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LES PRINCIPALES DECLARATIONS DE CHRISTIANE TAUBIRA A MEDIAPART

Les principales déclarations de Christiane Taubira à Mediapart

|  Par La rédaction de Mediapart

La ministre de la justice était mercredi 18 décembre l'invitée de notre émission mensuelle «En direct de Mediapart». Retrouvez ici la retranscription de ses principales déclarations.

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La ministre de la justice était mercredi 18 décembre l'invitée de notre émission mensuelle «En direct de Mediapart». Retrouvez ici la retranscription de ses principales déclarations. Les vidéos peuvent être regardées ici.

1. Première partie. Politique : la gauche au pouvoir et le désenchantement

Mariage pour tous :

« Le sujet qui me préoccupe encore, c’est pourquoi nous n’avons pas été capables de reprendre l’espace public. Pendant des mois, la pensée la plus conservatrice, la plus réactionnaire, s’est emparée de l’espace public (…). Nous avons été apparemment assez tétanisés. Nous avons neutralisé notre inventivité, notre combativité aussi. »

Déception de l’électorat de gauche :

« Il y a probablement un faisceau d’explications. Il y a le fait que cela faisait dix ans que la gauche n’avait pas accédé aux responsabilités. Quand on est aux responsabilités, c’est un peu compliqué. Parce que les troupes ne savent pas tout de suite comment s’y prendre. »

« De la déception, il y en a incontestablement, je ne sais pas si elle est à la mesure de ce que disent les sondages, mais il y avait des attentes, il y a des engagements qui avaient été pris et qui ne sont pas en cours. »

« Je l’ai déjà avoué publiquement. J’ai dû accepter des compromis. On peut aussi se lever tous les matins et si l'on n’a pas ce qu’on croit devoir faire et que ce n’est pas acté en tant que tel, alors on s’en va. Mais on s’en va une seule fois ! Je n’ai pas eu à renier des choses essentielles. J’ai eu à m’accommoder soit d’étalements soit de compromis. Je fais ma part, comme le colibri. Cela se passe en Amazonie, il y a un incendie de forêt. Le colibri décide d’aller chercher de l’eau, il ramène une goutte à chaque fois, mais il est tout petit. D’autres animaux se moquent de lui en disant : “Tu crois éteindre l’incendie avec ça ?” Il répond : “Moi je fais ma part.” »

« Moi je fais ma part, chaque jour, et je crois aux combats collectifs. J’ai essayé plusieurs fois de faire des choses ensemble en dehors de nos actions gouvernementales. J’ai proposé à plusieurs ministres de faire des déplacements communs sur des thématiques que nous avons en charge et que nous finissions la journée par des réunions publiques politiques. Ils m’ont tous dit oui, et avec enthousiasme. On n’a jamais réussi à le monter, à cause d’agendas impossibles. Au bout de trois mois, (…) j’ai décidé de commencer. »

« Pendant des années j’ai milité pour la VIe République. (…) Je pense que fondamentalement, il faut changer l’architecture des institutions et leur fonctionnement. (…) »

« Oui, il y a une défaite de la gauche. Mais le gouvernement n’est pas le seul dépositaire ni du patrimoine de gauche, ni de l’héritage de gauche, ni surtout de la responsabilité de la gauche. Il n’est pas seul à mener les batailles. Il doit mener les siennes, et il doit mener les siennes de façon assez claire pour que son action publique révèle bien ses choix politiques et idéologiques. »

« Les ministres ne sont pas des militants néolibéraux. Ne faisons pas comme si tout avait commencé le 6 mai 2012. Il y a à interroger aussi ce qui est entre les mains du gouvernement, ce qu’il a comme responsabilités, ce qu’il a à réparer. (…) »

« Moi qui aime beaucoup ma liberté, ce serait le plus simple, d’être dans l’exigence absolue et de m’en aller. Je n’ai pas le sentiment d’appartenir à un gouvernement réactionnaire. Je vois comment les ministres se donnent à fond. Ils travaillent à fond. (…) »

« J’ai des insatisfactions profondes. (…) Déjà, une insatisfaction absolue, qui consiste à avoir tellement de choses à faire que le recul qu’on voudrait avoir sur ce qu’on fait, on n’en dispose pas. De temps de temps, vous jetez un regard sur mon agenda, puisque je crois qu’il est public. Je n'ai jamais compris cet exercice mais j'ai interrogé, on m'a dit que tout le monde... Tous les ministres.... Bref. Je travaille jour et nuit pratiquement et malgré cela, je bataille parce que je ne veux pas être submergée par des considérations techniques. (…) Je veux rester en surplomb. Je veux vraiment pouvoir faire des choix politiques. C’est un souci permanent. (…) »

« J’ai cette frustration quotidienne et en même temps l’obsession terrible de ne pas mal faire. Sur le plan politique, oui, j’ai aussi des insatisfactions. Mais j’ai fait une campagne présidentielle en 2002, je n’ai pas été élue. J’aurais été élue, j’aurais fait ma politique. »

Question : feriez-vous partie d'un gouvernement dirigé par Manuel Valls ?

« Quand j’étais enfant à Cayenne, on me disait qu'avec des si, on met Paris dans une bouteille. Tentation de Cayenne ? J’ai la tentation de l’Amazonie. Je ne reste pas au gouvernement contre mon gré, avec une souffrance, parce que ça ne fait pas partie de ma vie. Je ne vais pas rester souffrir dans ce gouvernement. Le jour où je me retrouverai en contradiction frontale avec ce gouvernement. Le jour où j'aurai le sentiment que le gouvernement ressemble à la description que vous en avez faite tout à l'heure, moi j'aurai besoin de beaucoup de temps. J’ai passé ma vie à circuler, à changer, à m’engager sur des choses nouvelles. Avant d’être députée, j’avais décidé de changer de métier tous les quatre ans. J’ai changé de métier tous les quatre ans. »

« Ma maison est à Cayenne, ma campagne est à Cayenne, ma bibliothèque est à Cayenne, ma crique est à Cayenne. Donc si je suis mal dans ce gouvernement… » 

2. Deuxième partie : la réforme de la justice

Loi pénale :

« J’ai choisi de ne pas réformer brutalement, parce que le président de la République ne le souhaite pas, parce que le Premier ministre ne le veut pas, et parce que je ne veux pas qu’on ait le droit de brutaliser les gens. »

« Pour abroger les peines planchers, il faut une loi. J’ai, dès janvier 2012, diffusé une circulaire pénale qui a fait beaucoup de bruit. Et les peines planchers sont abrogées dans le projet de loi sur la prévention de la récidive (que j’ai présenté au Conseil des ministres). »

« Pour ce projet de loi pénale, j’espérais faire plus vite. »

Justice des mineurs :

« J’ai décidé de mettre la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs dans la réforme de l’Ordonnance de 1945, que nous sommes en train de réécrire. »

Protection des sources :

« J’ai d’autres textes en souffrance au Parlement, comme le texte sur la protection des sources des journalistes, que j’ai présenté au mois de mai au Conseil des ministres. »

Indépendance de la justice :

« Dès mon arrivée, j’ai annoncé que je respecterais toujours l’avis du Conseil supérieur de la magistrature sur les nominations des procureurs. Je l’ai fait inscrire dans la réforme constitutionnelle, qui n’a pas été votée. »

« Le garde des Sceaux est responsable de la politique pénale, il faut qu’il puisse donner des orientations au ministère public. Voilà les raisons pour lesquelles il est bon que le garde des Sceaux puisse faire des propositions de candidatures (de procureurs) au Conseil supérieur de la magistrature. »

Le verrou de Bercy :

« C’est l’administration des finances – la commission des infractions fiscales – qui trie les dossiers (de fraude fiscale) et qui transmet une partie de ces dossiers au procureur. Moi aussi, c’est une situation que je trouve insatisfaisante parce que, garde des Sceaux, je considère que toute délinquance doit être poursuivie, la délinquance fiscale aussi. »

Le procureur financier :

« Il faut qu’il y ait une stigmatisation sociale sur des pratiques fiscales qui sont hors la loi. Il se trouve qu’à l‘examen, la performance judiciaire n’est pas spectaculaire. Ce que nous avons fait, ça a été de créer le procureur financier, et de lui permettre de saisir directement l’Office central de lutte contre les atteintes à la probité, que nous créons. (...) Nous n’avons pas fait sauter le verrou de Bercy, mais nous avons changé les choses substantiellement. »

3. Troisième partie : racisme et discrimination

Racisme

« L’agression (raciste) qui m’est adressée me touche infiniment moins que des agressions peut-être moins visibles, moins audibles, peut-être même moins brutales d’apparence, mais plus violentes dans la réalité de leur impact qui s’adressent à des millions de personnes au quotidien dans ce pays. C’est ça le sujet. On ne conteste pas des propos racistes, des actes racistes sans s’interroger sur (…) les mauvaises politiques publiques qui ont abouti à des relégations territoriales, au creusement d’injustices sociales, à une incapacité dans la société à accepter la présence, la réalité de la pluralité de la société (…). Le combat doit être politique. Les partis politiques, les personnalités politiques doivent livrer des batailles politiques et pas des batailles morales (…). »

Manuels Valls, les Roms et la « sûreté »

« Vous ne pouvez pas me dire que parce que (Manuel Valls et moi) étions sur une même estrade (à la Mutualité, le 27 novembre, à Paris) deux ou trois mois après, je légitime des propos. J’ai déjà dit que je ne raisonne pas en pensant que, quelle que soit la population, on puisse porter un jugement général sur une population notamment en termes de capacité à faire partie de la société française (…). Manuel Valls, pardon de le dire, c’est aussi facile de taper sur Manuel Valls. On peut avoir des désaccords. On peut le critiquer (…). Cela fait des années que la gauche s’est laissé intimider sur la question de la sécurité. Elle n’a pas su conceptualiser son action politique. Elle ne sait pas raisonner en termes de sûreté, c’est-à-dire être capable de dire aux Français : “On assure votre sécurité, mais on n’assure pas votre sécurité en courant après les délinquants et après les criminels, on assure votre sécurité parce qu’on assure la sûreté dans la société : sécurité pour l’éducation, sécurité pour accéder à l’emploi, sécurité pour avoir des logements, sécurité pour avoir de la mobilité sur le territoire et ne pas être enclavé dans sa banlieue.” »

Roms

« Il y a des maires courageux, il y a des maires qui ont mis en place des choses tout à fait originales qui fonctionnent et moi je pense que c’est ça qu’on doit faire, c’est-à-dire regarder là où les maires ont eu le courage de prendre des décisions, de traiter ces personnes comme des êtres humains et de s’en expliquer auprès des habitants de leurs communes. »

Lutte contre les discriminations

« Il y a des apparences et ces apparences servent de prétexte pour l’exclusion et le rejet. Il faut lutter contre tout cela. Mais je ne suis pas persuadée que nous ayons besoin d’un texte de loi. Par contre, des politiques publiques, incontestablement (…). Les discriminations sont une entorse au pacte républicain et au contrat social, c’est une infraction qui doit être condamnée en tant que telle. »

Droit de vote des étrangers

« J’ai appris à mes dépens que l’histoire de la majorité constitutionnelle n’est pas un faux argument. Je pense que le droit de vote des étrangers est une attente légitime. C’est un droit qui doit être reconnu. La gauche ne livre pas ses batailles, j’en conviens et j’en suis malheureuse. J’assume de livrer des batailles sémantiques, culturelles. Mais je vois que c’est dur de les gagner. Si nous avions une dynamique collective, ce serait beaucoup mieux et nous aurions des sondages (sur le droit de vote des étrangers) dans un autre état. Les batailles qu’on est sûr de perdre sont celles qu’on ne livre pas. Il y a une opinion publique, cette opinion publique se travaille, il faut lui donner de la matière. »

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19/12/2013
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