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OFFSHORE LEAKS : là où ça coince encore en Europe

La lutte contre l'évasion fiscale en Europe bute sur l'unanimité (Médiapart 1/2)

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La publication des «offshore leaks», la crise chypriote et les rebondissements de l'affaire Cahuzac obligent les défenseurs du secret bancaire en Europe à lâcher du lest. La première inflexion est venue dimanche du Luxembourg, dont le ministre des finances, Luc Frieden, a affirmé vouloir « renforcer la coopération avec les autorités fiscales étrangères ». « Nous ne sommes plus strictement opposés (à lever le secret bancaire - ndlr) », a-t-il précisé dans un entretien au Frankfurter Allgemeine Zeitung.

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Si l'annonce reste encore à concrétiser, elle marquerait un changement de cap, qui devrait grandement faciliter la tâche de la commission européenne dans les mois à venir. Le grand-duché était, avec l'Autriche, l'un des deux pays bloquant la révision, enclenchée en 2008, de la « directive épargne », un texte censé instaurer l'échange automatique d'informations bancaires au sein des États-membres de l'Union. La commission chiffre à 1 000 milliards d'euros le coût de la fraude fiscale et de l'évasion, chaque année, à l'échelle de l'Union – soit environ sept fois le budget annuel de l'UE.

« Cette annonce du Luxembourg est extrêmement bienvenue… Maintenant il reste à convaincre l'Autriche », résume l'eurodéputé belge Philippe Lamberts, spécialiste des questions financières (Verts). De fait, Vienne s'est trouvé toute la journée de lundi sous le feu des critiques. « Ce sera très difficile pour l'Autriche de maintenir sa position », a anticipé la porte-parole du commissaire européen à la fiscalité, Algirdas Semeta, qui s'est ouvertement interrogée : « Comment l'Autriche peut-elle maintenir sa résistance à la transparence et à l'échange automatique d'information quand tous les autres États-membres avancent dans cette direction ? »

À Vienne, pourtant, les positions n'ont pas bougé d'un iota. Le vice-chancelier de la coalition au pouvoir, Michael Spindelegger, a répété lundi ce que sa ministre des finances avait déjà expliqué la veille : « Le secret bancaire doit être conservé. » « Il s'agit de protéger la sphère privée, il s'agit d'éviter que mon voisin puisse savoir combien d'argent j'ai sur mon compte », a-t-il précisé. Vienne plaide, plutôt qu'un accord global européen, pour une série de traités bilatéraux en la matière. Un discours sur ce point identique à la Suisse voisine.

Bruxelles avait déjà tancé l'Autriche sur le sujet en novembre 2012, et l'opération, à l'époque, n'avait rien donné. L'affaire est d'autant plus tendue que l'Autriche s'apprêterait à négocier un accord d'échange automatique d'informations avec les États-Unis. Tout en refusant un accord similaire avec l'ensemble de ses partenaires de l'Union. 

Le feu vert du Luxembourg, comme celui de Vienne, est crucial pour une simple raison : à Bruxelles, c'est la règle de l'unanimité qui prévaut en matière de fiscalité, domaine considéré comme l'un des piliers de la souveraineté des État-membres. Il faut donc un accord à 27, sinon rien. Ce qui rend laborieuse, et très incertaine, la tentative d'amélioration du texte actuel sur le secret bancaire, pourtant imparfait aux yeux de beaucoup.  

Entrée en vigueur le 1er juillet 2005, après seize ans de négociations et de nombreux compromis, la « directive épargne » organise le fameux principe d'échange automatique d'informations, entre les 27 États de l'Union. En clair, dès qu'un citoyen européen ouvre un compte dans un autre pays de l'Union, l'institution financière envoie, mécaniquement, ces donnés à l'administration de l'État membre dont il est originaire. Sauf que ce texte, pour reprendre l'expression du journaliste Xavier Harel, dans son enquête (La Grande Évasion – Les liens qui libèrent, 2010), est « une véritable passoire ».

D'abord, l'Autriche, la Belgique et le Luxembourg ont obtenu de bénéficier d'un « régime transitoire », qui leur permet d'échapper à la règle. Eux pratiquent la technique suivante : un prélèvement à la source sur le montant des dépôts de ressortissants européens, dont une partie est redistribuée au pays d'origine, sans que le nom du détenteur du compte ne soit divulgué. Une manière de préserver le secret bancaire, tout en affichant des gages de bonne volonté. La Belgique, depuis, est rentrée dans le rang, mais les deux autres États campent, jusqu'à présent, sur leurs positions.



09/04/2013
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