La double mise en examen d’Eric Woerth, ancien ministre, ancien trésorier de l’UMP, et dont Nicolas Sarkozy s’était porté garant en juillet 2010, au plus fort de la tempête Bettencourt ? L’affaire de Karachi, l’affaire Takieddine, l’affaire libyenne…

Est-ce prendre pour des imbéciles amnésiques les millions de téléspectateurs que de considérer que ces affaires qui portent au cœur du pouvoir de cette présidence les questions les plus lourdes (corruption, abus de pouvoir, enrichissement personnel, financement illégal) ne méritent pas même une interrogation ? Si le journalisme en sort un peu plus abîmé encore, Nicolas Sarkozy ne gagne rien à ces silences. Ainsi est mis en scène ce confortable entre-soi, discussions bornées dans un champ politique volontairement restreint à deux-trois thèmes, et continuant obstinément à repousser et ignorer tout ce qui alimente aujourd’hui la crise de la politique.

Ce petit huis clos fait de quelques rituels obsolètes de la Ve République (mais pourquoi est-il donc impossible d’interroger correctement en France un président ?) ne suffira pas à Nicolas Sarkozy pour se sauver. A moins qu’il ne parvienne à le subvertir, voire à le faire voler en éclats, quand ses adversaires du parti socialiste choisiraient de s’y complaire…

De ce point de vue, le débat avec Laurent Fabius doit être vu comme une alerte par le candidat François Hollande. La superbe machine intellectuelle fabiusienne a repris ses aises sur le plateau de France-2, venant certes démonter quelques mesures antisociales de Sarkozy (sur le pouvoir d’achat et la TVA sociale en particulier), mais laissant entrevoir ce qui menace les socialistes : un retour aux pratiques, comportements et positionnements intellectuels des années 1980. Nicolas Sarkozy l’a entrevu quand il reprit cette fameuse réplique de Mitterrand à Giscard lors du débat de 1981 (« Je ne suis pas votre élève et vous n’êtes pas ici le professeur ») pour souligner l’arrogante assurance de Laurent Fabius.

Dans la vieille Ve République, on se serait satisfait de ce combat entre deux grands fauves où l’on pouvait entendre les os craquer. En 2012, ces jeux du cirque ont quelque chose de désespérant. Un peu comme le film « Cloclo », terrible revival d’une époque heureusement finie, qui sort bientôt en salle.



07/03/2012
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