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OBAMA/POUTINE: DIVORCE

Obama-Poutine : le divorce d'un couple qui n'a plus rien à se dire (médiapart)

|  Par Thomas Cantaloube

La Maison Blanche a donc renoncé à tenir un sommet avec le Kremlin en septembre. L'affaire Snowden est évoquée mais ce sont surtout les points communs inexistants entre les deux pays qui ont conduit à cette annulation.

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La franchise est une denrée rare dans les communiqués diplomatiques, encore plus quand il s’agit d’annoncer des mauvaises nouvelles. Et pourtant, la déclaration du porte-parole de la Maison Blanche expliquant pourquoi le sommet envisagé début septembre entre Barack Obama et Vladimir Poutine n’aura pas lieu est un modèle de sincérité. « Étant donné notre manque de progrès sur des questions comme le contrôle des armements et le déploiement des missiles, sur les relations commerciales, la sécurité globale, les droits de l’homme et la société civile au cours des douze derniers mois », a avancé Jay Carney, « nous avons informé le gouvernement russe que nous pensions qu’il valait mieux retarder le sommet en attendant de pouvoir obtenir davantage de résultats ». Et le porte-parole d’ajouter : « La décision décevante de la Russie d’accorder à Edward Snowden l’asile temporaire est également un facteur que nous avons pris en considération pour évaluer l’état de notre relation bilatérale. »

En des termes plus succincts voilà ce qu’a dit l’administration Obama : « Nous ne sommes plus d’accord sur grand-chose, donc inutile de gaspiller du temps à nous parler. » C’est effectivement un aveu franc, qui est également l’admission d’un échec : celui de la politique de « reset » (redémarrage) avec la Russie qu’Obama avait tenté d’établir après son accession au pouvoir. Si pendant un temps, lorsque Dmitri Medvedev occupait « officiellement » le Kremlin, il y avait eu l’espoir d’une meilleure collaboration, notamment sur l’Afghanistan et le dossier des sanctions sur le nucléaire iranien, le retour de Poutine au premier plan a anéanti ces espérances.

Barack Obama, qui était l’invité mercredi soir d’une émission de télévision aux États-Unis a livré son analyse du malaise entre les deux nations : « Il y a des moments où ils reviennent à une mentalité de guerre froide, à une pensée de guerre froide. C’est ce que je répète constamment au président Poutine : le passé est le passé et nous devons songer au futur. Il n’y a aucune raison de ne pas pouvoir coopérer plus efficacement que nous le faisons à l’heure actuelle. » Le gros mot est donc lâché : “guerre froide”. Pourtant, ce que semble oublier le président américain c’est que, même au plus fort de la guerre froide, lorsqu’il y avait des milliers de sujets de discorde, que les deux blocs s’espionnaient sauvagement et se faisaient parfois la guerre via des États tiers, lorsque les invectives volaient bas, les plus hauts dirigeants des deux pays continuaient de se rencontrer en face à face pour échanger.

Obama avec Medvedev en 2010. La relation avec ce dernier était plus proche qu'avec Poutine.Obama avec Medvedev en 2010. La relation avec ce dernier était plus proche qu'avec Poutine.© Pete Souza/Maison-Blanche

Faut-il en déduire que la période actuelle est pire que celle de la guerre froide ? Sans doute pas, mais ce qui a changé, c’est que les relations entre Washington et Moscou sont devenues si ténues qu’aucune des deux capitales n’estime que les efforts nécessaires pour renouer le dialogue en valent la peine. La Chine est un bon contre-exemple. Washington et Pékin s’affrontent constamment, sur le terrain géopolitique, commercial et technologique, sans même parler des vastes opérations de cyber-espionnage, et pourtant nul n’a jamais menacé d’interrompre les discussions régulières au plus haut niveau. Parce que les États-Unis et la Chine estiment que certains enjeux valent la peine de poursuivre les sommets, les rencontres ou les échanges.

Aujourd’hui, les États-Unis savent qu’ils n’ont aucun levier qui leur permettrait de peser sur les décisions russes, qu’il s’agisse de l’appui au régime syrien de Bachar al-Assad ou des lois liberticides adoptées par Moscou (récemment celle criminalisant la « propagande homosexuelle »). Après tout, Vladimir Poutine est un président élu et populaire dans son pays : les sondages lui accordent régulièrement entre 55 % et 75 % d’opinions favorables, un score que nombre de dirigeants occidentaux lui envient. Du côté de Moscou, même en mettant de côté la fierté blessée et le sentiment toujours présent que les Américains veulent dicter leur loi, il n’y a pas grand-chose à partager avec Washington : les relations commerciales sont très faibles malgré l’appui américain pour faciliter l’accès de la Russie à l’OMC, et la lutte contre le terrorisme se borne à quelques échanges d’informations ponctuelles comme lors des attentats de Boston. Le seul point d’accord prometteur était la réduction des arsenaux nucléaires, mais aucune avancée n’a été enregistrée dans ce domaine depuis quelques années, malgré la volonté initiale d’Obama et de Medvedev.



18/08/2013
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