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MONTEBOURG a menacé de démissionner

Laminé, Montebourg était prêt à s’en aller (article Libé)

2 décembre 2012 à 22:26
Arnaud Montebourg le 30 novembre à Paris.
Arnaud Montebourg le 30 novembre à Paris. (Photo Fred Dufour. AFP
 

Le ministre du Redressement productif, dont la proposition de nationalisation de Florange n’a pas été retenue, a menacé samedi de quitter le gouvernement.

 

Florange était un dossier politiquement explosif. A tel point que l’avenir des derniers hauts fourneaux de Lorraine a failli faire éclater le gouvernement.

 

De sources concordantes, Arnaud Montebourg a menacé François Hollande de démissionner, lors de leur entretien de samedi matin à l’Elysée. La veille au soir, le ministre du Redressement productif avait été sèchement désavoué par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, sur son projet de «nationalisation temporaire» de Florange. «Je lui ai dit [au président de la République, ndlr] que si rien n’était fait avant ce soir pour réparer les dégâts sur cette question de nationalisation, je ne resterai pas au gouvernement, et la dislocation va commencer. Il m’a demandé de n’en rien faire», a indiqué hier Arnaud Montebourg à Libération. Il est finalement resté. Mais vu la tension entre Jean-Marc Ayrault et son ministre, le Château a passé son samedi à éviter la rupture. «Depuis vingt-quatre heures, on cherche à ramener de l’ordre et de la sérénité au sein du gouvernement», confie-t-on à l’Elysée.

«Pas vraiment réussi». Tout a commencé vendredi. Le matin, Arnaud Montebourg apporte les croissants aux syndicalistes CFDT qui campent devant Bercy. Il leur dit que l’idée de nationaliser le site, afin de forcer Mittal à passer la main à un repreneur, est toujours sur la table. De sources proches du dossier, le ministre sait pourtant que l’objectif des négociations marathon avec Mittal, qui se tiennent depuis mercredi à Matignon, est de pérenniser l’emploi et une partie du site. Et que la nationalisation n’est plus qu’un moyen de pression, qui ne serait utilisé qu’en dernier recours. Ayrault y est totalement opposé. Il est furieux que Montebourg continue à entretenir le doute. Mais l’intéressé pense que Mittal ne lâchera rien. Et que l’Elysée peut donc encore arbitrer en sa faveur.

En début de soirée, Ayrault veut en finir. Alors que l’accord n’est pas totalement finalisé, l’exécutif interrompt les négociations. A 20 heures, les journalistes sont convoqués. Aucun ministre n’est prévenu. A 21 heures, le Premier ministre annonce qu’il n’y aura «pas de plan social» à Florange. Et tacle sévèrement Montebourg : la «nationalisation» n’est «pas efficace» face à un problème de «débouchés» ou de «compétitivité».

Dans son bureau, François Hollande regarde Jean-Marc Ayrault à la télé avec son secrétaire général, Pierre-René Lemas, son conseiller économique, Emmanuel Macron, et son conseiller politique, Aquilino Morelle. La charge contre Montebourg est jugée trop violente. «Ce n’était vraiment pas un exercice de communication réussi», dit un proche du chef de l’Etat. Hollande décide qu’il doit voir Montebourg dès le lendemain. Morelle file dîner près de Bercy avec celui dont il a dirigé la campagne pendant la primaire socialiste. Le ministre, qui a lui aussi regardé Ayrault à la télé, n’a pas encore pris conscience du désaveu qu’il vient de subir. Sa préoccupation, c’est de connaître les détails de l’accord, qu’il n’aura que le lendemain.

Sa colère éclate le samedi matin. D’autant plus que des proches d’Ayrault ont dit à la presse que le repreneur potentiel de Florange n’était «pas crédible». Dans le bureau de Hollande, il menace de rendre son tablier si deux conditions ne sont pas réunies : il faut «réhabiliter le repreneur» et le «principe de la nationalisation temporaire». «Ce n’était pas une question personnelle. Derrière ce dossier, il y a des gens», dit le ministre à Libération.

«Des couilles». En sortant de l’Elysée, Montebourg appelle Ayrault. De sources concordantes, la conversation est «très houleuse». Les deux hommes déballent leurs différends, qui ne datent pas de Florange. Le ministre dit qu’il se décidera sur sa démission avant son intervention, samedi soir, au JT de TF1. Mais le Président ne veut pas perdre Montebourg, essentiel pour séduire l’aile gauche du PS et de son électorat. «Hollande a vraiment eu peur que Montebourg démissionne», raconte un proche du dossier. A la demande de l’Elysée, Matignon doit publier, vers 15 heures, un communiqué qui vante l’action de Montebourg. «Il fallait mettre un peu de baume au cœur d’Arnaud», concède un conseiller ministériel. Mais l’intéressé est furieux. Car le texte ne réhabilite ni le repreneur ni la nationalisation. «On a expliqué que je suis un bon ministre dans un communiqué, mais ce n’est pas ce que je voulais», explique Montebourg.

Vers 16 heures, il rédige son discours de démission. Mais renonce au dernier moment. Il y a d’abord le coup de fil du délégué CFDT d’ArcelorMittal, Edouard Martin, qui lui demande de ne pas partir. «Ça nous fragiliserait, c’est le seul qui a des couilles face à Mittal», raconte-il à Libération. Parmi ses proches, «on a été plusieurs à lui conseiller la sagesse», rapporte l’un d’entre eux, le député Thierry Mandon. Surtout, Hollande rappelle Montebourg, et lui donne satisfaction. Le ministre peut annoncer au 20 heures de TF1 que le repreneur était «sérieux», et que le chef d’Etat le «recevra» pour «le remercier». Et, surtout, «que la question de la nationalisation temporaire restait sur la table, car c’est une arme dissuasive». Y compris face à Lakshmi Mittal, s’il «ne tient pas ses engagements». Le ministre en profite pour tacler Ayrault, révélant que Mittal a seulement promis d’«étudier» le projet Ulcos, dont dépend l’avenir des hauts fourneaux : «Je crois que le Premier ministre peut faire preuve d’encore plus de fermeté» sur ce dossier.

Un proche du chef de l’Etat se montre sévère avec les deux hommes, jugeant tout aussi «inutile» la saillie de Montebourg dans les Echos («nous ne voulons plus de Mittal en France») et «l’exercice de désaveu d’Ayrault» contre son ministre. Mais François Hollande n’a pas su apaiser ce conflit, qui affaiblit la crédibilité de Montebourg et l’autorité de Jean-Marc Ayrault. Pourra-t-il recoller les morceaux ? A Matignon, on refusait hier d’«alimenter le feuilleton». Mais Arnaud Montebourg n’a pas encore digéré. Interrogé sur l’avenir des hauts fourneaux, il conseille de s’adresser au Premier ministre : «J’ai travaillé sur ce dossier pendant six mois, on me l’a retiré pendant trois jours pour faire un compromis, alors vous lui demanderez.»



03/12/2012
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