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LOIS CONTRE LA FRAUDE FISCALE, ENCORE UN EFFORT !

Loi contre la fraude fiscale: de belles avancées, encore du retard...

|  Par Dan Israel

Annoncée dès avril pour en finir avec l'affaire Cahuzac, la loi de lutte contre la fraude fiscale est enfin adoptée par le Parlement. Avec ce texte, Bercy comptabilise une cinquantaine de mesures nouvelles rendant ce combat plus efficace. Mais il reste encore des points noirs.

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C’est un pas en avant, mesuré mais incontestable, qui devrait passer un rien inaperçu en ces temps de reculades politico-fiscales. Juste après la suspension de l’écotaxe et l’abandon de la hausse des prélèvements sociaux sur les PEA et les PEL, le gouvernement pourrait pourtant se féliciter d’avoir mené à terme l’examen par le parlement de son projet de loi sur la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

Annoncé dès le mois d’avril par un François Hollande pris dans la tempête déclenchée par l’affaire Cahuzac, le texte a été adopté dans sa version définitive ce mercredi 30 octobre à l’Assemblée. Il sera voté solennellement le 5 novembre.

Bien sûr, la loi qui va entrer en vigueur dans les prochaines semaines comporte des travers criants, au premier rang desquels le maintien du « verrou de Bercy ». Mediapart a détaillé à plusieurs reprises pourquoi il est anormal qu’en matière de fraude fiscale, ce soit le ministère du budget qui décide de saisir le parquet pour déclencher des poursuites pénales. Notre analyse est ici, et le sujet est largement abordé dans notre récent entretien avec le ministre du budget Bernard Cazeneuve. La position de Bercy a encore été réitérée le 25 octobre par le ministre, lors d’un déplacement dans les locaux de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment, où Mediapart l’a une nouvelle fois interrogé sur ce thème.

Mais il faut aussi reconnaître au gouvernement de réelles avancées. Le texte voté à l’Assemblée vient clore une série de mesures de lutte contre la fraude fiscale, initiée dès l’arrivée au pouvoir de François Hollande. Anecdotiques pour certaines, majeures pour d’autres, voulues par Bercy ou imposées par les parlementaires au cours de l’examen du texte, le ministère du budget en a décompté une cinquantaine.

Dès l’été 2012, dans son premier projet de loi de finance rectificative, le gouvernement a imposé quelques mesures signifiant qu’il entendait faire de la lutte contre la fraude un symbole. Ainsi, les sommes placées à l’étranger sur un compte sont désormais taxées au taux de 60 % (autant que pour les donations classiques entre personnes sans lien de parenté) si le contribuable ne peut ou ne veut pas en justifier la provenance.

Les entreprises ont été aussi immédiatement ciblées, dans une volonté de lutter contre le transfert de bénéfices entre filiales basées dans plusieurs pays, pour éviter de payer l’impôt en France. Il est devenu beaucoup plus difficile pour un grand groupe de réduire son bénéfice taxable dans l’Hexagone par le biais de subventions de filiales à l’étranger, ce qui était une astuce très répandue pour transférer des bénéfices à l’étranger. Et les sociétés disposant de filiales installées dans des paradis fiscaux doivent désormais démontrer au fisc que ces filiales ont une activité économique réelle, faute de quoi leurs bénéfices seront taxés en France.

Autre mesure d’apparence anecdotique, mais symbolique : lors d’un contrôle fiscal, il est devenu obligatoire pour l’entreprise de présenter sa comptabilité sous forme « dématérialisée », c’est-à-dire numérique. « Il arrivait régulièrement qu’une entreprise récalcitrante livre aux contrôleurs des caisses entières de comptabilité papier ! » souligne-t-on au cabinet de Bernard Cazeneuve.

Les députés ont poussé le gouvernement à durcir le texte

Dans la loi votée définitivement mercredi, le gouvernement a encore introduit une circonstance aggravante si la fraude est commise en bande organisée, ou en ayant recours à des comptes ou des sociétés écrans à l’étranger. Pour ces cas de fraude aggravée, il a aussi autorisé les techniques d’enquête dites « spéciales » : infiltration, mise en place d’écoutes, gardes à vue de quatre jours… Enfin, il a autorisé le fisc à exploiter les listes de fraudeurs qui pourraient être transmises par des employés de banques à l’étranger, quelle que soit la manière dont ils se les sont procurées. L’Allemagne n’hésite pas à acheter de telles listes. Et en France en 2009, Hervé Falciani, l’informaticien de HSBC Genève, avait fourni à Bercy la fameuse liste de 3 000 contribuables français disposant de comptes en Suisse (lire l’entretien que Falciani a accordé à Mediapart). Mais la Cour de cassation avait estimé en 2012 que les données, volées, ne pouvaient pas être la base de perquisitions menées par le fisc…

Durant l’examen du texte, le gouvernement a été bousculé par sa base. Plusieurs parlementaires socialistes ont tenté de durcir la lutte contre la fraude. S’ils ont renoncé à faire sauter le verrou de Bercy, ils ont réussi à imposer quelques-unes de leurs préconisations. D’abord autoriser les douanes elles aussi à recourir aux listes achetées à des informateurs, et à utiliser les techniques « spéciales » d’enquête. Les députés ont aussi fait passer l’amende dont est passible le détenteur d’un trust (qui permet de masquer l’identité réelle de son bénéficiaire) non déclaré de 5 à 12,5 % de l’actif rassemblé dans le trust.

Dernier exemple, et non des moindres, il reviendra désormais aux multinationales françaises de justifier elles-mêmes la justesse des prix de transfert qu’elles appliquent entre leurs filiales. Jusqu’à présent, c’est le fisc qui devait argumenter lorsqu’il avait un doute sur leur validité. C’est un point important : les prix de transfert sont un outil classique de l’optimisation fiscale, prisée de Google, Amazon et autres Starbucks. En attribuant des prix fantaisistes aux produits et aux services échangés entre leurs diverses entités, ces multinationales rendent facilement déficitaires (ou peu imposables) les succursales basées dans des pays à fort taux d’imposition, et engrangent les bénéfices réels dans des pays peu regardants en matière fiscale.



03/11/2013
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