Son «sursaut républicain» a commencé devant la télé. Loreleï Mirot, étudiante en sciences politiques à Paris, regarde les cérémonies du 11 Novembre. Elle entend les sifflets face au chef de l’Etat, parle d’un «déclic». Et décide de lancer une page Facebook appelant à «une marche des républicains» le 8 décembre. Au même moment, à Grenoble, un autre étudiant en sciences politiques crée un compte Twitter Marche des républicains.

Tous deux sont militants PS. Ce qui leur vaut depuis le soupçon de manœuvrer pour leur parti. Loreleï Mirot, assistante parlementaire stagiaire du député socialiste Yann Galut, s’en défend mordicus. «C’est vraiment parti de jeunes comme nous. On tient d’ailleurs à ce que ce soit un événement qui rassemble tous les partis républicains», explique-t-elle. Hier soir, ces jeunes militants se retrouvaient dans un café à Paris pour déterminer comment gérer la suite. En quelques jours, leur page Facebook s’est enrichie de plus de 6 500 «likes» révélant un engouement, y compris politique, qu’ils n’avaient pas anticipé.

Au gouvernement, tout en approuvant la démarche, on marche sur des œufs avec cette marche des républicains. Au plus bas dans les sondages, alors que la majorité doute, pas question de prendre le risque, en plus, d’être accusé de récupération. «Le droit à manifester est fondamental et c’est toujours utile d’entendre une forme de sursaut républicain et un rappel des fondamentaux, qui font le vivre-ensemble», a slalomé hier la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem.

Indifférence. La une raciste de Minute mardi, titrant «Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane», a fait passer le sursaut dans une autre dimension. Des propos «d’une extrême violence» qui «prétendent m’expulser de la famille humaine, dénient mon appartenance à l’espèce humaine», a réagi hier soir la ministre de la Justice sur France 2. Fin octobre, alors que les cris d’une enfant à l’encontre de la garde des Sceaux en marge d’un déplacement à Angers - «La guenon, mange ta banane» - avaient suscité d’assez molles réactions politiques, Steevy Gustave, élu socialiste de Brétigny-sur-Orge (Essonne), lançait une pétition contre le racisme. Celle-ci végétait dans l’indifférence générale alors même que Christiane Taubira dénonçait dans Libération des réactions pas «à la mesure». Intitulée «France, ressaisis-toi», la pétition a connu un succès subit ces derniers jours. Hier soir, elle frisait les 44 000 signataires et elle est désormais relayée par SOS Racisme. Les initiatives se multiplient. Aujourd’hui, un rassemblement à Bordeaux. Hier, le directeur de Mediapart, Edwy Plenel, qui appelait à une marche le 3 décembre, date anniversaire de la marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983.

Contre-offensive. Ces «sursauts républicains» surviennent à point nommé pour un exécutif qui peine à trouver la formule pour marquer les trente ans de la «marche des Beurs». Après le silence entourant les premières attaques racistes contre la garde des Sceaux, le Premier ministre ne lésine pas depuis quarante-huit heures sur la contre-offensive, judiciaire et politique. «Quand on s’attaque à Christiane Taubira, c’est sûrement une blessure personnelle, mais c’est aussi une fonction que l’on attaque et c’est la République que l’on abîme», a dit hier Jean-Marc Ayrault à l’Assemblée.

Alice GÉRAUD et Laure BRETTON