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S'ATTAQUER AUX PARADIS FISCAUX 2 par un spécialiste des paradis fiscaux

Gabriel Zucman: « il faut s'attaquer aux paradis fiscaux »

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« Il existe des richesses privées énormes, qui sont taxables »

Jean-Jacques Augier, l'ex-trésorier de la campagne de François Hollande dont on a appris qu'il était actionnaire de deux sociétés basées dans les îles Caïmans, se défend de toute illégalité. Qu'en pensez-vous ?
Je ne veux pas me prononcer sur un cas particulier que je ne connais pas. Mais la distinction entre ce qui est légal et ce qui ne l'est pas est très claire. Il est légal d'avoir un compte à l'étranger, par exemple en Suisse. Il est illégal de ne pas reporter sur sa feuille d'impôts l'existence de ce compte et les revenus qu'il génère.

Venons-en aux ordres de grandeur que vous avez mis au jour dans vos travaux. Vous chiffrez à 8 % la proportion du patrimoine financier des ménages placée dans les paradis fiscaux – soit environ 6 000 milliards d'euros. Une étude publiée en juillet 2012, réalisée par James Henry, ex-économiste en chef pour le cabinet McKinsey, évoque le chiffre de 26 000 milliards d'euros. Que vous inspire cet écart ?
Voici ma méthode. Après interprétation des données de la banque centrale suisse, il apparaît que le patrimoine placé en Suisse s'établit à 2 000 milliards d'euros environ. Ensuite, à partir d'une analyse exhaustive des bilans internationaux des pays, je calcule qu’il y a à peu près 6 000 milliards dans l’ensemble des paradis fiscaux – la Suisse abrite donc environ un tiers du total.

Il y a bien sûr de l'incertitude dans ce genre d'estimations. Et je suis peut-être en dessous de la réalité. Mais concernant l'étude de James Henry, qui s'appuie sur les déclarations des banques d'affaires, j'ai tendance à penser que ces établissements sont enclins à compter plusieurs fois le même euro, placé en Suisse, au Luxembourg et au Panama.

Quoi qu'il en soit, dans les deux cas, les chiffres sont suffisamment énormes pour qu'il faille faire de la question de l'évasion fiscale une priorité de nos politiques publiques.

Vous laissez entendre dans vos travaux qu'en France, la proportion serait supérieure à ces fameux 8 %. Pourquoi ?
Il est plus facile d'établir un chiffrage global, qu'un chiffre pays par pays. Appliqués à la France, ces 8 % représentent entre 200 et 250 milliards d'euros. Mais ces 8 % me semblent effectivement une hypothèse conservatrice. J'ai tendance à penser que les Européens en général placent davantage leurs fortunes dans des comptes offshore que les Japonais ou les Américains. Or, ces 8 % sont bien une moyenne internationale.

Pourquoi ?
Au Japon, la fiscalité sur le patrimoine est très faible. Aux États-Unis, comme dans les pays anglo-saxons en général, les gens fortunés privilégient une autre technique d'évasion fiscale, qui passe par les mécanismes de trusts et de fiducie.

Dans tous les cas, puisque cette richesse échappe aux statistiques officielles, cela veut bien dire que les riches sont encore plus riches qu'on ne le pense.
Oui. Cela confirme la fragilité de certaines statistiques sur la mesure de la richesse. On se rend compte, en cette période où l'on nous dit que nos dettes publiques sont énormes, qu'il existe aussi des richesses privées énormes, qui sont taxables.



10/04/2013
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