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LES JEUX OLYMPIQUES DU LIVRE SUITE MEDIAPART


Tranchée d'Arenberg et Tourmalet

© CM

Le cyclisme s'épanouit dans le récit. Philippe Delerm le montre dans une nouvelle nostalgique (Une ligne sur une ardoise), de son recueil Voluptés sportives, regrettant cette époque où le Tour de France se vivait dans les discussions passionnées entre « voisins inconnus » et le rêve suscité par les articles : « Bien sûr, le sport n'est pas qu'un résultat. Pour nous, il est devenu spectacle, sur les lieux mêmes des compétitions, ou plus souvent devant l'écran de la télévision. Mais une ligne dans un journal donne parfois autant de plaisir, en réveillant le pouvoir d'imaginer qu'on croyait abandonné avec l'enfance. » Alors, raconter La Tranchée d'Arenberg – « la trouée d'Arenberg », dit Paul Fournel dans Anquetil tout seul –, le « cyclisme à l'épique, une histoire de guerriers qui rêvent d'entrer dans l'histoire », « un Nord indécis, aux marches de l'enfer ». Là « les commentateurs n'ont pas besoin d'en rajouter : “Dans dix kilomètres, nous serons dans la tranchée d'Arenberg !” » Le nom même est « un vaccin pour l'épopée ».

C'est aussi le sujet de Tourmalet (2010) de Bayon : une épopée, mais intime, le corps d'un cycliste après la chute, une tempête sous un crâne, un huis-clos. L'accident, Bayon l'évoquait dix ans plus tôt dans La Route des Gardes, la Norton Dominator 99 est devenue cycle, mais toujours il s'agit de « fragments d'une descente pure à la mort ». Rechute, donc, à vélo dans un cadre « un peu sublime », cirque de montagnes, parapet, « vertige ouvrant en contrebas sur la cuvette d'Artigues » : « sorti du dernier (lacet), dit “virage de Caderolles”, le vide a dû avaler la scène. La route fluide, l'air froid, le muret de pierre, les roues légères du vélo vert qui m'emmène à travers les couches d'atmosphère dans la descente du col du Tourmalet. Au nom vaguement menaçant si l'on veut ». « On ramasse un corps de cycliste claquant des dents », on conduit en réa' « une bouillie de chair et de sang ». Durant sa convalescence, lente, difficile, douloureuse, le narrateur tente de (se) reconstruire et son récit épouse son moi « fragmenté », additionnant souvenirs de la « fuite lisse », témoignages et lettres faisant du roman une traversée de la mort à la vie, un cycle intime



02/08/2012
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