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RETENTION: ENFIN ET DESORMAIS UNE EXCEPTION!

Rétention des enfants, l’exception

6 juillet 2012 à 22:06
Centre de rétention de Coquelles (Pas-de-Calais),en 2009.
Centre de rétention de Coquelles (Pas-de-Calais),en 2009. (Photo Vincent Wartner. Riva Press pour Libération)

Récit «Libération» dévoile en avant-première une circulaire destinée aux préfets pour favoriser l’assignation à résidence, sauf cas particulier.

Par Michel Henry

La France «met fin à une situation injuste», indiquait-on vendredi au ministère de l’Intérieur. Dans la soirée, tous les préfets devaient recevoir une circulaire empêchant désormais de placer des enfants en centre de rétention, sauf cas exceptionnel. «L’idée, c’est que la lutte légitime contre l’immigration irrégulière doit être menée dans le respect des personnes, et surtout des enfants», précise un conseiller de Manuel Valls. François Hollande s’était engagé sur ce point pendant la campagne.

Selon ce texte, que Libération divulgue en avant-première, l’assignation à résidence devient la règle pour les familles en situation irrégulière, et le placement en rétention, l’exception. L’assignation est «moins coercitive, plus humaine et respectueuse de l’intérêt supérieur de l’enfant», assure l’Intérieur. Elle peut s’effectuer soit au domicile des familles, si elles en ont un, soit en milieu hôtelier. Ne seront dirigées vers les centres de rétention administrative (CRA) que les familles n’ayant pas respecté une assignation, ainsi qu’«en cas de fuite d’un ou plusieurs membres de la famille ou en cas de refus d’embarquement», explique Manuel Valls dans ce texte de trois pages. Lorsque la famille «s’est volontairement soustraite à l’obligation de quitter le territoire français», elle sera, dès interpellation, mise en rétention.

Mission. Cette nouvelle circulaire ne s’applique pas à Mayotte, «situation territoriale d’exception, cas singulier et préoccupant», affirme l’Intérieur. Dans ce département d’outre-mer, qui a compté, en 2011, 21 762 expulsions, soit près de 14% de la population de l’île, selon la Cimade, la pratique de la rétention pour les familles perdurera. Mais une mission sera confiée dans les prochains jours à une «personnalité indépendante» qui rendra, «à la fin de l’été, ou au plus tard début septembre», des propositions concernant l’entrée et le séjour des étrangers, dans ses aspects «juridiques, économiques, sociaux et diplomatiques».

Mayotte mis à part, la circulaire remet la France dans le droit chemin, à savoir le respect du droit européen. Le placement de jeunes enfants en CRA avait été jugé illégal, le 19 janvier, par la Cour européenne des droits de l’homme. La CEDH a, dans l’arrêt Popov, condamné la France pour avoir enfermé dans un centre de rétention une famille kazakhe. Estimant ce traitement inhumain ou dégradant, la cour relevait que la France «compte parmi les trois seuls pays européens qui recourent systématiquement à la rétention de mineurs accompagnés».

Depuis, les équipes du Défenseur des droits, Dominique Baudis, intervenaient dès qu’elles étaient saisies d’un cas. Soit plus d’une trentaine de fois depuis février. Souvent, les familles sortaient de rétention. Une situation absurde, que la circulaire clarifie.

L’assignation à résidence a ses détracteurs, surtout à droite, qui avancent un risque de fuite. Mais, «concernant les familles avec des enfants en bas âge, franchement, elles ne vont pas s’évaporer dans la nature. Ils ne vont pas aller se cacher dans la forêt ! La rétention ne se justifie pas», nous expliquait Jérôme Martinez, de la Cimade, en mars. Pierre Henry (de France Terre d’asile) ajoutait : «On peut s’inspirer de solutions utilisées dans d’autres pays. Au Canada, la "garantie de représentation" consiste à demander à un tiers de confiance, une association par exemple, de se porter garant pour le sans-papiers.» Valls n’est pas allé aussi loin, mais il exige des garanties, dont la «preuve d’une résidence effective permanente», et la possession de documents d’identité et de voyage, qui seront conservés par l’administration comme un gage.

Alors que le gouvernement tient, sur l’immigration, une position d’équilibriste - il risque de ne pas changer grand-chose aux pratiques antérieures, à commencer par le volume d’expulsions -, il sait que la droite est à l’affût, prête à hurler contre une «pompe aspirante pour tous les candidats au séjour», comme l’affirmait en mars Eric Ciotti (UMP) pour critiquer le principe des assignations à résidence. Il s’inquiétait, dans le Figaro , du coût : «Faudrait-il encore payer des nuits d’hôtel par centaines, par milliers ?»

Bonne volonté. Au-delà de ces critiques, Manuel Valls donne un deuxième signe de bonne volonté. Avec l’annonce, lundi, de la future suppression de la franchise de 30 euros imposée depuis 2011 aux étrangers en situation irrégulière pour accéder à l’aide médicale d’Etat (AME). Cette franchise était, aux yeux des associations de défense des droits des étrangers, «dangereuse pour la santé publique», puisqu’elle éloignait certains clandestins des soins. D’où l’idée de la supprimer. «C’est un très mauvais signal qui va créer un appel d’air pour tous les candidats à l’immigration», a immédiatement commenté l’ancien ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux (UMP).



07/07/2012
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