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SARKOZY ET SA POLITIQUE DE SANTE : un désatre (lu dans libération)

Le bilan de santé de Sarkozy

(Dessin Luz)

Que reste-t-il de cinq ans de sarkozysme? (1)«Libération» regarde dans le rétro et décrypte les principales réformes lancées par Nicolas Sarkozy en tant que président. Aujourd'hui, la santé.

Par ERIC FAVEREAU, CHARLOTTE ROTMAN, MARIE PIQUEMAL

En 2007, Nicolas Sarkozy n'a pas fait campagne en parlant de l'hôpital ou de la sécurité sociale. Mais une fois élu, il a initié des vastes réformes dans le secteur de la santé. Des pans entiers de l'activité hospitalière ont été réorganisés, parfois dans la douleur. Certains chantiers sont encore en cours.

Dessin d'illustration pour la série «Que reste-t-il de cinq ans de sarkozysme?» Du nettoyage en perspective avec la réforme du médicament

A l'origine, un scandale

Heureusement qu'elle était là... Irène Frachon, pneumologue à l'hôpital de Brest, a été l'élément central dans le scandale du Mediator, ce coupe-faim du laboratoire Servier autorisé jusqu'en novembre 2009. Irène Frachon a étudié les dossiers des patients auxquels avait été prescrite cette molécule, et a découvert que le Mediator avait pu provoquer entre «500 et 2000 morts». Déclenchant une enquête sur les mensonges du laboratoire Servier.

La mise en œuvre, un chantier ambitieux

Il y a eu d'abord un rapport de l'Inspection générale des Affaires sociales, en janvier 2011, qui a pointé la responsabilité de Servier, révélant des mensonges répétés. Puis une loi a été votée à l'automne 2011, réformant la sécurité sanitaire. Elle propose notamment de rendre obligatoires les déclarations de conflits d'intérêts dans le monde de la santé. (Lire l'interview du ministre de la santé dans Libé).

Les conséquences, une réforme inachevée

La loi va-t-elle assez loin? Comment rompre, ou déjà clarifier, les liens complexes entre chercheurs, médecins, et laboratoires pharmaceutiques ? Début 2012, la situation reste confuse, toujours marquée par le traumatisme post-Mediator. La nouvelle Agence de sécurité des médicaments a du mal à sortir de la tempête. En cours, une réévaluation de tous les médicaments.

 

Dessin d'illustration pour la série «Que reste-t-il de cinq ans de sarkozysme?» La loi Hôpital réorganise dans la douleur

A l'origine, nommer un patron à la tête de l'hôpital

La loi Hôpital, patients, santé et territoire (HPST) visait à faire fonctionner ensemble les hôpitaux, grands et petits, pour créer de véritables territoires de santé. Mais aussi décider d'un patron pour l'hôpital:  directeur ou médecin? «Il faut un patron à l'hôpital», a répété à tout-va Nicolas Sarkozy.

La mise en œuvre, ponctuée par des grèves

Après plusieurs grèves, plusieurs frondes et navettes parlementaires, la loi HPST, présentée au conseil des ministres par Roselyne Bachelot a été finalement votée, puis le texte est paru au Journal officiel le 22 juillet 2009. Il transforme la gouvernance à l'hôpital, en donnant beaucoup de pouvoir au directeur qui nomme les chefs de pôles. Il permet aussi de créer des regroupements hospitaliers, pour éviter que les petits établissements ne ferment faute de médecins.

Les conséquences, un budget plus que serré

La loi HPST a cristallisé beaucoup de conflits et de rancœurs. La réorganisation a été douloureuse. Deux ans plus tard, le malaise hospitalier reste entier. Et surtout il se nourrit d'une rigueur budgétaire inédite: pour la première fois, le personnel soignant a diminué dans les hôpitaux français.

 

Dessin d'illustration pour la série «Que reste-t-il de cinq ans de sarkozysme?» La justice sommée de se mêler de la folie

A l'origine, un meurtre

En décembre 2008, en Isère, un fait divers agite la France: un grand psychotique, en fugue de l'hôpital psychiatrique de Saint-Egrève, et surtout très mal pris en charge dans son secteur, poignarde un étudiant au hasard dans une rue de Grenoble. Comme à chaque fois, Nicolas Sarkozy demande une loi, cette fois pour modifier les placements en hôpitaux psychiatriques.

La mise en œuvre, l'intrusion du juge

Malgré de nombreuses protestations, au 1er août 2011, une nouvelle loi est entrée en vigueur. Elle modifie en profondeur les conditions de prise en charge des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques. D'un côté, elle oblige le juge à décider –au bout de deux semaines–, la poursuite ou non d'une hospitalisation sans consentement pour un patient. Ensuite, le texte autorise «des soins sans consentement» en ville, alors qu'auparavant la contrainte ne pouvait se porter que sur la décision d'hospitalisation.

Les conséquences, un secteur désorganisé

La première conséquence a été une désorganisation forte des secteurs de psychiatrie qui ont dû gérer la présence inédite du juge pour les hospitalisations sous contrainte. Ensuite, une lourdeur administrative: «Il y a plus d'une quinzaine de types de certificats, maintenant. On s'y perd», détaille un chef de secteur. Pour le reste, la psychiatrie publique se doit de vivre dans une grande rigueur budgétaire.

 

Dessin d'illustration pour la série «Que reste-t-il de cinq ans de sarkozysme?» L'aide à la procréation attend encore sa révolution

A l'origine, une demande de la société

La loi de bioéthique doit être révisée tous les cinq ans. Le rendez-vous, prévu pour 2009, avait déjà du retard à l'allumage. Et, avant l'examen du texte à l'Assemblée, en 2011, Xavier Bertrand, alors Ministre de la santé, confiait à Libération: «Nous avons une loi, il n’y a pas de besoin de révolution.» Mais ce passage obligé devant les législateurs était très attendu par toute une partie de la société: les lesbiennes ou les femmes célibataires, obligées de s'exiler pour se faire inséminer, les associations ou enfants issus d'un don de gamètes et hostiles à l'anonymat du don, les couples ayant besoin d'une mère porteuse. Tous espéraient une réponse médicale à une «infertilité sociale».

La mise en œuvre, frileuse

Consultation, états généraux, missions... La révision des lois de bioéthique atterrit finalement dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale le 15 février 2011. Au Sénat, les élus modifient le texte, vers davantage d'ouverture...par exemple en votant l’autorisation des recherches sur l’embryon mais tout cela sera resserré lors de la deuxième lecture au Palais-Bourbon. La loi est promulguée et publiée le 7 juillet 2011.

Les conséquences, plutôt décevantes

Autoriser l’insémination aux femmes célibataires? C'est non. Aux couples de lesbiennes? Toujours non. Inventer un cadre légal pour la gestation pour autrui  ou, au moins, trouver une manière de régulariser des enfants français nés d’une mère porteuse à l’étranger ? Impossible. Permettre la levée de l’anonymat des dons de gamètes ? Envisagé par Roselyne Bachelot, ce changement a finalement été enterré. Pour ce qui est de la PMA (procréation médicalement assistée), on est presque au statu quo. L'exode des couples infertiles ne risque pas de se tarir. Chaque année, plusieurs milliers d'entre eux se rendent à l'étranger pour se faire aider à concevoir un bébé. (Lire ici la tribune de Geneviève Delaisi de Parseval)

 

Dessin d'illustration pour la série «Que reste-t-il de cinq ans de sarkozysme?» Les malades victimes de la réforme de l'assurance maladie

A l'origine, la recherche d'économies

Tout un tas de mesures ont été adoptées ces dernières années, grignotant les remboursements des soins par la sécurité sociale. Beaucoup sont passées inaperçues car techniques, d'autres ont fait un peu plus de bruit, comme la baisse des indemnités journalières pour une partie des salariés malades. Mises bout à bout, toutes ces mesures, souvent prises par voie réglementaire, constituent une régression du droit des malades.

La mise en œuvre, par petites touches

Le quinquennat de Sarkozy, c'est d'abord des déremboursements de médicaments à la pelle. C'est aussi la hausse du reste à charge pour les actes de soins dits coûteux. Le ticket modérateur, part qui reste à la charge du patient, n'est désormais plafonné que pour les frais supérieurs à 120 euros (et non 91 jusqu'ici). Par ailleurs, un décret a rendu plus difficile le remboursement des frais de transport, le patient doit désormais apporter la preuve de son incapacité médicale à se rendre seul à l'hôpital. Enfin, dernier exemple d'attaque en date: la baisse des indemnités journalières pour les salariés malades. La sécurité sociale verse désormais 1200 euros maximum d'indemnités chaque mois contre 1470 euros auparavant.

Les conséquences, désastreuses

Les malades sont les premières victimes de ces attaques. Les associations s'inquiètent et alertent sur une réalité: de plus en plus de salariés malades cachent leur pathologie à leur employeur, continuant à travailler pendant leur traitement, pris à la gorge financièrement.



12/04/2012
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