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MEETING DE VINCENNES :la force tranquillou, compte-rendu de Libération

Hollande, la force tranquillou

François Hollande à Vincennes le 15 avril
François Hollande à Vincennes le 15 avril (Photo Charles Platiau. Reuters.)

Devant des dizaines de milliers de sympathisants à Vincennes, le socialiste n’a pas voulu céder à l’euphorie.

Par Laure Bretton et Matthieu Écoiffier

C’est Laurent Fabius qui le dit : la victoire de la gauche, «ce sera fait quand ce sera fait». L’ex-Premier ministre refuse de céder à l’enthousiasme qu’on sent monter de l’esplanade du château de Vincennes. «Quand vous ajoutez la prudence, la superstition, les leçons de l’expérience… il faut rester mesuré», professe-t-il. Hier, à 15 heures, aux portes de Paris. Avant que François Hollande ne monte sur scène, tout le PS a déjà les pieds dans le sable de la place que le vent frais soulève par bourrasques. Coté militants, on crie «Hollande, président» en agitant des milliers de drapeaux multicolores, et on se pourlèche : «C’est plié !» Mais, coté dirigeants, on se refrène. «Ça sent très bon», glisse discrètement un élu à l’oreille de Benoît Hamon. C’est qu’avant le premier tour, même si les sondages semblent prometteurs, il reste une semaine à tenir. Et les risques sont bien réels : démobilisation, dispersion à gauche et abstention qui menace. Sous la grande tente blanche de la presse - 500 journalistes accrédités, dont 150 étrangers - un dirigeant socialiste met en garde contre «l’effet déception» si, le 22 avril, «plusieurs candidats grappillent des dixièmes de point à Hollande» et handicapent la dynamique pour le second tour.

En coulisse, Ségolène Royal tient une mini-conférence de presse : «Il faut faire attention, tout excès d’optimisme est toujours très mal vu. Ce n’est pas un match de sport. Les Français sont là pour avoir des solutions à leurs problèmes. Ils sont des millions à se dire : "A quoi ça sert la présidentielle ?" C’est à eux que je pense aujourd’hui.» Delphine Batho, porte-parole de Hollande, abonde. Depuis la publication, le 4 avril, de «l’agenda du changement» qui concrétise la première année du Portail Orange : Actu, Sport, Assistance Internet, Web Mail Orange quinquennat, «on sent une forme de confiance tranquille en train de monter. Mais il y a toujours, depuis 2002, cette idée d’un coup fourré de dernière minute». «Je suis confiant, mais je n’arrive pas à être complètement rassuré», confirme Daniel Vaillant, qui était ministre de l’Intérieur le 21 avril 2002.

«Bonheur». Justement arrive Lionel Jospin. L’ex-chef de gouvernement se plie aux photos avec des militants. «Jospin qui se fait applaudir à tout rompre, c’est bon signe», glisse un proche de Hollande à l’affût. Le candidat, lui, traverse en dernier le pont enjambant les douves du château. Les cheveux solidement gominés pour tenir tête au vent. «Le bonheur, il viendra avec la victoire», glisse-t-il avant de s’isoler brièvement dans les loges avec sa compagne, Valérie Trierweiler, et sa plume, Aquilino Morelle. Sur scène, Bertrand Delanoë, seul autorisé à prendre la parole avant Hollande, se casse la voix. «Ne retenez rien de ce que vous avez en vous pour aller expliquer que la victoire du 6 mai se construit le 22 avril», crie le maire de Paris. «On va gagner», lui répond la foule.

Cette fois, Hollande est sur la rampe d’accès, entouré de son premier cercle. Son fils Thomas le serre dans ses bras avant qu’il ne monte à la tribune. Le voilà les deux coudes appuyés au pupitre et les mains jointes. «J’entends la clameur, je mesure la ferveur et j’imagine le bonheur qui pourrait être le nôtre si nous parvenons vous et moi à la victoire», lance-t-il. S’il sent «un espoir calme, un espoir ferme, un espoir lucide» monter, il émaille ses cinquante minutes de discours d’alertes à la mobilisation. Evoque les «embûches» à surmonter - «le fatalisme, la résignation et le découragement» - et appelle à «repousser l’anesthésiante euphorie qui confond prédictions et scrutins» et qui autorise certains à se répartir d’avance les postes. Viennent les attaques contre le président-candidat. Sarkozy appelle «à sa rescousse» la «majorité silencieuse, celle des travailleurs contre les chômeurs, des ouvriers contre les assistés, des Français contre les étrangers» ? François Hollande fait vibrer l’esplanade en assurant que «cette France, toute cette France, ici elle est rassemblée». Et proclame : «Cette majorité tranquille, cette majorité confiante […], cette majorité populaire, ce sera nous dimanche prochain. Cette majorité ne sera pas silencieuse, elle sera audacieuse.» Il fait rire en raillant la visite de douze heures en Corse de Sarkozy où ce dernier a promis un milliard d’euros d’aides. «Heureusement qu’il n’est pas resté plus longtemps !» Succès garanti.

«Grandeur». Ensuite, sans le nommer, c’est le tour de Jean-Luc Mélenchon. Contre lequel il dégaine un discours de Mitterrand qui disait, «il y a trente et un ans […] : "Je suis le seul candidat de gauche qui soit en mesure de l’emporter"». Le message est clair : non aux «votes sans lendemain» mélenchoniens. Le socialiste fait trop long sur son projet qu’il remouline, et ne fait pas dans la modestie : «La grandeur de l’histoire», c’est 1789, Blum, Aubrac, Mendès France… et le 6 mai, il faudra «écrire la suite» avec lui. Un rayon de soleil balaie la scène. «Ça se réchauffe. Même en haut, ils nous écoutent», lance-t-il. En lévitation.



16/04/2012
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