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LES BALKANIS EN BAIN TROUBLE pour blanchiment de fraude fiscale

Le labyrinthe offshore de la villa Balkany à Marrakech (médiapart)

|  Par Fabrice Arfi et Mathilde Mathieu

Le parquet de Paris a ouvert, vendredi 6 décembre, une information judiciaire pour « blanchiment de fraude fiscale » visant les Balkany. Au cœur du dossier : une villa de Marrakech, baptisée « Dar Gyucy ». Officiellement, Patrick et Isabelle n'en sont pas propriétaires. Mediapart publie des documents inédits sur la société panaméenne et les femmes de paille au centre des montages suspects.

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Les choses se compliquent pour les Balkany. D'après nos informations, le parquet de Paris a ouvert, vendredi 6 décembre, une information judiciaire pour « blanchiment de fraude fiscale » visant le député et maire de Levallois-Perret (UMP), Patrick Balkany, ainsi que sa femme Isabelle. L'enquête a été confiée aux juges anti-corruption Renaud Van Ruymbeke et Patricia Simon. Les deux élus des Hauts-de-Seine sont suspectés d’avoir dissimulé une pléiade d’avoirs « offshore » au fisc français, en particulier des biens immobiliers (voir notre article du 25 octobre).

Patrick Balkany, député et maire UMP de Levallois-Perret, et Isabelle Balkany, sa première adjointePatrick Balkany, député et maire UMP de Levallois-Perret, et Isabelle Balkany, sa première adjointe © Reuters

Au cœur des investigations, menées par l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) : une mystérieuse villa à Marrakech évaluée à plusieurs millions d'euros, plantée au cœur de la médina et de la palmeraie, dont les Balkany ont fait leur repaire depuis 2009, et où défilent leurs amis. Officiellement, Patrick et Isabelle n’en sont pas propriétaires, pas plus que de la villa Pamplemousse qu’ils fréquentent aux Antilles depuis deux décennies.

Les enquêteurs, confrontés à l'opacité du montage financier, auront sans doute besoin de temps pour démasquer le propriétaire qui se cache derrière une société panaméenne (comme Le Canard enchaîné a commencé à le raconter). En attendant, Mediapart publie une dizaine de documents inédits qui, s’ils n’impliquent pas directement Patrick Balkany, révèlent l'identité des hommes de paille (ou plutôt des femmes de paille) qui ont servi de “paravents” lors de l'acquisition de la résidence.

À l’origine, la Société civile immobilière « Dar Gyucy SCI » a été déclarée au registre du commerce marocain par Geneviève Euloge (société Invest Europe Maghreb), qui s’est chargée des formalités. Mais « Madame Geneviève », comme on la surnomme à Marrakech, n’est que la plus visible des poupées gigognes.

Car d’après les documents en possession de Mediapart, elle représente en fait une Espagnole résidant à Genève, Natalia Brestilleiro Rodriguez. C'est elle qui a signé l’acte de naissance de la SCI le 20 juillet 2009. Non pas en son nom propre, mais pour deux actionnaires qui lui avaient délégué leurs pleins pouvoirs : une certaine Diana Brush, Anglaise résidant à Genève, désignée administratrice (1 % des parts), et une société immatriculée au Panama, Hayridge Investments group corp (99 %). Seuls 10 000 dirhams étaient alors inscrits au capital (environ 900 euros), déposés sur un compte ouvert à l’Arab bank de Marrakech.

D’autres pièces viennent éclairer le profil de l'entreprise Hayridge, parfaite société écran. Immatriculée en 2007 au Panama, elle est en fait présidée par Marc Angst, le président de Gestrust SA, basée à Genève. Cette entreprise suisse se présente comme une spécialiste de la constitution de trusts et de l’exécution de mandats en matière fiscale.

Contacté par téléphone, Marc Angst a refusé de répondre à nos questions, balayant simplement : « Je ne connais pas Patrick Balkany. » Pour le compte de qui la société Hayridge a-t-elle agi ? « Je ne peux pas vous répondre. » Quant à Diana Brush, que l’on retrouve dans l’organigramme de Gestrust au poste de directrice, elle n’a retourné aucun de nos appels.

À « Dar Gyucy », Patrick et Isabelle Balkany se sentent en tout cas comme chez eux, d'après plusieurs témoignages de visiteurs. Le nom de la villa, à lui seul, pourrait d’ailleurs être un indice. Si « Dar » signifie juste « maison » en arabe, « Gyucy » résonne comme une superposition des prénoms Gyula et Lucie, les deux petits-enfants de Patrick Balkany.

Une autre coïncidence – de taille – interpelle : mille kilos de meubles ont été acheminés au riad en mars dernier, préalablement commandés chez Bertrand Prestige, boutique appartenant à des membres de la famille d’Isabelle Balkany.

Ci-dessous, la facture des frais de transport du port de Casablanca (où les meubles sont arrivés à bord du navire Martin I Soler) vers Marrakech :

© DR

Malgré ces documents clés, les enquêteurs ne sont pourtant pas arrivés au bout de leurs peines. Pour complexifier encore un peu l’affaire, il semblerait que Dar Gyucy soit régulièrement mise en location.

Julien Balkany, le demi-frère de Patrick qui a fait fortune aux États-Unis (comme gérant d’un fonds spéculatif investissant dans la prospection pétrolière et gazière), explique ainsi à Mediapart avoir loué la villa à « deux reprises » en 2013, « deux fois deux semaines », pour la mettre à disposition de sa famille, dont « Isabelle et Patrick Balkany » eux-mêmes. Connaît-il le propriétaire ? « Non. » Sait-il que les Balkany fréquentent assidûment Dar Gyucy ? « Je sais qu’ils apprécient Marrakech, je pense qu’ils connaissent les lieux... »

Pour le contrat de location, Julien Balkany croit se souvenir qu’il est passé par « une certaine Geneviève », sans doute Geneviève Euloge. Contactée par téléphone, celle-ci a balayé toutes nos questions : « Je n'ai pas à vous répondre. »

Quant aux principaux intéressés, le maire de Levallois-Perret et sa première adjointe, ils ont vertement réagi à nos sollicitations. « M. et Mme Balkany me transmettent le nouveau mail inquisiteur que vous leur avez adressé, nous signifie leur avocat, Me Grégoire Lafarge. Ils n’ont aucune réponse ou commentaire à faire à vos demandes incessantes, sauf à dire que ces procédés confinent au harcèlement, constituent une immixtion permanente dans leur vie privée et sont très éloignés de la déontologie et des usages journalistiques. Ils se réservent le droit de toute poursuite consécutive à de tels procédés et aux publications qui en résulteraient. »

Ils n’auraient pas apprécié, en particulier, que Mediapart rende visite à la boutique Bertrand Prestige, près de l'Arc de triomphe à Paris, pour questionner les employées sur le client “mystère” qui a commandé la tonne de meubles expédiés à Marrakech.



11/12/2013
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