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LES BANQUIERS A L'AMENDE, les évasions fiscales sous surveillance

 INFO LIBE: Les banquiers font moins les malins

18 juillet 2012 à

Certains de leur impunité, ils ont poursuivi leurs pratiques malgré les promesses de moralisation nées de la crise. Mais, scandale après scandale, leur arrogance est rattrapée par des procédures judiciaires ou politiques.

Par RENAUD LECADRE

Les «banksters» n’ont plus la cote et les caves se rebiffent. L’été dernier, Bob Diamond, directeur général de la Barclays, campait l’arrogance : «Le temps des remords pour les banquiers est terminé.» Un an plus tard, Diamond est devenu un paria pour sa responsabilité dans l’énorme scandale du Libor, qui a vu Barclays manipuler sans vergogne ce taux de référence de la City pour se remplir les poches : «Ceux qui faussent le marché financier doivent aller en prison», l’a crucifié, sans le nommer, le très conservateur secrétaire britannique au Trésor, Mark Hoban.

Signe des temps, depuis quelques semaines, les pouvoirs publics - à Londres, New York, Paris ou Francfort - multiplient des procédures - judiciaires ou disciplinaires - contre les cadors de la finance mondiale. Avec en point d’orgue l’audition, hier devant le Sénat américain, de l’état-major d’HSBC, la plus grande banque au monde (85 millions de clients, récurrente rentabilité à deux chiffres). Ce n’est pourtant pas encore la fin de l’impunité bancaire, seulement de son arrogance. Secoués comme des pruniers sur tous les sujets qui fâchent (manipulation, blanchiment, fraude fiscale…), les banquiers de Londres ou New York passent à confesse pour mieux négocier à l’amiable une réduction de peine - des amendes de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Ils savent faire, mais seront-ils pour autant pardonnés ?

Les manipulations boursières

L’affaire du Libor n’a pas fini de faire des vagues. Comme son sigle l’indique (London interbank offering rate), c’est le taux d’intérêt auquel les banques acceptent de se prêter de l’argent entre elles. Il existe aussi un Tibor (avec un T comme Tokyo) ou un Euribor (pour la zone euro). Mais comme la City de Londres rafle la mise sur les marchés financiers, le Libor fait référence. Ce n’est pas un taux de marché, fixé par l’offre et la demande : il est négocié au jour le jour et à la bonne franquette entre les principales banques mondiales (une quinzaine). Elles peuvent le manipuler consensuellement à la hausse comme à la baisse, selon leurs intérêts du moment. Tant que cela relève d’une salade interne aux banques, pas de soucis. Le problème, c’est que le Libor sert de référence pour la plupart des mouvements financiers à court ou moyen terme, portant sur… 350 000 milliards de dollars. «Le scandale du Libor sape la confiance des marchés en ces indices de référence», euphémise le FMI.

La Barclays est passée à la casserole en premier, acceptant fin juin de verser 450 millions de dollars (367 millions d’euros) contre l’extinction des poursuites à Londres et New York. Une forme de plaider-coupable qui lui a permis d’obtenir une ristourne de 30 %, nonobstant cette admonestation du gendarme boursier de la City (FSA), pointant la «culture du jeu» instillée par le «sommet» de Barclays. Ses homologues ne perdent rien pour attendre : selon une étude de Morgan Stanley, l’ardoise cumulée pourrait atteindre 14 milliards de dollars pour l’ensemble des banques concernées. Il ne leur reste plus qu’à aller à Canossa pour réduire la douloureuse. Seul bémol : les autorités financières étaient au courant de la manipulation du Libor depuis 2007…

Le blanchiment d’argent

Le patron de la Hongkong & Shanghai Banking Corporation (HSBC, dont le siège est désormais à Londres depuis la rétrocession à la Chine) n’arrête plus de se confondre en excuses : «Nous n’avons pas su gérer et détecter des comportements inacceptables, nos systèmes de contrôle auraient dû être plus efficaces.» Stuart Gulliver en est réduit à cela pour négocier au mieux une amende potentielle d’un milliard de dollars. Hier, son état-major s’est retrouvé sur le gril d’une commission d’enquête du Sénat américain sur le blanchiment.

Elle aurait pu viser les banques en général, elle a préféré cibler son propos sur la première d’entre elles, pour l’exemple. Avec quelques biscuits, après un an d’enquête : en 2008, HSBC aurait favorisé le recyclage de 7 milliards de dollars issus du cartel mexicain de la drogue, les narcotrafiquants venant au secours du système financier alors en pleine crise de liquidités ! Il est aussi question d’un cadre qui avait alerté sa direction sur quelques transactions douteuses concernant le Hamas ou le Hezbollah. Son supérieur, théoriquement en charge de la lutte antiblanchiment, lui a répondu sur ce ton : «Tu as perdu la boule ? Je devrais te virer sur le champ !» Plutôt crever que de perdre un client et les commissions qui vont avec.

Le sénateur démocrate en charge de l’enquête, Carl Lewin, a campé le décor : «A l’ère du terrorisme, de la drogue et du crime organisé, faire cesser les flux d’argent qui soutiennent ces horreurs est une priorité.» Puis pointé les «graves carences» du contrôle antiblanchiment d’HSBC. Comme ses homologues, elle se contente de communiquer sur ses - supposées rigoureuses - procédures internes, pour mieux - en coulisses - laisser transiter l’argent.

En marge de l’audition devant le Sénat, HSBC n’a pu que réitérer ses «excuses» et promettre de «corriger» ses erreurs. Acceptons-en l’augure, nonobstant cet autre bémol : dès 2008, la Banque centrale américaine lui ordonnait déjà de mieux contrôler les transactions suspectes. Sans grand résultat.

La fraude fiscale

Roulements de tambour. Début juillet, la justice française a perquisitionné plusieurs succursales de l’Union des banques suisses (Bordeaux, Strasbourg et Lyon), mise en cause pour «démarchage illicite en bande organisée». Haro sur l’industrie de l’évasion fiscale ? Depuis 2004, l’UBS dépêche des commerciaux helvètes en vue de draguer le contribuable français : un gagnant de l’euromillion, des footballeurs… Ils sillonnent les compétitions de golf, organisent eux-mêmes quelques événements pour happy few dans des lieux prestigieux. Un ancien choriste de Barbara Hendricks est même chargé de draguer le milieu lyrique. Tout cela a été raconté dès 2008 dans Charlie Hebdo. A cette époque, des cadres français de l’UBS dénoncent une double comptabilité : il s’agit de dissimuler le rôle des missi dominici suisses, qui n’ont pas le droit de draguer le territoire français. Ils sont virés illico pour crime de lèse-rentabilité, mais saisissent les prud’hommes. Un récent jugement révélé par Rue 89 met les pieds dans le plat : critiquant un licenciement, il pointe les «pratiques peu transparentes de l’UBS», ses méthodes pour «orienter certains résidents français fortunés vers des placements en Suisse». La justice pénale s’est finalement mise en branle, mais il aura fallu l’intervention des prud’hommes pour lancer ce scandale bancaire.

La bataille des exilés

Le secret bancaire cher aux exilés fiscaux a la vie dure. Mais, en Allemagne, la bataille des cédéroms suit son cours. Après l’achat par le fisc allemand d’un fichier de riches clients auprès d’un employé d’une banque du Liechtenstein, le gouvernement avait signé un armistice avec la Suisse : contre la promesse de ne plus acheter des listings auprès d’employés bancaires indélicats, Berlin obtenait que Genève prélève et lui rétrocède une taxe sur les exilés fiscaux, pour solde de tout compte. L’arrangement doit entrer en vigueur en janvier 2013, mais l’opposition, vent debout contre ce type d’accord qu’elle estime trop favorable à l’évasion fiscale, a trouvé la parade : une procédure contre le Crédit suisse récemment initiée par l’administration fiscale du land de Rhénanie-Westphalie, tenu par le SPD. Angela Merkel vient de réitérer son option, moins guerrière, d’une «procédure standardisée», tandis que la France, après quelques effets de manche sur les exilés fiscaux, en est encore à discuter d’un calendrier sur la réforme des banques…



18/07/2012
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