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pour Montebourg, le french bashing n' a pas lieu d'être!

Politiques

«Ce "French bashing" n’a pas de traduction économique»

20 février 2013 à 22:37
Arnaud Montebourg.
Arnaud Montebourg. (Photo Reuters)

Interview Pour Arnaud Montebourg, le patron de Titan n’est pas représentatif.

Recueilli par Grégoire Biseau

Ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg a réagi hier soir pour Libération à la lettre du patron de Titan, Maurice Taylor.

Est-ce que les propos du patron américain de Titan ne reflètent pas une opinion sur la France largement répandue dans le monde anglo-saxon des affaires ?

Je ne crois pas du tout. On a à faire à un extrémiste qui a montré son isolement, y compris dans son propre pays. Ce monsieur s’est présenté à la primaire républicaine aux Etats-Unis et n’a recueilli que 1% des voix avec un programme marqué à l’extrême droite. Ces propos sur la France sont contredits chaque jour par toutes les entreprises américaines qui investissent en France ou qui sont présentes depuis très longtemps sur le territoire français. Faut-il rappeler à monsieur Taylor que la France est la première destination d’Europe en termes d’investissement industriel ? Ce French bashing, largement relayé dans les journaux anglo-saxons, ne se traduit en aucune façon dans les indicateurs des investissements américains vers la France, qui sont très élevés.

Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

Cela vient en partie de nous-mêmes. Les Français broient du noir. On n’aime rien tant que les débats de dépressifs. On adore s’accuser nous-mêmes de tous les maux. On est notre propre miroir déformant et démoralisant. Il faut absolument combattre cet autodénigrement par un patriotisme et une estime de nous-mêmes de bon aloi. Quand je parle à des investisseurs étrangers, ils se moquent de ce que peut raconter la presse anglo-saxonne, ils font leurs comptes.

Pourtant, les Français peuvent légitimement avoir le moral dans les chaussettes : le chômage est élevé, le déficit commercial historique, la croissance est nulle…

Fin 2012, tous les pays de la zone euro sont en croissance négative. Et la plupart affichent un déficit commercial aussi important que le nôtre. Mais ils ne sont pas déprimés comme nous. Mon état d’esprit, c’est qu’il faut redoubler d’optimisme et d’esprit de reconquête.

Pour revenir à Titan, considérez-vous que les syndicats ont été jusqu’au-boutistes ?

On peut comprendre le point de vue des organisations syndicales. Lorsqu’une entreprise s’engage uniquement sur deux ans de garantie de l’emploi, on peut considérer que son projet de reprise est très éphémère. Mais parfois, il ne faut pas lâcher la proie pour l’ombre. Si le projet de reprise avait été accepté, cela nous aurait donné plus de temps pour étudier une solution pérenne pour le site.

Soutenez-vous vos collègues au gouvernement, comme Cécile Duflot, la ministre du Logement, qui s’inquiètent que la baisse de la dépense publique menace l’investissement ?

On est dans un pays surendetté et en danger pour cette raison. Si on ne rétablit pas nos finances publiques, ça finira très mal pour la France. La droite nous a menés au désastre en distribuant des cadeaux et de l’argent qui n’existait pas et qu’elle empruntait. Cet héritage du sarkozysme est notre boulet et celui de tous les Français. Si nous ne faisions pas cet effort de rétablissement des comptes publics, nous serions irresponsables. A nous d’être intelligents et innovants pour ne pas menacer l’investissement productif. A l’issue du séminaire réuni hier par le Président, on a décidé de lancer un programme d’équipement dans le très haut débit, de rénovation urbaine et d’infrastructure dans le cadre du Grand Paris…

Mais il n’y a pas presque plus d’argent public dans ces programmes…

Ce n’est pas vrai. Il y a l’argent du grand emprunt, de la Banque européenne d’investissement. Et puis on a choisi de mobiliser l’épargne des Français (1). C’est en associant cet argent privé avec celui du public qu’on trouvera des solutions ingénieuses. Par ailleurs, avec la Banque publique d’investissement (lire page 10), dont le premier conseil d’administration se tient ce matin, le gouvernement dispose d’un outil qui fera une concurrence déloyale au système financier. La BPI sera moins gourmande et plus patiente que les banques traditionnelles.

Quand est-ce que les Français peuvent espérer voir les premiers effets de votre politique ?

Il faut continuer la bataille de la réorientation de la construction européenne. Et se donner les moyens de lutter contre l’euro fort.

Mais l’Allemagne a clairement fait savoir qu’elle ne voulait pas de ce débat…

Mais l’Allemagne ne dirige pas seule l’Europe. Quand elle ne sera plus entourée que de pays en récession, elle sera bien obligée de mettre un peu d’eau dans son vin. On ne peut pas accepter un verrouillage à la fois juridique, budgétaire et monétaire de la politique européenne. De mon côté, je travaille à desserrer l’étau de la politique commerciale de l’Union face à la mondialisation déloyale. Et j’espère que la prise de conscience de l’excès de naïveté européenne commence à payer.

(1) Le gouvernement vient de décider de créer une enveloppe de 20 milliards prélevés sur le Livret A pour des prêts aux collectivités locales.

Politiques

«Ce "French bashing" n’a pas de traduction économique»

20 février 2013 à 22:37
Arnaud Montebourg.
Arnaud Montebourg. (Photo Reuters)

Interview Pour Arnaud Montebourg, le patron de Titan n’est pas représentatif.

Recueilli par Grégoire Biseau

Ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg a réagi hier soir pour Libération à la lettre du patron de Titan, Maurice Taylor.

Est-ce que les propos du patron américain de Titan ne reflètent pas une opinion sur la France largement répandue dans le monde anglo-saxon des affaires ?

Je ne crois pas du tout. On a à faire à un extrémiste qui a montré son isolement, y compris dans son propre pays. Ce monsieur s’est présenté à la primaire républicaine aux Etats-Unis et n’a recueilli que 1% des voix avec un programme marqué à l’extrême droite. Ces propos sur la France sont contredits chaque jour par toutes les entreprises américaines qui investissent en France ou qui sont présentes depuis très longtemps sur le territoire français. Faut-il rappeler à monsieur Taylor que la France est la première destination d’Europe en termes d’investissement industriel ? Ce French bashing, largement relayé dans les journaux anglo-saxons, ne se traduit en aucune façon dans les indicateurs des investissements américains vers la France, qui sont très élevés.

Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

Cela vient en partie de nous-mêmes. Les Français broient du noir. On n’aime rien tant que les débats de dépressifs. On adore s’accuser nous-mêmes de tous les maux. On est notre propre miroir déformant et démoralisant. Il faut absolument combattre cet autodénigrement par un patriotisme et une estime de nous-mêmes de bon aloi. Quand je parle à des investisseurs étrangers, ils se moquent de ce que peut raconter la presse anglo-saxonne, ils font leurs comptes.

Pourtant, les Français peuvent légitimement avoir le moral dans les chaussettes : le chômage est élevé, le déficit commercial historique, la croissance est nulle…

Fin 2012, tous les pays de la zone euro sont en croissance négative. Et la plupart affichent un déficit commercial aussi important que le nôtre. Mais ils ne sont pas déprimés comme nous. Mon état d’esprit, c’est qu’il faut redoubler d’optimisme et d’esprit de reconquête.

Pour revenir à Titan, considérez-vous que les syndicats ont été jusqu’au-boutistes ?

On peut comprendre le point de vue des organisations syndicales. Lorsqu’une entreprise s’engage uniquement sur deux ans de garantie de l’emploi, on peut considérer que son projet de reprise est très éphémère. Mais parfois, il ne faut pas lâcher la proie pour l’ombre. Si le projet de reprise avait été accepté, cela nous aurait donné plus de temps pour étudier une solution pérenne pour le site.

Soutenez-vous vos collègues au gouvernement, comme Cécile Duflot, la ministre du Logement, qui s’inquiètent que la baisse de la dépense publique menace l’investissement ?

On est dans un pays surendetté et en danger pour cette raison. Si on ne rétablit pas nos finances publiques, ça finira très mal pour la France. La droite nous a menés au désastre en distribuant des cadeaux et de l’argent qui n’existait pas et qu’elle empruntait. Cet héritage du sarkozysme est notre boulet et celui de tous les Français. Si nous ne faisions pas cet effort de rétablissement des comptes publics, nous serions irresponsables. A nous d’être intelligents et innovants pour ne pas menacer l’investissement productif. A l’issue du séminaire réuni hier par le Président, on a décidé de lancer un programme d’équipement dans le très haut débit, de rénovation urbaine et d’infrastructure dans le cadre du Grand Paris…

Mais il n’y a pas presque plus d’argent public dans ces programmes…

Ce n’est pas vrai. Il y a l’argent du grand emprunt, de la Banque européenne d’investissement. Et puis on a choisi de mobiliser l’épargne des Français (1). C’est en associant cet argent privé avec celui du public qu’on trouvera des solutions ingénieuses. Par ailleurs, avec la Banque publique d’investissement (lire page 10), dont le premier conseil d’administration se tient ce matin, le gouvernement dispose d’un outil qui fera une concurrence déloyale au système financier. La BPI sera moins gourmande et plus patiente que les banques traditionnelles.

Quand est-ce que les Français peuvent espérer voir les premiers effets de votre politique ?

Il faut continuer la bataille de la réorientation de la construction européenne. Et se donner les moyens de lutter contre l’euro fort.

Mais l’Allemagne a clairement fait savoir qu’elle ne voulait pas de ce débat…

Mais l’Allemagne ne dirige pas seule l’Europe. Quand elle ne sera plus entourée que de pays en récession, elle sera bien obligée de mettre un peu d’eau dans son vin. On ne peut pas accepter un verrouillage à la fois juridique, budgétaire et monétaire de la politique européenne. De mon côté, je travaille à desserrer l’étau de la politique commerciale de l’Union face à la mondialisation déloyale. Et j’espère que la prise de conscience de l’excès de naïveté européenne commence à payer.

(1) Le gouvernement vient de décider de créer une enveloppe de 20 milliards prélevés sur le Livret A pour des prêts aux collectivités locales.



21/02/2013
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