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MONTEBOURG, la rose et le réséda, analyse avec Libération

Montebourg, la «Rose et le Réséda» au point

EnquêteL'ex-candidat à la primaire socialiste lance samedi son propre mouvement «culturel et sociétal». Mais se veut le VRP de Hollande dans «la France des usines».

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Par LILIAN ALEMAGNA

Montebourg à Paris 10 octobre 2011 (Photos Frédéric Stucin.MYOP)
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Dans son bureau de député, Arnaud Montebourg s'empresse de montrer le petit livre bien en évidence dans sa bibliothèque: !Votad la desglobalización! Version espagnole de son Votez pour la démondialisation. «On va aller à Madrid fin mars voir les Indignados!» s'exclame le troisième homme de la primaire à gauche. On l'avait laissé en grande forme avec ses 17% au lendemain du premier tour de la désignation du candidat socialiste. On retrouve le président du conseil général de Saône-et-Loire tout aussi survolté avant le lancement de son nouveau mouvement politique, «La Rose et le Réséda», samedi, à Paris.

Depuis octobre, Montebourg s'était fait plus discret. Son soutien à Hollande dans l'entre-deux-tours de la primaire avait égratigné sa stature d'homme qui «fait de la politique avec des méthodes nouvelles». Puis, après une période plus calme, il s'était mis à tirer de nouveau sur la direction du PS. Affaires touchant la fédération du Pas-de-Calais, accord avec Europe Ecologie-Les Verts qu'il ne compte pas appliquer... «Regardez comme Arnaud souffre, raille un dirigeant du PS. Après ça, il en est à créer son propre mouvement en pleine campagne. C'est un acte baroque. De défiance.»

Un programme «en pièces détachées»

Montebourg s'en défend: «La Rose et le Réséda sera engagé pleinement avec François Hollande.» Pour peser dans cette campagne, il jure ne pas avoir «besoin d'être dans un organigramme». «Avec François Hollande, nous avons construit un accord politique», assure le député. Le discours «fondateur» du Bourget en serait la preuve. Si le candidat socialiste a présenté le «monde de la finance» comme son «ennemi», ce serait grâce à lui. «Mon programme de démondialisation est en pièces détachées dans le programme de François Hollande», claironne Montebourg: «relocalisations», «normes sociales et environnementales», «lutte contre les paradis fiscaux». Il ne manque que la VIe République. L'homme se voit, aux côtés de Hollande, dans le rôle de Chevènement auprès de Mitterrand.

Pour l'assurer, Montebourg revient avec un nouveau job: VRP de Hollande dans la «France des usines». «A chaque fois, on va en voir une en difficulté et une qui marche», explique-t-il, lançant au passage une paire de chaussettes Bleuforêt, fabriquée dans les Vosges. Il a déjà fait étape en Ardèche, deux fois à Yssingeaux (Haute-Loire) pour soutenir les ouvrières de Lejaby. Dans son agenda sont déjà notés Châtellerault, Cherbourg, le Loiret...

Représenter Hollande dans les usines d'un côté. Se tailler de l'autre une stature d'homme politique de premier plan, en mettant à flot son mouvement. Montebourg ne veut pas laisser s'étioler son capital primaire: 455 000 voix et des milliers de «volontaires». La Rose et le Réséda doit donc devenir un «mouvement culturel, sociétal, pour faire progresser (ses) idées dans la société». Pas question de s'intéresser «aux appareils et aux partis politiques qu'(il) considère indécrottablement à côté de leurs pompes», dit Montebourg. Parce qu'«après les primaires, la politique se fera en dehors des partis», il veut «unifier» socialistes et non-socialistes pour «redresser la France». D'où ce nom emprunté au poème de Louis Aragon, écrit en 1943, commençant par ces vers: «Celui qui croyait au ciel - Celui qui n'y croyait pas - Tous deux adoraient la belle - Prisonnière des soldats».

Hamon: «Je ne prends pas ça comme une compét»

La Rose et le Réséda prendra la forme d'une association loi 1901 et se propose d'organiser des «conférences», une «université itinérante», une «école de formation» ou encore un think tank, «Démarcations», parrainé par Emmanuel Todd et Régis Debray.Toute ceci fleure bon l'offensive pour piquer le leadership au courant de Benoît Hamon et Henri Emmanuelli, «Un monde d'avance», à la gauche du PS. «Je ne prends pas ça comme une compét, relativise Hamon. Et puis on ne va quand même pas se plaindre d'être plusieurs à défendre les mêmes sujets!» «Aujourd'hui il joue l'extérieur, poursuit Marie-Noëlle Lienemann. Ce n'est pas illégitime d'essayer d'organiser les gens qui l'ont soutenu.» Montebourg réfute lui-même toute tentative d'OPA inamicale et dit vouloir «sortir des luttes de pouvoir», des «batailles stériles de courant»: «La gauche du PS est passionnée par les congrès. Moi, plus du tout. Le PS est un parti de gestionnaire et d'élus. Il n'est plus rénovable de l'intérieur.»

Mais pour peser sur son parti, Montebourg a aussi choisi l'extérieur car il reste isolé en interne. Son succès à la primaire ne l'a pas renforcé dans l'appareil. Pour exemple, quand la gauche du PS peut viser les 12 députés après 2012, «Arnaud n'aura plus de parlementaire, fait remarquer un dirigeant socialiste. Même lui a fait le choix de lâcher son poste de député. Du coup, il a besoin d'un mouvement en forme de tribune pour exister.» «Il a la volonté de peser sur la suite en ayant une marque de fabrique», ajoute Christian Paul, ancien compère de Montebourg dans ses anciennes tentatives – Nouveau Parti socialiste, Convention pour la VIe République, Rénover maintenant – toutes plus ou moins avortées. «C'est un leader mais ce n'est pas forcément un organisateur de courant», pique Lienemann. «Les mouvements supposent d'avoir un encadrement. Or, le problème d'Arnaud c'est qu'il croit que quand il fait une salle avec 200 personnes, il va faire tomber la fédé et que les élus locaux vont se rallier à lui», poursuit un responsable PS.

«Il préfère construire autour de lui, de son incarnation»

Une structure externe tout en restant actif en interne. La dernière tentative du genre date de 2004. Signée Jean-Luc Mélenchon. Avec «Pour la République sociale» (PRS), l'actuel candidat du Front de gauche s'était aussi essayé au dedans-dehors... Pour sortir définitivement en 2008.

«Je n'ai pas du tout l'intention de quitter le Parti socialiste», jure Montebourg. A défaut d'être une bouée de secours, La Rose et le Réséda préfigure-t-elle alors une écurie pour la prochaine présidentielle? «On lui a proposé plusieurs fois de faire quelque chose ensemble, assure Pouria Amirshahi, proche de Hamon. Mais il préfère construire autour de lui, de son incarnation, dans un rapport de conquête du pouvoir.» «Il peut aussi faire le calcul de devenir le réceptacle des déçus d'un pouvoir de gauche», analyse Hamon. Montebourg réfute toute arrière-pensée présidentielle. «Le problème d'Arnaud, observe Christian Paul, c'est qu'il est un garçon courageux et visionnaire mais n'arrivera à changer de statut que lorsqu'il aura trouvé une stabilité dans ses stratégies.» L'après-2012 dira s'il y est, enfin, arrivé.



04/02/2012
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