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SARKOZY un homme en bande organisée

Jamais sous la Ve République un système présidentiel n'aura été cerné de si près par des juges anticorruption. Conseillers, collaborateurs, ministres, amis, magistrats, grands flics, hommes d’affaires… et désormais avocat. Toute la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy a eu affaire à la justice et à la police ces deux dernières années. Inventaire.

Partage (médiapart)

Tout est toujours dans les livres : « Pour la première fois depuis très longtemps dans l’histoire politique française, les affaires sortent (…). Nous sommes en train de purger le système. Il devrait en résulter une plus grande confiance dans nos institutions. Y a-t-il une autre solution ? Non, il n’y en a pas. Il fallait que la démocratie affronte cette réalité. » Ces paroles de fer sont de… Nicolas Sarkozy.

L’extrait, tiré d’un ouvrage oublié, Au bout de la passion, l’équilibre (Albin Michel), date de 1995. À l’époque, Nicolas Sarkozy est ministre du budget et porte-parole du premier ministre Édouard Balladur. Déjà, la chronique française était rythmée par le fracas des affaires qui frappaient de plein fouet aussi bien la droite (Carignon, Noir, Longuet, HLM de Paris…) que la gauche (Urba, Pechiney…). Aucune ne touchait directement Sarkozy.

Près de vingt ans plus tard, les choses ont changé, offrant une nouvelle réalité que la démocratie doit « affronter » : jamais sous la Ve République, ni par l’ampleur et la diversité des faits mis au jour, ni par le nombre des personnes inquiétées, un système présidentiel n'aura été cerné de si près par des juges indépendants. La liste des affaires du sarkozysme s'étalant sur deux décennies (1993-2013) paraît aujourd'hui interminable : Karachi, Bettencourt, Tapie, Takieddine, Kadhafi, affaires des sondages, de la BPCE, espionnage des journalistes…

Ce n’est pas seulement l’histoire d’un homme, c’est aussi celle d’une petite bande soudée par amitié, intérêts ou idéologie, parfois les trois, autour de lui. La « purge du système » aurait-elle donc commencé ? Car il faut bien prendre la mesure de ce qui se joue. Conseillers, collaborateurs, ministres, amis, magistrats, grands flics, hommes d’affaires… : toute la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy, quand ce n’est pas l’ancien président lui-même – voir par exemple sa mise en examen, suivie d'un non-lieu, dans le dossier Bettencourt –, a eu affaire au cours des deux années écoulées à la police (pour des gardes à vue ou des perquisitions) et à des juges (pour des auditions ou, pire, des mises en examen).

Si ce n’est pas une opération mains propres à la française qui se joue actuellement sans le dire à l’ombre de quelques cabinets d’instruction de juges anticorruption, cela y ressemble drôlement. Et le portrait de groupe que donne aujourd’hui à voir la photographie judiciaire du sarkozysme, au-delà des responsabilités pénales éventuelles des uns et des autres, pourrait tout entier se résumer à la formule de Jean Gabin, soufflée par Audiard, dans Le Président (1961) : « Ce n’est pas un parti, c’est un syndicat d’intérêts. » Revue de détail.  

  • Claude Guéant, alors secrétaire général de la présidence de la République.Claude Guéant, alors secrétaire général de la présidence de la République. © Reuters
    CLAUDE GUÉANT
    [Lien avec Sarkozy : directeur de cabinet au ministère de l'intérieur (2002-2004/2005-2007) et au ministère de l'économie (2004-2005), directeur de la campagne présidentielle de 2007, secrétaire général de la présidence de la République (2007-2011), ministre de l'intérieur (2011-2012)]

Il est celui que la presse surnommait « le Cardinal » ou « le Vice-Président » du temps des splendeurs élyséennes. Son nom traverse aujourd’hui de nombreuses affaires. Dans toutes, il apparaît comme la doublure du président. Claude Guéant a longtemps traîné la réputation du grand commis de l’État, droit et rigoureux. Un peu gris comme la couleur de ses costumes. C’est le portrait d’un homme beaucoup moins convenable que brossent aujourd’hui diverses instructions en cours à Paris.

Dans l’affaire Kadhafi, les soupçons sont lourds. Après plusieurs mois d’enquête préliminaire, le parquet de Paris a décidé d’ouvrir en avril dernier une information judiciaire, confiée aux juges Serge Tournaire et René Grouman, pour « corruption active et passive », « trafic d'influence, faux et usage de faux », « abus de biens sociaux », « blanchiment, complicité et recel ». Cette longue litanie de délits potentiels vise directement les incestueuses relations franco-libyennes tissées dès 2005 par le ministre de l’intérieur Sarkozy avec le régime Kadhafi, et poursuivies à partir de 2007 par le même devenu président.

Deux hommes, inséparables à cette époque, ont été les artisans actifs de ce rapprochement sur fond de diplomatie parallèle et de contrats lucratifs : le marchand d’armes Ziad Takieddine, vieille connaissance de la Sarkozie, et Claude Guéant. Le même couple improbable sera à l’œuvre en 2008 lors de l’idylle franco-syrienne entre Nicolas Sarkozy et Bachar al-Assad.

Dans le dossier libyen, aucune des initiatives de Takieddine n’a été engagée sans l’aval de Guéant. Aucune des décisions du second n’a été prise sans les conseils du premier. Mais selon plusieurs témoignages et documents aujourd’hui entre les mains des juges, la lune de miel Sarkozy/Kadhafi est allée beaucoup plus loin. La justice enquête ouvertement désormais sur des soupçons de financement par la dictature libyenne au moment de l’élection présidentielle de 2007. Un ancien dignitaire du régime, Mohamed Ismail, chef de cabinet de Saïf al-Islam Kadhafi, a même décrit le circuit de l’argent noir dans un document qui citait Claude Guéant et Ziad Takieddine.

C’est dans le cadre de ce dossier que Guéant a d’ailleurs été perquisitionné, le 26 février, par les policiers de la Division nationale des investigations financières et fiscales (Dniff). Outre des échanges réguliers avec Takieddine au sujet de la Libye, les enquêteurs ont fait ce jour-là d’étonnantes découvertes bancaires : ici, la réception en 2008 de 500 000 euros cash (correspondant à la vente de tableaux, d’après Guéant, mais ils sont introuvables) ; là, un versement inexpliqué de 25 000 euros en provenance de la Jordanie. Sans compter de très nombreuses dépenses en espèces et un train de vie inadapté aux émoluments officiels du personnage.

Rien n’indique que ces éléments aient un lien avec le dossier libyen, mais ils sont venus jeter une lumière crue sur les pratiques personnelles du « Cardinal » quand il était en fonctions.

 

Parallèlement, dans l’affaire Tapie, Claude Guéant apparaît de plus en plus au fil des investigations des juges Guillaume Daïeff, Serge Tournaire et Claire Thépaut comme celui qui a piloté depuis le Château le dossier qui a abouti, en juillet 2008, au dédommagement à hauteur de 405 millions d’euros (sur deniers publics) du célèbre homme d’affaires dans le cadre de son litige avec le Crédit lyonnais. Cette décision, qui a été rendue en faveur de Bernard Tapie par un tribunal arbitral (c’est-à-dire privé), est aujourd’hui qualifiée d’« escroquerie en bande organisée » par la justice, tant le jugement semble correspondre davantage à un arrangement inavouable qu’à une décision impartiale.

Et pour l’ami du président, aucune faveur ne semblait pouvoir être refusée. Ainsi que l’a révélé Mediapart, un enregistrement audio, versé au dossier judiciaire, montre que Bernard Tapie négociait à cette époque en direct avec le secrétaire général de l’Élysée des privilèges fiscaux en marge de son affaire. C’est pour toutes ces raisons que Claude Guéant a également été perquisitionné par la police dans le cadre de cette affaire, le 26 février dernier. Soit le même jour que sa perquisition dans le dossier libyen…

  • BORIS BOILLON
    [Lien avec Sarkozy : conseiller diplomatique au cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l'intérieur en 2006, conseiller technique à la présidence de la République chargé du Proche et Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, entre 2007 et 2009, ambassadeur en Irak (2009-11) et en Tunisie (2011-12)]

Il est 16 h 30, ce 31 juillet 2013. Les douaniers de la gare du Nord contrôlent des passagers prêts à monter dans le train Thalys, direction Bruxelles. Parmi eux, un homme athlétique, vêtu d’un jean et d’un polo. Les agents ne le reconnaissent pas, mais il s’agit de Boris Boillon, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Élysée et ex-ambassadeur de France en Irak et en Tunisie. Ils lui demandent s’il transporte des devises. Boillon nie, mais la fouille est concluante. Dans son sac, les douaniers découvrent des « enveloppes contenant des billets de banque de 500 euros ».

Selon le procès-verbal établi par les douaniers, Boris Boillon transporte ce jour-là 350 000 euros et 40 000 dollars en liquide. Ces sommes correspondent à 3 190 billets de 100 euros, 32 billets de 500 euros, 100 billets de 50 euros et 50 billets de 200 euros, ainsi qu'à 400 billets de 100 dollars. Il n’a sur lui ni pièce d’identité ni téléphone portable, mais trois cartes bleues à son nom. L'homme jure que l'argent transporté – illégalement – provient de ses activités de conseil avec l'Irak, sans apporter toutefois d'éléments probants.

Dans le premier cercle diplomatique de Nicolas Sarkozy depuis 2006, Boris Boillon a été l'un des principaux protagonistes de la lune de miel entre l'ancien président français et le dictateur Mouammar Kadhafi, qui l'appelait, de son propre aveu, « mon fils ».

  • Brice Hortefeux au Parlement européen.Brice Hortefeux au Parlement européen. © Reuters
    BRICE HORTEFEUX
    [Lien avec Sarkozy : collaborateur à la mairie de Neuilly (1986-1994), chef de cabinet au ministère du budget (1993-1995), conseiller au ministère de l'intérieur et de l'économie (2002-2005), ministre aux collectivités territoriales (2005-2007), ministre de l'immigration (2007-2009), ministre du travail (2009), ministre de l'intérieur (2009-2011), conseiller politique pour la campagne présidentielle de 2012. Parrain de son fils Jean]

Il est « l’ami de toujours », selon l’expression de Nicolas Sarkozy. Brice Hortefeux n’a rien raté de l’irrésistible ascension – et de la chute – de son mentor, de la mairie de Neuilly à l’Élysée, en passant par tous les ministères (budget, économie, intérieur…).

Dans l’affaire Karachi, la plus ancienne de toutes, les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire enquêtent depuis bientôt trois ans sur le financement illicite de la campagne présidentielle d’Édouard Balladur de 1995 grâce à l’argent détourné des ventes d’armes de son gouvernement avec le Pakistan et l’Arabie saoudite. Le principal intermédiaire mis en cause, Ziad Takieddine (déjà lui), a reconnu les faits récemment sur procès-verbal, alors que les preuves s’accumulent sur les bureaux des magistrats.

Or, selon le trésorier de la campagne, René Galy-Dejean, une partie des fonds occultes qui ont alimenté les équipes de Balladur provenait de la « cellule meetings ». « C'est M. Hortefeux qui dirigeait la cellule meetings », a soufflé aux juges René Galy-Dejean, le 10 mai 2011, après avoir précisé qu’il avait reçu les fonds en liquide de cette même cellule, fonds qui lui étaient livrés dans de « petits cartons ». À l’époque, Brice Hortefeux occupait également le poste de chef de cabinet du ministre du budget Nicolas Sarkozy, lui-même impliqué à divers titres dans le dossier (voir ici et ).

Comme en témoignent plusieurs photos publiées par Mediapart, Brice Hortefeux a également entretenu à partir du début des années 2000 une relation continue et personnelle avec Ziad Takieddine, tandis que ce dernier devenait incontournable pour le cabinet du ministre Sarkozy. Selon l’ex-femme du marchand d’armes, Nicola Johnson, cette relation n’était pas désintéressée. Le 9 décembre 2011, elle a témoigné devant les juges d’au moins une remise d’espèces en 2005 en faveur de Brice Hortefeux lors d’une visite au domicile de Takieddine, avenue Georges-Mandel, à Paris. Ce que l’intéressé dément.  

Brice Hortefeux et Ziad Takieddine, en 2005Brice Hortefeux et Ziad Takieddine, en 2005 © dr

De l’affaire Kadhafi, Brice Hortefeux n’est pas non plus absent. Non seulement l’homme a multiplié les contacts discrets entre 2005 et 2007 avec Takieddine, quand celui-ci était chargé de la diplomatie parallèle avec la Libye pour Sarkozy, mais son nom est également apparu dans d’éventuels montages financiers suspects.

D’après une note de la fin 2006 rédigée par un correspondant des services secrets français, Jean-Charles Brisard, proche de la DCRI, les « modalités de financement de la campagne » de Nicolas Sarkozy avaient été « réglées lors de la visite Libye NS + BH » le 6 octobre 2005. « BH », pour Brice Hortefeux. Cette visite officielle avait été activement préparée par Ziad Takieddine, comme en attestent ses notes à Claude Guéant, qui figurent au dossier d’instruction.

Selon cette même note, le financement libyen prévu s’élevait au total à 50 millions d’euros – promesse confirmée par un document officiel de l’ancien régime Kadhafi, qui cite également Brice Hortefeux. Ce dernier, récemment entendu par des juges dans le cadre d'une plainte déposée contre Mediapart pour « faux et usage de faux », a réfuté avoir rencontré des officiels libyens à la date indiquée dans le document libyen en question. Mais il a reconnu avoir participé à une réunion, en décembre 2005, à Tripoli, avec l'ancien chef des services secrets intérieurs libyen, Abdallah Senoussi, en présence de... Ziad Takieddine. Selon lui, il a surtout été question de flux migratoires durant cet échange resté secret jusqu'ici.

Devant les juges, Hortefeux a également juré n'être allé qu'une seule fois en Libye. Seulement voilà : selon Charlie Hebdo, Philippe Vannier, le P-DG d'une société de surveillance électronique, Amesys, qui a vendu du matériel d'espionnage à Kadhafi avec l'aval des autorités françaises en 2006 et 2007, a affirmé devant des policiers, en juillet 2013, avoir organisé « deux fois » la visite à Tripoli « de Guéant, Hortefeux et Sarkozy ».

  • CHRISTIAN FLAESCH
    [Lien avec Sarkozy : a été nommé, le 12 juillet 2007, au début du quinquennat Sarkozy, patron de la police judiciaire parisienne ]

Il fut l'un des "grands flics" de l'ère Sarkozy. Patron opérationnel de la police judiciaire parisienne, l'un des postes plus sensibles au ministère de l'intérieur, Christian Flaesch a été débarqué en décembre 2013. Des écoutes téléphoniques ont montré qu'il avait préparé Brice Hortefeux à une audition à venir par les juges dans l'affaire de la plainte de Sarkozy contre Mediapart.

Le policier indiquait à son ancien ministre de tutelle quel type de questions allaient lui être posées et quels documents il devait apporter pour bien répondre au juge. Le policier demandait aussi à Brice Hortefeux, qui avait été placé sur écoute par les juges de l'affaire du financement libyen, de ne rien dire aux magistrats de ces appels... Il n'en a pas eu besoin.

 [Lien avec Sarkozy : chargé du journal municipal de Neuilly-sur-Seine lors de l'élection de 1983, secrétaire général de la mairie (1984), responsable de la communication du maire (1983-1993), chef de cabinet adjoint au ministère du budget (1993-1995)]

Avec Hortefeux, il est l’autre pilier de la bande des jeunes années Sarkozy. L’autre dépositaire de ses premiers secrets. Responsable de sa communication à la mairie de Neuilly-sur-Seine, il devient un proche conseiller au ministère du budget entre 1993 et 1995, période durant laquelle Nicolas Sarkozy autorisera, contre l’avis de son administration, le versement anticipé de commissions occultes au réseau de Takieddine dans plusieurs marchés d’armement suspects. L’argent sera retiré immédiatement en espèces par l’intermédiaire à Genève, ville qu’il fréquentait alors avec Thierry Gaubert.

D’après les aveux récents de Ziad Takieddine devant la justice, laquelle détient déjà de nombreuses preuves du système de détournement d’argent sur les ventes d’armes mis en place par les balladuriens, plusieurs valises d’espèces ont été remises à Thierry Gaubert, quand il travaillait sous l’autorité directe de Nicolas Sarkozy, pour le financement de la campagne d’Édouard Balladur. Thierry Gaubert est aujourd’hui mis en examen pour « recel d’abus de biens sociaux » et « blanchiment aggravé » dans ce dossier.

Au fil de leurs investigations, les policiers et les juges ont aussi découvert l’ampleur des avoirs occultes de Thierry Gaubert au travers de sociétés offshore et de comptes bancaires non déclarés – il en détient plusieurs en Suisse. Parmi ses biens cachés figure notamment un petit palais perdu dans la forêt colombienne, que Mediapart avait retrouvé en novembre 2011. Le financement de cette propriété luxueuse, où l’on compte notamment un lac artificiel construit ex nihilo, a été assuré pour partie par Ziad Takieddine.

Sur place, dans le petit village de Nilo, situé à 150 kilomètres de Bogota, Thierry Gaubert menait la vie grand train et a développé, par le truchement de sociétés offshore, une activité pour le moins étrange : l’ouverture de deux bars aux noms fleuris, le Nichon et le Nibar. Des photos obtenues par Mediapart ont par ailleurs montré que le député UMP Olivier Dassault ou le chef d’entreprise Alexandre Juniac, tous deux proches de Sarkozy, s'étaient rendus en Colombie à l’invitation de Gaubert. Tout comme Ziad Takieddine et sa famille…

Alors que Nicolas Sarkozy affirme avoir cessé de fréquenter Thierry Gaubert à la fin des années 1990 à cause de ses premiers démêlés judiciaires dans une affaire immobilière (voir ici), des mails saisis par les policiers montrent qu’il n’en est rien, en réalité. Il est apparu en effet que Nicolas Sarkozy a continué pendant de longues années à gérer depuis le ministère de l’intérieur les affaires de son cabinet d’avocats, via Thierry Gaubert, qu’il continuait de voir. À cette époque, Gaubert occupait le poste de directeur de cabinet du président des Caisses d’épargne, Charles Milhaud.

Le 8 juillet 2011, trois jours après une perquisition chez Gaubert, Hortefeux avait appelé son vieil ami pour s’inquiéter des enquêtes de Mediapart en cours. « Alors je te signale que y a Mediapart qui cherche beaucoup sur Ziad (Takieddine) », lui dit-il dans une conversation enregistrée par la police. « C’est très étonnant ce qu’ils ont comme éléments d’information (…). Je ne sais pas comment ils font les mecs, hein. Je ne sais pas comment ils font », s'étonnera l’ancien ministre de Sarkozy.

Quelques semaines plus tard, juste avant sa mise en examen le 21 septembre 2011, Thierry Gaubert recevra un autre coup de téléphone de Brice Hortefeux pour le prévenir que la justice accumulait, elle aussi, des informations compromettantes à son encontre.

  • Nicolas Bazire, l'autre Nicolas des années Balladur.Nicolas Bazire, l'autre Nicolas des années Balladur. © Reuters
    NICOLAS BAZIRE
    [Lien avec Sarkozy : directeur de cabinet du Premier ministre Édouard Balladur quand Sarkozy était ministre du budget (1993-1995), directeur de la campagne présidentielle de 1995 quand Sarkozy en était le porte-parole (1995). Témoin de son mariage en 2008]

En 1994, la journaliste Ghislaine Ottenheimer publiait un livre très informé sur la « machine Balladur ». Il avait pour titre Les Deux Nicolas (Plon). Le premier était Nicolas Sarkozy. Le second, Nicolas Bazire. Directeur de cabinet de l’ancien premier ministre, avant de devenir celui de sa campagne présidentielle, Nicolas Bazire est un intime de Sarkozy. Au point d’avoir été en 2008 son témoin de mariage avec Carla Bruni.

Comme Thierry Gaubert, Nicolas Bazire est mis en examen dans le volet financier de l’affaire Karachi. Poursuivi pour « complicité d’abus de biens sociaux », il lui est reproché d’avoir été en amont, depuis Matignon, l’un des chefs d’orchestre de la mise en place du réseau Takieddine dans les marchés d’armement incriminés et en aval, au QG de campagne, le destinataire final des sommes perçues illégalement.

Les archives officielles de Matignon et de différents ministères ont montré que Nicolas Bazire n’a pas compté ses heures quand il a fallu qu’il s’investisse personnellement dans toutes les décisions politiques, voire financières, liées aux contrats suspects.

Et d’après les récents aveux de Ziad Takieddine, c’est Nicolas Bazire qui lui a présenté en décembre 1993 Thierry Gaubert. Le message était clair : récupérer de l’argent à tout prix pour financer les ambitions présidentielles d’Édouard Balladur. À l’époque, le premier ministre était parti en campagne sans le soutien de son parti, le RPR, tout entier (caisses comprises) dévolu à Jacques Chirac. Mais il avait un atout majeur dans sa manche, la commande publique, et deux soutiens de poids dans son gouvernement, Nicolas Sarkozy, au Budget, et François Léotard, à la Défense. Une bande décidément bien organisée.[Lien avec Sarkozy : chargé du journal municipal de Neuilly-sur-Seine lors de l'élection de 1983, secrétaire général de la mairie (1984), responsable de la communication du maire (1983-1993), chef de cabinet adjoint au ministère du budget (1993-1995)]

Avec Hortefeux, il est l’autre pilier de la bande des jeunes années Sarkozy. L’autre dépositaire de ses premiers secrets. Responsable de sa communication à la mairie de Neuilly-sur-Seine, il devient un proche conseiller au ministère du budget entre 1993 et 1995, période durant laquelle Nicolas Sarkozy autorisera, contre l’avis de son administration, le versement anticipé de commissions occultes au réseau de Takieddine dans plusieurs marchés d’armement suspects. L’argent sera retiré immédiatement en espèces par l’intermédiaire à Genève, ville qu’il fréquentait alors avec Thierry Gaubert.

D’après les aveux récents de Ziad Takieddine devant la justice, laquelle détient déjà de nombreuses preuves du système de détournement d’argent sur les ventes d’armes mis en place par les balladuriens, plusieurs valises d’espèces ont été remises à Thierry Gaubert, quand il travaillait sous l’autorité directe de Nicolas Sarkozy, pour le financement de la campagne d’Édouard Balladur. Thierry Gaubert est aujourd’hui mis en examen pour « recel d’abus de biens sociaux » et « blanchiment aggravé » dans ce dossier.

 



07/03/2014
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