Los indiginados EN FRANCE : analyse avec Mediapart
Sommaire du journal
- Martine Aubry dans la schizophrénie du pacte de Marrakech
- Bruno Julliard (PS): «Les indignés espagnols pointent du doigt l'échec de la social-démocratie»
- Peut-on transposer les «Indignés» d'Espagne en France?
- Un mouvement qui se nourrit du désastre social des moins de 30 ans
- A La Rochelle, Hulot trébuche sur Borloo et relance la primaire écologiste
- Santu Mofokeng et les ombres de l'apartheid
- Encore plus d'austérité pour la Grèce: le déni européen
- Comment l'Allemagne va sortir du nucléaire: le détail du plan
- Juan Branco: «En fait, Internet réhabilite l'auteur»
- Militante basque, Aurore Martin choisit de sortir de la clandestinité
- Eric Meillan: «Il faut dépolitiser la police et la sécurité»
- Bactérie: un ADN monstrueux crée le chaos
- Rjevskaïa, du bunker de Hitler aux silences de Moscou
- Ce que les communistes pensent de Mélenchon
- Le PS dans l'embarras face à ses élus condamnés pour violences sexistes
- A l'affût des révolutions. En mémoire de Samir Kassir
- Lagarde au FMI: même les écologistes russes n'en veulent pas!
- Libye: la catastrophe des boat people
- La ténébreuse affaire Altran
- Opération mains propres à Drouot et dans le marché de l'art
Un mouvement qui se nourrit du désastre social des moins de 30 ans
Mais cette contestation transnationale (d'ores et déjà bien plus mobilisatrice que bien des euro-manifestations organisées par la Confédération européenne des syndicats) n'est pas seulement une réponse à la crise.
Elle n'est pas non plus, comme on l'entend parfois, une sorte de bronca matérialiste reflétant en réalité une quête de conformisme petit-bourgeois. (D'ailleurs ceux qui font ce reproche ne voulaient-ils pas, eux aussi, à leur âge, vivre au moins aussi bien que leurs parents?)
La mobilisation des Indignés, aussi brouillonne soit-elle, est d'abord l'expression d'une colère générationnelle.
Colère contre le capitalisme, quand il conduit des Etats à privilégier le sauvetage des banques et non l'avenir de ses concitoyens (les plus jeunes en particulier) et désarme les politiques, transformés en pantins sans marge de manœuvre et condamnés à mener une seule et même politique.
Colère contre des systèmes sociaux qui, dans les pays du sud de l'Europe (y compris en France), protègent beaucoup les insiders, les travailleurs ou fonctionnaires en contrat à durée indéterminée, bénéficiaires des régimes d'assurance sociale. Et rejettent à leur marge les outsiders, les pas qualifiés, les précaires, les plus jeunes, livrés à eux-mêmes ou à l'aumône de leurs parents, pour lequels il ne reste «que des miettes» de l'Etat-providence, selon le sociologue Louis Chauvel.
Colère contre des systèmes politiques craintifs et tournés sur eux-mêmes, hermétiques à la société civile et à son foisonnement. Fureur de voir que le personnel politique est si déconnecté de la société qu'il est censé représenter parce que trop vieux, trop unanimement blanc, trop issu des milieux favorisés, trop masculin.
Colère, enfin, contre des syndicats jugés trop conciliants avec le pouvoir, et obnibulés par la défense des intérêts de leur clientèle – elle aussi plutôt âgée, plutôt blanche, plutôt du secteur public.
Ces derniers jours, il était de bon ton de dénigrer le mouvement des Indignés de la Bastille sur le mode du «ça n'ira pas bien loin». L'ampleur de la mobilisation de dimanche à Paris (mais aussi dans les villes de province) nous dira si ces prédictions sont fondées. Mais même si tout s'arrêtait la semaine prochaine, la crise silencieuse d'une partie de la jeunesse française ne serait pas résolue pour autant.
Certes, le chômage des jeunes en France a relativement moins augmenté qu'ailleurs pendant la crise. Mais la France continue de faire «l'impasse sur une partie de sa jeunesse», déplore dans Les Echos Olivier Galland, sociologue au CREST-CNRS.
Pas celle des bien diplômés, qui continuent de s'en sortir, malgré de longs mois très difficiles au plus fort de la crise. Mais celle des bacheliers ou des petits diplômes, hantés par le déclassement qu'ils sont nombreux à expérimenter. Celle des périphéries urbaines, dont une partie s'est violemment rappelée au souvenir du pays en 2005, et pour laquelle rien ne change. Enfin, cette jeunesse qui ne s'exprime pas du tout, les relégués des zones périurbaines ou rurales, révoltés mais tellement silencieux que personne ne s'intéresse à eux (sauf, malheureusement, le FN, qui capitalise sur la frustration accumulée).
Particularité française, le système scolaire est si sélectif, la reproduction sociale si forte, que l'on sait en général dès 14 ou 15 ans si un adolescent s'en sortira, ou pas. Un déterminisme terrible, contraire aux promesses mille fois serinées de l'égalité républicaine, rendues vides de sens à force d'être trahies.
Et pour ceux qui ont raté le train, pas moyen de se rattraper aux branches: avec l'Espagne et le Luxembourg, la France est le seul pays de l'OCDE à n'ouvrir les minima sociaux qu'à partir de 25 ans – il y a bien un RSA jeunes, mais il est très restrictif. Notre système de formation continue est si délabré qu'il n'y a pas de deuxième chance. Pas étonnant que certains aient envie de crier. Pour eux, et aussi pour les autres.
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