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LES SECOUSSES ACTUELLES ET A VENIR

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Hollande, le cap et les plaies

1 mars 2013 à 22:26
François Hollande, le 23 février 2013 au Salon de l'agriculture à Paris
François Hollande, le 23 février 2013 au Salon de l'agriculture à Paris (Photo Thibault Camus. AFP)

Malgré un chômage en hausse, une croissance atone et une difficile réduction des déficits, le Président, au plus bas dans les sondages, ne modifie pas ses orientations.

 

Si François Hollande devait s’exprimer demain à la télévision sur la situation du pays, voilà, selon les dires de ses principaux conseillers, ce qu’il annoncerait : «Il n’y a pas de changement de cap ni de tempo dans la stratégie du gouvernement. Il n’y aura ni accélération ni freinage, mais la même détermination à mener les réformes dont le pays a besoin pour profiter à plein de la croissance quand celle-ci reviendra.» Et tant pis si les Français constatent que la situation n’en finit pas de se dégrader. Ni la date (après la mi-mars), ni le format (probablement sous forme d’interview avec plusieurs journalistes) de cette émission télévisée ne sont pour l’instant arbitrés. Mais le principe est arrêté : le chef de l’Etat va s’adresser aux Français. Il y a urgence.

La parenthèse bénie des mois de janvier et de février est définitivement refermée. Après une embellie largement due à l’entrée en guerre au Mali, la cote de confiance du chef de l’Etat est repartie de plus belle à la baisse : moins 5 points, selon le dernier sondage TNS Sofres pour l e Figaro Magazine, pour atteindre 30%, le score le plus bas jamais enregistré depuis 1981 pour un Président au 10e mois de son mandat (1). La droite s’est soudainement réveillée et tape comme une mule sur la politique du gouvernement. Forcément désastreuse puisque sans résultats. A l’instar de François Fillon : «Les sondages sont juste la traduction du sentiment que les Français ont que le président de la République ne maîtrise absolument plus rien en matière économique.»

«arrêt de la hausse». C’est du velours pour l’opposition. Toute la feuille de route du gouvernement est à réécrire. Deux des trois principaux objectifs de politique économique sont d’ores et déjà caducs : l’exécutif tablait sur une croissance de 0,8% en 2013 (ce sera autour de 0,1%, selon les estimations de la Commission européenne) et sur un déficit budgétaire de 3% (ce sera 3,7%). Et le troisième, l’inversion de la courbe du chômage à la fin de cette année, est tellement hypothétique qu’il en est presque devenu virtuel. La semaine dernière au Salon de l’agriculture, Hollande a donné l’impression de revenir sur cet engagement. Finalement pas du tout. Toute la semaine, le gouvernement s’est employé à corriger le tir pour réaffirmer que non, non, non, «l’inversion de la courbe du chômage n’est pas abandonnée».

Pourquoi maintenir un objectif que la quasi-unanimité des économistes juge intenable ? «Ce sera difficile mais ce n’est pas impossible, estime un conseiller du Président. On n’a jamais parlé de baisse du chômage à la fin de cette année, mais juste de l’arrêt de la hausse…» Ministre du Travail, Michel Sapin poursuit : «Chacun voit que la situation est difficile, douloureuse, et qu’elle continuera à l’être. Mais nous faisons monter en puissance les outils qui permettront de l’inverser d’ici la fin de l’année. La première moitié sera extrêmement délicate, la seconde sera peut-être celle du rebond.» La raison de cette obstination est peut-être (voire surtout) psychologique : continuer à faire briller une petite lumière. «Sinon, ça sert plus à rien de faire de la politique, on plie les gaules et on rentre chez nous», lâche un conseiller ministériel.

«Cap Horn». A l’Elysée comme à Matignon, les métaphores marines ont en ce moment beaucoup de succès. «Il y a un côté un peu cap Horn. On est en plein dedans. En espérant que ça ne va pas durer trop longtemps», espère un conseiller. «Ça va secouer. Mais il faut tenir le cap et tenir bon», ajoute un autre. La chance du gouvernement est que pour l’instant sa majorité tient. Députée socialiste et secrétaire nationale à l’économie, Karine Berger confie : «Oui, il y a des députés déprimés au sein du groupe, mais le débat sur une autre politique n’existe toujours pas.» «Tout le monde est un peu dépassé par l’ampleur de la situation, reconnaît un poids lourd de la majorité. Certes, on peut critiquer le Hollande pronostiqueur mais pas le Hollande stratège.» Pour l’instant, en tout cas, une grande majorité des députés socialistes filent droit. «La cohérence et la constance ont quelque chose à voir avec la confiance et la croissance. Donc, il faut poursuivre notre stratégie», argumente Guillaume Bachelay, numéro 2 du PS. Celle d’un double redressement : des finances publiques et de l’investissement productif. Un dirigeant socialiste pose néanmoins un bémol : «On nous dit qu’on va faire 60 milliards d’économies pendant le quinquennat. Ce serait bien qu’on commence à nous expliquer comment.»

A l’Elysée comme à Matignon, on jure que le calendrier des réformes ne changera pas sous prétexte de la dégradation de la situation. Début avril, le gouvernement recevra le rapport de Bertrand Fragonard sur la politique familiale. Puis ce sera les pistes de réforme des aides aux entreprises. Puis les propositions sur l’avenir des retraites pour un texte de loi prévu à la fin de l’année (lire page 3). Et ensuite la dépendance. L’entourage du Président est convaincu de pouvoir trouver les fameux 10 milliards d’euros d’économies en 2013 sans drames politiques ni secousses sociales. «Attention, alerte Karine Berger, car il y a une fragilité liée au moral du pays. On ne peut pas courir le risque d’une accélération des réformes.»

«Alternative ?» «La seule accélération qu’a demandée le président de la République, répond un conseiller de François Hollande, c’est dans la mise en œuvre des mesures déjà votées.» La gauche se rassure en espérant que la reprise finira bien par arriver. Et peut-être un peu plus tôt que prévu. Mais, à l’Elysée comme dans la majorité, on sait que les élections intermédiaires de 2014 (municipales en mars d’abord puis européennes en juin) seront d’ores et déjà très difficiles. «C’est quoi l’alternative ? s’interroge un proche de Hollande. Ne rien faire ? Ce n’est jamais comme ça qu’on gagne une élection.»



02/03/2013
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