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LES 7 CLEFS DU SECOND TOUR avec Libération

Les sept clés du second tour

Des supporters du Front de Gauche, le 22 avril 2012.
Des supporters du Front de Gauche, le 22 avril 2012. (Photo Jean-Michel Sicot pour Libération)
Par JONATHAN BOUCHET-PETERSEN

En tête du premier tour avant d'affronter le président sortant en finale, y a-t-il un précédent historique à la situation de François Hollande?

Non. Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, le président sortant n’est pas sorti en tête du premier tour de la présidentielle. Giscard en 1981, Mitterrand en 1988 et Chirac en 2002, au sortir d’une cohabitation pour les deux derniers cas, avaient tous remporté la première manche. François Hollande a donc marqué des points précieux, d'autant que même si l'écart avec le candidat de l’UMP n’est pas déterminant, le total des voix de gauche (environ 43%) le place en situation beaucoup plus confortable que Ségolène Royal en 2007. Mais parce qu’une élection à deux tours se juge au soir du deuxième, François Hollande n’a bien sûr pas encore course gagnée. Reste qu'aucun sondage jusqu'à présent n’a donné Nicolas Sarkozy réélu.

Nicolas Sarkozy peut-il encore remporter la présidentielle?

Dans le camp du président sortant, on n’a pas d’autre choix que d’y croire encore. Encore et toujours, au moins jusqu’au 6 mai à 20 heures. Mais sur le papier, Nicolas Sarkozy est en fâcheuse posture. Il a son virage en tête au premier tour, malgré une campagne très à droite, et il voit même Marine Le Pen faire le plein en pariant déjà sur sa cuisante défaite le 6 mai. Dans ce contexte, même s’ils affirment que «les compteurs sont remis à zéro» et qu'une nouvelle campagne s'ouvre après un premier tour inéquitable, où les neuf candidats auraient conjointement ciblé Nicolas Sarkozy, celui-ci se retrouve face une équation complexe.

Comment amplifier les appels du pied aux électeurs FN tout en tentant de fédérer ceux qui ont choisi François Bayrou au premier tour? C’est dans ce dilemme que Nicolas Sarkozy va devoir naviguer jusqu’au débat d’entre-deux-tours, où il espère que sa supériorité sur le candidat socialiste crèvera (enfin) l'écran. Jouant la carte de «l’union nationale» contre «l’union de la gauche», le président-sortant risque de ne pas avoir toutes ses troupes derrière lui. Ce matin, l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a ainsi appelé à la prudence et estimé que poursuivre la droitisation serait une erreur fatale. Il faut, selon lui, séduire en priorité le centriste François Bayou, le seul à porter les valeurs de l’humanisme. «On ne gagne pas sans François Bayrou», a mis en garde Raffarin. Mais François Bayrou a fait la moitié du score du FN...

Le score du FN est-il une nouvelle fois la surprise de l'élection?

Avec près de 18% des voix au premier tour, Marine Le Pen atteint un score historique pour un candidat du FN.

 

Elle supplante le résultat de son père en 2007 et surtout en 2002 (16,86%), et ce avec une participation massive. Les sondeurs ont-ils vu venir «la menace» comme le titrait Libération jeudi dernier? Oui, mais pas complètement, comme souvent. Après un tassement autour de 13%-14% au moment de l’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy et lorsque Jean-Luc Mélenchon a atteint ses sommets dans les enquêtes d’opinion, force est de constater que la leader frontiste a régulièrement été pointée aux alentours de 17%. Selon Edouard Lecerf de TNS Sofres, qui a souligné tout au long de la campagne le probable fort score de Marine Le Pen, «il est toujours tentant au lendemain du scrutin de dire que les sondages se sont plantés». Et de nombreux sondeurs de souligner la difficulté qu’ils ont eue à analyser les scores bruts de la leader frontiste. Fallait-il procéder comme avec son père? Comment faire pour avoir des repères fiables alors qu’elle est candidate pour la première fois à l'élection présidentielle? Autant de questions ouvertes avec lesquelles les instituts ont du composer pour construire le probable score FN.

A lire aussi  L'interview d'Edouard Lecerf, de TNS Sofres: «On n’a pas à rougir...»

Comment les électeurs frontistes vont-ils se reporter?

C’est chez l'électorat frontiste que se situe la clé du scrutin pour Nicolas Sarkozy. Pour s’en convaincre, il n’y avait qu'à entendre le secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé, ou le maire de Nice, Christian Estrosi, ajouter dès hier soir le score du FN à celui de l’UMP pour mesurer le bloc de droite. Et tenter de se rassurer. Mais reste à savoir dans quelle mesure les électeurs de Le Pen vont se reporter sur Nicolas Sarkozy, alors que la leader frontiste a tout intérêt à ce que le président-sortant soit battu le plus sèchement possible pour espérer incarner une alternative à droite. Sur les cendres d’une UMP que Marine Le Pen espère bien faire exploser lors de la prochaine séquence législative. Directeur stratégique de la campagne du FN, Florian Philippot a ainsi estimé ce matin sur Europe 1 que la défaite de Nicolas Sarkozy signerait la fin d’une UMP, une formation réduite selon lui à «un champs de ruine» et en proie à une guerre de succession entre Jean-François Copé, François Fillon et probablement Alain Juppé.

Selon Ipsos, les électeurs de Marine Le Pen voteraient à 60 % pour Nicolas Sarkozy, 18 % pour François Hollande et 22 % s’abstiendraient. Soient des proportions similaires aux reports de voix constatés en 2007. Mais, comme le note Ipsos, ce taux de report des électeurs lepénistes vers Sarkozy a bondi à l’approche du premier tour: selon un sondage du même institut effectué mi-avril, seuls 45 % des électeurs FN disaient alors vouloir voter Sarkozy au second et 43 % prévoyaient de s’abstenir. Selon les chiffres plus récentes de CSA, 52% des électeurs frontistes feraient le choix de Sarkozy, 27% celui de Hollande et 21% s’abstiendraient. TNS Sofres a pour sa part mesuré que 40% voteraient Sarkozy, 27% Hollande quand 33 s’abstiendraient.

 A lire aussi  Le reportage L’UMP s’apprête à tendre la main aux électeurs du FN

Le score de Jean-Luc Mélenchon est-il une bonne ou une mauvaise nouvelle pour François Hollande?

Arithmétiquement, un score plus élevé de Jean-Luc Mélenchon aurait bien sûr constitué une meilleure réserve de voix pour Hollande en vue du deuxième tour. Mais avec un peu plus de 11% des voix, le tribun du Front de gauche sera, politiquement, un allié forcément moins encombrant que ce qu’il aurait été fort des 17% qu’un sondage lui prêtait encore récemment. Bien décidé à incarner l’alternative de gauche à la politique que mènera François Hollande s’il est élu, le Front de gauche a tout intérêt à ce que le PS exerce le pouvoir pour contester son hégémonie. D’ici le 6 mai, pas de doute, Mélenchon et les siens feront le job, mais pour bouter Nicolas Sarkozy et sa dérive droitière hors de l’Elysée bien plus que pour soutenir la politique de François Hollande prévoit d’appliquer.

Supporters de Jean-Luc Mélenchon Place Stalingrad à Paris le 22 avril 2012.Supporters de Jean-Luc Mélenchon, place Stalingrad à Paris, le 22 avril 2012.

Que feront les électeurs du Front de gauche au deuxième tour?

Le leader du Front de gauche n’a pas fait durer une ambiguité qui n’existait pas vraiment. Dès sa prise de parole place Stalingrad dimanche soir, devant un millier de partisans un peu sonnés, il a enjoint les électeurs qui l’ont choisi au premier tour à «se rassembler le 6 mai sans rien demander en échange pour battre Sarkozy». Autrement dit sans envisager que des leaders du Front de gauche entrent au gouvernement. «Je vous demande de ne pas traîner les pieds, a-t-il ajouté. Je vous demande de mobiliser comme s’il s’agissait de me faire gagner moi-même l'élection présidentielle». Le message est clair même si le nom de François Hollande n’a pas été prononcé par celui qui s’espérait troisième homme du scrutin et qui a fini en quatrième position, loin de Marine Le Pen.

Les études portant sur le vote probable des électeurs Mélenchon au deuxième tour vont dans ce même sens d’un report massif sur François Hollande: la proportion mesurée est de 86% selon Ipsos, de 91% selon CSA et de 82% selon TNS Sofres. A l’inverse, entre 1% (Ipsos) et 6% (TNS Sofres) des électeurs Front de gauche expriment leur intention de voter pour Nicolas Sarkozy face au candidat socialiste. Ce lundi matin sur France Inter, la porte-parole du Front de gauche, Clémentine Autain, a à son tour affirmé que les militants de sa formation sont prêts à s’impliquer «de tout (leur) corps et de toute (leur) raison».

A écouter : Clémentine Autain sur France Inter, le 23 avril
Clémentine Autain sur Franceinter

Que feront les électeurs de François Bayrou au deuxième tour?

Dix points de chute en cinq ans, c’est ce qu’on appelle une dégringolade. Souvent inaudible durant la campagne, François Bayrou a raté son pari d’imposer sa force centrale et se retrouve au soir du premier tour dans une position marginale. Pour le deuxième tour, le président du Modem ne donnera pas de consigne de vote, mais prendra ses «responsabilités» en faisant part d’une position personnelle. Contrairement à 2007, le cinquième homme du cru 2012 choisira entre les deux finalistes.

D’ici le débat d’entre-deux-tours qui opposera François Hollande à Nicolas Sarkozy, a priori le 2 mai, le leader centriste va les interpeller l’un et l’autre publiquement à travers un document écrit dans lequel il leur demandera de s’engager sur un certain nombre de «valeurs» et d’actions à mener. Au menu de ce pacte centriste: la production française, la moralisation de la vie publique, l’assainissement des finances publiques et la question européenne. Dans son entourage, si certains comme sa fidèle Marielle de Sarnez ou l’ancien ministre du Budget Alain Lambert auront culturellement du mal à appeler à voter ouvertement pour le candidat socialiste, l’ex-Vert Jean-Luc Bennahmias assure, lui, depuis des semaines qu’il fera la campagne de deuxième tour de François Hollande. Expliquant que «faire l’inverse serait renier ce que nous avons dit depuis cinq ans».

Selon Ipsos, les électeurs de François Bayrou se répartiraient en trois tiers pour le deuxième tour: un tiers pour François Hollande (33 %), un tiers pour Nicolas Sarkozy (32 %) et un tiers qui s’abstiendrait (35 %). En 2007, toujours d’après Ipsos, 40% des électeurs centristes avaient choisi Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal. Du côté de l’institut CSA, on mesure cette fois un report probable de 40% en faveur de François Hollande, 25% pour Nicolas Sarkozy et 35% d’abstention, tandis que la Sofres évoque 32% pour Hollande, 33% pour Nicolas Sarkozy et 35% de centristes s’abstenant. Reste la stratégie que choisir Nicolas Sarkozy dans l’entre-deux tours. Si le candidat de l’UMP droitise encore son discours, déjà très à droite, on imagine mal les électeurs centristes accourir en masse pour assurer sa réélection.



23/04/2012
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