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MONTEBOURG et la question de la nationalisation, de la relation avec le gouvernement Hollande

L’Elysée coincé par un dossier piégé (Mediapart)

30 novembre 2012 à 22:42

Hollande, qui a désavoué Montebourg, risque de faire les frais de la gestion du conflit.

Par GRÉGOIRE BISEAU

Dans un dictionnaire de la politique française des années 2000, on devrait, en toute logique, lire à la lettre A : ArcelorMittal. Ce groupe sidérurgique a en effet eu l’insigne privilège de prendre en flagrant délit de mensonge Nicolas Sarkozy et de le couper des classes ouvrières qui l’avaient pourtant soutenu en 2007. Et voilà aujourd’hui la même multinationale en train d’éprouver les premiers mois du hollandisme. Et sa méthode de gouvernement. «Comme à son habitude, François Hollande gère le rapport de force jusqu’à la dernière minute, décrypte un dirigeant socialiste. C’est une façon de garder sa liberté.» Mais, en l’occurrence, le dossier Florange est en train de se refermer sur lui comme un piège. Si bien qu’on ne voit pas comment le chef de l’Etat pourrait ne pas en faire les frais politiques. Et, avec lui, son bouillant ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg.

 

Contre-pied. L’annonce de vendredi soir est une caricature de synthèse hollandaise. ArcelorMittal voulait fermer ses hauts-fourneaux, les syndicats souhaitaient les faire redémarrer. Hollande propose donc de les maintenir en état au cas où… En déclarant vendredi soir avoir finalement renoncé au projet de nationalisation du site de Florange, Jean-Marc Ayrault a par ailleurs pris sa majorité et une partie de l’opinion à contre-pied. Depuis une semaine, Arnaud Montebourg avait installé l’idée que l’Etat actionnaire allait probablement reprendre du service. Et remettre en marche les hauts-fourneaux de Florange, ceux-là même où Hollande était venu se faire applaudir pendant sa campagne électorale. A aucun moment l’Elysée n’a tenté de rattraper par la manche le ministre du Redressement productif. Le Président, lui même, avait déclaré, avant de recevoir Lakshmi Mittal à l’Elysée, que la solution d’une nationalisation était bien sûr la table.

Paradoxalement, le résultat politique de cette campagne fut assez miraculeux. Certes, le Medef a hurlé. Mais non seulement les députés de la majorité, chiffonnés par la teneur sociale-libérale de la politique économique du gouvernement, avaient retrouvé des couleurs, mais, en plus, le ralliement de plusieurs personnalités de droite (François Bayrou, Jean-Louis Borloo et Henri Guaino) était en train de dessiner un début d’alliance nationale. En début de semaine, les députés socialistes Philippe Doucet et Laurent Baumel lançaient une pétition de soutien à la proposition de Montebourg. Vendredi soir, ils étaient une centaine de députés à l’avoir signée. «Il y a une dimension symbolique très forte : c’est la figure inversée du "l’Etat ne peut pas tout" de Lionel Jospin, nous confiait Laurent Baumel quelques heures avant l’annonce du Premier ministre. Si cela devait ne pas se faire, je serai déçu», avait-il ajouté. Un ministre apprenant la mort de la nationalisation abondait : «On ne peut pas être plus libéraux que Cameron, Brown et Obama réunis quand même !» Le gouvernement va avoir du pain sur la planche pour que cette déception ne se transforme pas en mécontentement. Voir en démission.

Seul. Comment Arnaud Montebourg pourra-t-il se remettre d’un tel désaveu ? Mystère. D’autant que, vendredi soir, Jean-Marc Ayrault ne s’est pas privé de le désavouer en public. Non seulement il n’a pas eu un mot pour son ministre, mais en plus, il a qualifié la solution de la nationalisation comme une «expropriation [qui] peut être nécessaire dans des conditions historiques, particulières», mais peu «efficaces» pour des «entreprises qui ont des problèmes de débouchés et de compétitivité». Jusqu’à présent, c’était l’Elysée qui faisait le trait d’union entre Ayrault et Montebourg. Mais, vendredi soir, l’apôtre de la démondialisation, celui-là même qui parle à l’oreille de la gauche de la gauche, semblait plus seul que jamais. Dans l’entourage de François Hollande, on écarte pourtant l’hypothèse d’un possible départ du gouvernement : «Il a été très utile pour nous permettre de construire un rapport de force avec Mittal et faire aboutir une solution.» Mais un ministre reconnaît la difficulté : «Comme d’habitude, Montebourg avait construit un environnement où il devenait difficile de le désavouer. Maintenant, pour l’après, ça peut être un peu chaud.»



01/12/2012
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