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LE CLAN SARKOZY CONTRE L'INDEPENDANCE DES JUGES

Le mauvais procès du clan Sarkozy

22 mars 2013 à 22:16
Claude Guéant, Nadine Morano, Brice Hortefeux et Christian Estrosi, mercredi, à Paris, en février, lors d'un point presse des Amis de Nicolas Sarkozy.
Claude Guéant, Nadine Morano, Brice Hortefeux et Christian Estrosi, mercredi, à Paris, en février, lors d'un point presse des Amis de Nicolas Sarkozy. (Photo Philippe Wojazer. Reuters)

Récit Les responsables UMP se sont succédé pour dénoncer le travail du juge après la mise en examen de l’ex-président.

Par Sonya Faure

L’annonce de la mise en examen de Nicolas Sarkozy, jeudi, dans le dossier Bettencourt, a provoqué une campagne anti-juge d’une violence inédite. Vendredi, à longueur de journaux télévisés et d’émissions radio, c’est un procès d’une autre nature que celui d’un abus de faiblesse envers une vieille dame qui s’est tenu. Celui de la justice. La droite versus les juges. Au point que la ministre de la Justice, Christiane Taubira, s’est fendue d’un bref communiqué «regrettant tous propos qui porteraient atteinte à l’honneur des juges et assurant les magistrats qui seraient mis en cause de son soutien». Et que le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a déclaré que les propos des membres de l’UMP n’étaient «pas dignes d’hommes et de femmes politiques républicains».

Dans le flot de paroles hallucinantes tenues par des personnes qui ont parfois occupé des responsabilités à la tête de l’Etat, c’est Henri Guaino qui a décroché la palme : «Je conteste la façon dont le juge fait son travail, a-t-il clamé sur Europe 1. Je la trouve indigne, je trouve qu’il a déshonoré un homme, les institutions, la justice.» Immédiatement, le président de l’Union syndicale des magistrats (USM, syndicat majoritaire et modéré), Christophe Régnard, a annoncé sa volonté de saisir la garde des Sceaux pour qu’elle poursuive l’ancien conseiller du chef de l’Etat, au nom de l’article 434-25 du code pénal. «Chercher à jeter le discrédit publiquement» sur une décision de justice est passible de six mois d’emprisonnement.

Dans la guérilla menée par l’UMP, le juge Jean-Michel Gentil a été personnellement mis en cause. Alors que trois magistrats bordelais ont été saisis pour instruire le dossier des abus de faiblesse «et que, dans une affaire de cette importance, toutes les décisions sont collégiales», affirme Rémi Barousse, l’avocat de Gentil : «Avec une telle pression médiatique, le risque est que le magistrat se demande désormais, inconsciemment, quel impact médiatique aura chacune de ses décisions.» Ironie de l’histoire, le juge «avait fui toute médiatisation, rappelle son avocat, refusé toute personnalisation de l’affaire». Allant jusqu’à refuser les photographies. «Il réfléchit aujourd’hui à porter plainte contre Henri Guaino», annonce Me Barousse. Au risque d’être accusé par la suite de partialité…

«Pâture». «Demander le respect des décisions de justice n’est pas une revendication corporatiste, rappelle Sophie Combes, du Syndicat de la magistrature (gauche). Il est dans l’intérêt de tous que le juge puisse élucider des affaires sensibles dans la sérénité. Imaginez si, au cours de leur instruction, les juges bordelais lavent Nicolas Sarkozy de tout soupçon. Des gens seront maintenant tentés de penser : "M. Sarkozy est innocenté parce que plein de gens sont venus le défendre à la télé !"»

«Aussi injuste qu’extravagant», a en effet lâché François Fillon, vendredi. «On jette en pâture l’honorabilité d’un homme qui a tant fait pour la France», s’est lamenté l’ancien ministre Patrick Ollier. Seul Alain Juppé s’est sagement borné à rappeler «la présomption d’innocence» de Sarkozy. D’une exaspération à l’autre, à droite, ce sont les mêmes arguments qui reviennent, les mêmes condamnations orchestrées. Argument numéro 1 : «l’acharnement» dont serait victime l’ex-chef de l’Etat. «Je suis choqué parce que j’observe un acharnement judiciaire contre Nicolas Sarkozy, un homme parfaitement intègre», s’est insurgé Geoffroy Didier, du collectif la Droite forte à l’UMP.

Argument numéro 2 : le complot politique, tour à tour vengeance des magistrats contre celui qui les comparait à des «petits pois» et voulait supprimer le juge d’instruction, ou manigance du pouvoir. «Chacun remarquera que cette décision intervient quarante-huit heures après la mise en cause d’un ministre socialiste [Jérôme Cahuzac, ndlr] sans doute pour faire compensation… Je dénonce ces méthodes au relent politique évident», a osé le maire de Nice, Christian Estrosi. Sur le même thème, la variation Brice Hortefeux, un fidèle de l’ex : «Depuis maintenant plusieurs semaines, une confiance croissante envers Nicolas Sarkozy apparaît clairement […]. Or, voici qu’une mise en examen bien à propos voudrait la remettre en cause.» Une paranoïa que Christophe Régnard (USM) trouve «fabuleuse» : «Certains hommes politiques plaquent leurs turpitudes sur les autres… Non, tout n’est pas politique.»

«Mamie». Dernier argument, celui du «bon sens populaire». Vendredi, Henri Guaino questionnait : «Aucun homme sensé dans ce pays ne peut imaginer un instant que Nicolas Sarkozy s’est livré sur cette vieille dame richissime à un abus de faiblesse.» «Mais, dans cette affaire, on ne reproche pas à l’ancien président d’avoir arnaqué une mamie, décrypte Christophe Régnard. La justice estime que des fonds ont été versés alors que Mme Bettencourt n’était pas en mesure de comprendre pourquoi elle les donnait.»

L’ex-magistrat Philippe Bilger s’est dit «scandalisé». «C’est inimaginable. Voilà des gens qui ne savent pas ce qu’est l’Etat de droit, qui n’ont aucune idée de ce qu’est l’indépendance de la justice. Je serais tenté de leur pardonner : ils n’ont pas eu l’occasion de l’apprendre lors du dernier quinquennat…»

Le mauvais procès du clan Sarkozy

22 mars 2013 à 22:16
Claude Guéant, Nadine Morano, Brice Hortefeux et Christian Estrosi, mercredi, à Paris, en février, lors d'un point presse des Amis de Nicolas Sarkozy.
Claude Guéant, Nadine Morano, Brice Hortefeux et Christian Estrosi, mercredi, à Paris, en février, lors d'un point presse des Amis de Nicolas Sarkozy. (Photo Philippe Wojazer. Reuters)

Récit Les responsables UMP se sont succédé pour dénoncer le travail du juge après la mise en examen de l’ex-président.

Par Sonya Faure

L’annonce de la mise en examen de Nicolas Sarkozy, jeudi, dans le dossier Bettencourt, a provoqué une campagne anti-juge d’une violence inédite. Vendredi, à longueur de journaux télévisés et d’émissions radio, c’est un procès d’une autre nature que celui d’un abus de faiblesse envers une vieille dame qui s’est tenu. Celui de la justice. La droite versus les juges. Au point que la ministre de la Justice, Christiane Taubira, s’est fendue d’un bref communiqué «regrettant tous propos qui porteraient atteinte à l’honneur des juges et assurant les magistrats qui seraient mis en cause de son soutien». Et que le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a déclaré que les propos des membres de l’UMP n’étaient «pas dignes d’hommes et de femmes politiques républicains».

Dans le flot de paroles hallucinantes tenues par des personnes qui ont parfois occupé des responsabilités à la tête de l’Etat, c’est Henri Guaino qui a décroché la palme : «Je conteste la façon dont le juge fait son travail, a-t-il clamé sur Europe 1. Je la trouve indigne, je trouve qu’il a déshonoré un homme, les institutions, la justice.» Immédiatement, le président de l’Union syndicale des magistrats (USM, syndicat majoritaire et modéré), Christophe Régnard, a annoncé sa volonté de saisir la garde des Sceaux pour qu’elle poursuive l’ancien conseiller du chef de l’Etat, au nom de l’article 434-25 du code pénal. «Chercher à jeter le discrédit publiquement» sur une décision de justice est passible de six mois d’emprisonnement.

Dans la guérilla menée par l’UMP, le juge Jean-Michel Gentil a été personnellement mis en cause. Alors que trois magistrats bordelais ont été saisis pour instruire le dossier des abus de faiblesse «et que, dans une affaire de cette importance, toutes les décisions sont collégiales», affirme Rémi Barousse, l’avocat de Gentil : «Avec une telle pression médiatique, le risque est que le magistrat se demande désormais, inconsciemment, quel impact médiatique aura chacune de ses décisions.» Ironie de l’histoire, le juge «avait fui toute médiatisation, rappelle son avocat, refusé toute personnalisation de l’affaire». Allant jusqu’à refuser les photographies. «Il réfléchit aujourd’hui à porter plainte contre Henri Guaino», annonce Me Barousse. Au risque d’être accusé par la suite de partialité…

«Pâture». «Demander le respect des décisions de justice n’est pas une revendication corporatiste, rappelle Sophie Combes, du Syndicat de la magistrature (gauche). Il est dans l’intérêt de tous que le juge puisse élucider des affaires sensibles dans la sérénité. Imaginez si, au cours de leur instruction, les juges bordelais lavent Nicolas Sarkozy de tout soupçon. Des gens seront maintenant tentés de penser : "M. Sarkozy est innocenté parce que plein de gens sont venus le défendre à la télé !"»

«Aussi injuste qu’extravagant», a en effet lâché François Fillon, vendredi. «On jette en pâture l’honorabilité d’un homme qui a tant fait pour la France», s’est lamenté l’ancien ministre Patrick Ollier. Seul Alain Juppé s’est sagement borné à rappeler «la présomption d’innocence» de Sarkozy. D’une exaspération à l’autre, à droite, ce sont les mêmes arguments qui reviennent, les mêmes condamnations orchestrées. Argument numéro 1 : «l’acharnement» dont serait victime l’ex-chef de l’Etat. «Je suis choqué parce que j’observe un acharnement judiciaire contre Nicolas Sarkozy, un homme parfaitement intègre», s’est insurgé Geoffroy Didier, du collectif la Droite forte à l’UMP.

Argument numéro 2 : le complot politique, tour à tour vengeance des magistrats contre celui qui les comparait à des «petits pois» et voulait supprimer le juge d’instruction, ou manigance du pouvoir. «Chacun remarquera que cette décision intervient quarante-huit heures après la mise en cause d’un ministre socialiste [Jérôme Cahuzac, ndlr] sans doute pour faire compensation… Je dénonce ces méthodes au relent politique évident», a osé le maire de Nice, Christian Estrosi. Sur le même thème, la variation Brice Hortefeux, un fidèle de l’ex : «Depuis maintenant plusieurs semaines, une confiance croissante envers Nicolas Sarkozy apparaît clairement […]. Or, voici qu’une mise en examen bien à propos voudrait la remettre en cause.» Une paranoïa que Christophe Régnard (USM) trouve «fabuleuse» : «Certains hommes politiques plaquent leurs turpitudes sur les autres… Non, tout n’est pas politique.»

«Mamie». Dernier argument, celui du «bon sens populaire». Vendredi, Henri Guaino questionnait : «Aucun homme sensé dans ce pays ne peut imaginer un instant que Nicolas Sarkozy s’est livré sur cette vieille dame richissime à un abus de faiblesse.» «Mais, dans cette affaire, on ne reproche pas à l’ancien président d’avoir arnaqué une mamie, décrypte Christophe Régnard. La justice estime que des fonds ont été versés alors que Mme Bettencourt n’était pas en mesure de comprendre pourquoi elle les donnait.»

L’ex-magistrat Philippe Bilger s’est dit «scandalisé». «C’est inimaginable. Voilà des gens qui ne savent pas ce qu’est l’Etat de droit, qui n’ont aucune idée de ce qu’est l’indépendance de la justice. Je serais tenté de leur pardonner : ils n’ont pas eu l’occasion de l’apprendre lors du dernier quinquennat…»

Le mauvais procès du clan Sarkozy (libération)

22 mars 2013 à 22:16
Claude Guéant, Nadine Morano, Brice Hortefeux et Christian Estrosi, mercredi, à Paris, en février, lors d'un point presse des Amis de Nicolas Sarkozy.
Claude Guéant, Nadine Morano, Brice Hortefeux et Christian Estrosi, mercredi, à Paris, en février, lors d'un point presse des Amis de Nicolas Sarkozy. (Photo Philippe Wojazer. Reuters)

Récit Les responsables UMP se sont succédé pour dénoncer le travail du juge après la mise en examen de l’ex-président.

Par Sonya Faure

L’annonce de la mise en examen de Nicolas Sarkozy, jeudi, dans le dossier Bettencourt, a provoqué une campagne anti-juge d’une violence inédite. Vendredi, à longueur de journaux télévisés et d’émissions radio, c’est un procès d’une autre nature que celui d’un abus de faiblesse envers une vieille dame qui s’est tenu. Celui de la justice. La droite versus les juges. Au point que la ministre de la Justice, Christiane Taubira, s’est fendue d’un bref communiqué «regrettant tous propos qui porteraient atteinte à l’honneur des juges et assurant les magistrats qui seraient mis en cause de son soutien». Et que le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a déclaré que les propos des membres de l’UMP n’étaient «pas dignes d’hommes et de femmes politiques républicains».

Dans le flot de paroles hallucinantes tenues par des personnes qui ont parfois occupé des responsabilités à la tête de l’Etat, c’est Henri Guaino qui a décroché la palme : «Je conteste la façon dont le juge fait son travail, a-t-il clamé sur Europe 1. Je la trouve indigne, je trouve qu’il a déshonoré un homme, les institutions, la justice.» Immédiatement, le président de l’Union syndicale des magistrats (USM, syndicat majoritaire et modéré), Christophe Régnard, a annoncé sa volonté de saisir la garde des Sceaux pour qu’elle poursuive l’ancien conseiller du chef de l’Etat, au nom de l’article 434-25 du code pénal. «Chercher à jeter le discrédit publiquement» sur une décision de justice est passible de six mois d’emprisonnement.

Dans la guérilla menée par l’UMP, le juge Jean-Michel Gentil a été personnellement mis en cause. Alors que trois magistrats bordelais ont été saisis pour instruire le dossier des abus de faiblesse «et que, dans une affaire de cette importance, toutes les décisions sont collégiales», affirme Rémi Barousse, l’avocat de Gentil : «Avec une telle pression médiatique, le risque est que le magistrat se demande désormais, inconsciemment, quel impact médiatique aura chacune de ses décisions.» Ironie de l’histoire, le juge «avait fui toute médiatisation, rappelle son avocat, refusé toute personnalisation de l’affaire». Allant jusqu’à refuser les photographies. «Il réfléchit aujourd’hui à porter plainte contre Henri Guaino», annonce Me Barousse. Au risque d’être accusé par la suite de partialité…

«Pâture». «Demander le respect des décisions de justice n’est pas une revendication corporatiste, rappelle Sophie Combes, du Syndicat de la magistrature (gauche). Il est dans l’intérêt de tous que le juge puisse élucider des affaires sensibles dans la sérénité. Imaginez si, au cours de leur instruction, les juges bordelais lavent Nicolas Sarkozy de tout soupçon. Des gens seront maintenant tentés de penser : "M. Sarkozy est innocenté parce que plein de gens sont venus le défendre à la télé !"»

«Aussi injuste qu’extravagant», a en effet lâché François Fillon, vendredi. «On jette en pâture l’honorabilité d’un homme qui a tant fait pour la France», s’est lamenté l’ancien ministre Patrick Ollier. Seul Alain Juppé s’est sagement borné à rappeler «la présomption d’innocence» de Sarkozy. D’une exaspération à l’autre, à droite, ce sont les mêmes arguments qui reviennent, les mêmes condamnations orchestrées. Argument numéro 1 : «l’acharnement» dont serait victime l’ex-chef de l’Etat. «Je suis choqué parce que j’observe un acharnement judiciaire contre Nicolas Sarkozy, un homme parfaitement intègre», s’est insurgé Geoffroy Didier, du collectif la Droite forte à l’UMP.

Argument numéro 2 : le complot politique, tour à tour vengeance des magistrats contre celui qui les comparait à des «petits pois» et voulait supprimer le juge d’instruction, ou manigance du pouvoir. «Chacun remarquera que cette décision intervient quarante-huit heures après la mise en cause d’un ministre socialiste [Jérôme Cahuzac, ndlr] sans doute pour faire compensation… Je dénonce ces méthodes au relent politique évident», a osé le maire de Nice, Christian Estrosi. Sur le même thème, la variation Brice Hortefeux, un fidèle de l’ex : «Depuis maintenant plusieurs semaines, une confiance croissante envers Nicolas Sarkozy apparaît clairement […]. Or, voici qu’une mise en examen bien à propos voudrait la remettre en cause.» Une paranoïa que Christophe Régnard (USM) trouve «fabuleuse» : «Certains hommes politiques plaquent leurs turpitudes sur les autres… Non, tout n’est pas politique.»

«Mamie». Dernier argument, celui du «bon sens populaire». Vendredi, Henri Guaino questionnait : «Aucun homme sensé dans ce pays ne peut imaginer un instant que Nicolas Sarkozy s’est livré sur cette vieille dame richissime à un abus de faiblesse.» «Mais, dans cette affaire, on ne reproche pas à l’ancien président d’avoir arnaqué une mamie, décrypte Christophe Régnard. La justice estime que des fonds ont été versés alors que Mme Bettencourt n’était pas en mesure de comprendre pourquoi elle les donnait.»

L’ex-magistrat Philippe Bilger s’est dit «scandalisé». «C’est inimaginable. Voilà des gens qui ne savent pas ce qu’est l’Etat de droit, qui n’ont aucune idée de ce qu’est l’indépendance de la justice. Je serais tenté de leur pardonner : ils n’ont pas eu l’occasion de l’apprendre lors du dernier quinquennat…»



23/03/2013
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