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LES LIGNES INCOMPATIBLES DE L'UMP

Politiques

L'UMP se cherche des valeurs et un leader

27 juin 2012 à 15:29
Jean-François Copé et François Fillon en septembre 2010.
Jean-François Copé et François Fillon en septembre 2010. (Photo Regis Duvignau. Reuters)

analyse Pour la première fois dans l'opposition et sans leader naturel, le principal parti de droite ouvre une séquence censée clarifier sa ligne politique après Nicolas Sarkozy. Avec en toile de fond le duel Jean-François Copé et François Fillon.

Par JONATHAN BOUCHET-PETERSEN

De droite, mais quelle droite? Au sortir de dix ans de sarkozysme, idéologie composite et opportuniste par nature, l’UMP se met en branle pour tenter de clarifier sa ligne politique et ses valeurs. Alors que Nicolas Sarkozy a gagné le pouvoir en se posant en héritier de toutes les droites, et prétendant les incarner toutes à la fois, le capitaine a quitté le navire politique en laissant derrière lui un camp idéologiquement à la dérive. Né il y a dix ans de la fusion électoraliste du RPR et de l’UDF, le paquebot UMP se retrouve bien en peine de savoir vers où voguer pour espérer toucher victorieusement quai aux prochaines élections municipales et européennes de 2014.

Après le chiraquisme, cet immobilisme teinté d'humanisme, le sarkozysme en conquête, et a fortiori au pouvoir, a brouillé les lignes au gré de l’actualité. Prenant à contre-pied ses adversaires, donnant le tournis à sa famille politique, électrisant en 2007 puis braquant en 2012 les électeurs français. Bref, un tourbillon parfois conquérant mais dévastateur pour son propre camp, qui sort comme asphyxié et sans leader naturel d’une série noire électorale historique pour la droite française. Une séquence qui aura vu le candidat de l’UMP gagner en 2007 et perdre, depuis, tous les rendez-vous électoraux, présidentielle comprise.

Lignes politiques incompatibles

Sur quelles bases repartir au combat? Sur la pente droitière qui fut celle de la campagne de Nicolas Sarkozy et que Jean-François Copé entend prolonger? Ou sur un créneau plus social-humaniste qu'est censé incarner François Fillon, unique Premier ministre du dernier quinquennat (voir Jean-Pierre Raffarin, même s'il soutient l’actuel patron de l’UMP)? Ces deux lignes politiques, peu compatibles sur le fond, ont de plus en plus de mal à cohabiter sous la même bannière alors que c'était précisément la vocation originelle de l'UMP. Depuis 2002, ce mariage de raison a tenu grâce au légitimisme de la droite au pouvoir, Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy se succédant à l'Elysée.

C'est ainsi que d'anciens UDF, européistes jusqu'au bout des ongles, se sont retrouvés avec la même étiquette politique que des députés Droite populaire, dont l'horizon est la nation et qui privilégient le mot «patriote» à celui de citoyen. De même, les héritiers des digues anti-FN érigées par Jacques Chirac et Alain Juppé ont soutenu le «ni FN, ni front républicain», ligne officielle de l'UMP lors de l'entre-deux tours des dernières législatives, et ont enduré les très insistants appels du pieds de Nadine Morano ou Jean-Paul Garraud aux électeurs frontistes. La première a été rappelée à l'ordre par Fillon, l'autre par Juppé. Mais la semaine dernière, lors du bureau politique de l'UMP, les accusés ont pris à parti les deux anciens Premiers ministres, avec une violence déplorée par de nombreux participants.

L'UMP sans leader naturel

Sarkozy out, l'UMP est confrontée à une situation inédite pour elle: être dans l'opposition et sans chef incontesté. Lancés dans un duel à distance à ce jour sans dommages réels, ni Jean-François Copé, ni François Fillon, deux anciens du RPR, n'a pris un leadership décisif pour la présidentielle de 2017. Si le premier peut compter sur un parti qu'il a mis à sa main depuis 2010 (le groupe parlementaire vient de réélire au premier tour son poulain Christian Jacob), mais pâtit d'une mauvaise image auprès des Français, Fillon bénéficie à l'inverse d’une bonne cote dans l’opinion mais manque de relais puissants au sein de l'UMP. Seuls Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez et Roselyne Bachelot le soutiennent ouvertement. Un déficit que l'ancien locataire de Matignon espère compenser par le statut d’homme d’Etat que lui aurait conféré ses cinq ans à la tête du gouvernement.

Le congrès de l'UMP, en novembre, permettra aux militants de désigner leur président. Un poste prévu par les statuts, mais gelé depuis l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007. Et si Copé et Fillon ne sont pas officiellement candidats, leur affrontement semble acquis pour les principaux responsables du parti. Un duel qu'Alain Juppé, président de l'UMP entre 2002 et 2004, se laisse toutefois la possibilité d’arbitrer du haut de ses 67 ans. Et que pourrait venir troubler certains jeunes poids lourds prêts à entrer dans la danse. Bruno Le Maire, François Baroin et Nathalie Kosciusko-Morizet, tous anciens ministres, ont chacun évoqué la possibilité de faire acte de candidature si leurs "idées" et leurs "valeurs" ne sont pas reprises par un candidat mieux à même de les porter. Une façon, aussi, de peser sur les débats programmatiques à venir.

Copé en «chef de famille»

Pour tenter de conserver un leadership qui ne fait pas l'unanimité, Copé a en effet mis en place hier un large groupe de travail pour refonder la charte l’UMP, qui remonte à sa création en 2002. D'Henri Guaino, l'ancienne plume de Nicolas Sarkozy et néo-député des Yvelines, à Thierry Mariani, leader de la Droite populaire, de Xavier Bertrand à Christian Estrosi, une centaine de personnalités de l'UMP étaient présentes. Elles se réuniront toutes les semaines pendant un mois. François Fillon et son amie Roselyne Bachelot ont, eux, brillé par leur absence. Et Copé s'est une nouvelle fois posé en «chef de famille», permettant à chacun de s’exprimer et proposant de tenir la plume de la copie commune. Celui qui a promis que les courants auront droit de cité à l’UMP espère ainsi canaliser la nécessaire réflexion collective, sans en faire un inventaire du sarkozysme. Et limiter la cacophonie des prises de position personnelles. D’ici fin juillet, un «texte fondateur» verra le jour. Pas sûr qu'il mette tout le monde d'accord.

Et si l'élection du prochain président de l'UMP se jouera au sein du parti, la primaire pour la présidentielle de 2017 pourrait bien être ouverte comme celle des socialistes en 2011. De quoi ouvrir le jeu.



27/06/2012
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