Reportage Le président sortant a dragué les électeurs du Front national, hier, dans un de leurs fiefs du Haut-Rhin.

ACernay (Haut-Rhin), où Marine Le Pen est arrivée en tête avec 23%, la «France silencieuse», celle du «vrai travail», avait hier rendez-vous avec le président sortant. Mais, au nombre de cheveux blancs, ce serait plutôt la France des retraités. A la tribune, un plateau de choix : François Fillon et Jean-François Copé, les frères ennemis de la droite française. A l’unisson pour dénoncer «le droit de vote des immigrés» aux élections locales. Car «la citoyenneté ne se découpe pas en tranche», pour le premier, et parce que «c’est une ligne rouge, un symbole absolu de la France qui n’est pas la nôtre», pour l’autre. Tout le monde pense aux électeurs du Front national, mais seul Nicolas Sarkozy s’adresse directement à eux : «Si vous ne nous rejoignez pas, alors vous aurez le droit de vote des immigrés. C’est ce que vous voulez ou ce que vous ne voulez pas ?» Difficile d’être plus clair.

Mais, pour ceux qui n’auraient pas bien entendu la première fois, rebelote avec les sans-papiers. «M. Hollande a dit à la télévision : je régulariserai tout le monde, parce que la régularisation au cas par cas, cela veut dire tout le monde. […] Si les électeurs qui se sont portés sur la candidate du Front national veulent ça, alors qu’ils ne nous apportent pas leurs suffrages.»

«Humanité». Hier en Alsace, le président-candidat a pris le temps de s’expliquer sur son exercice de drague des électeurs frontistes du 22 avril. Le matin, sur France Info, il avait nié avoir déclaré la veille que «Marine Le Pen est compatible avec la République». Alors, l’après-midi, il a pris garde à ne plus prononcer la même phrase. Il l’a simplement justifiée. En trois temps. D’abord :«La République autorise le FN à se présenter… C’est donc bien un parti démocratique.» Ensuite : «Les 18% de Français qui se sont exprimés pour Marine Le Pen, ce n’est pas 18% qui ont des idées d’extrême droite.» Et enfin : «Si je leur dis "vous avez tort, vous vous êtes trompés", la prochaine fois ils feront plus.» Conclusion : «En faisant cela, je fais un travail profondément républicain.» Petite nouveauté, Sarkozy a mis de côté son couplet sur les menaces communautaristes. Ni burqa, ni horaire des piscines, ni excision… Mais une profession de foi inédite, comme tombée du ciel : «Je crois à l’humanisme, à l’humanité, à la solidarité. […] A une société plus juste, plus humaine.» Un soudain recentrage ? Non, juste un (petit) ajustement pour faire retomber la fièvre. «On me reproche de mettre le balancier à droite ? Je parle avec des idées de bon sens», a déclaré Sarkozy. Que Patrick Buisson, son conseiller qui a pensé cette campagne ultradroitière, se rassure : son candidat n’a pas oublié d’exalter les «racines chrétiennes» de la France ni de professer «que le monde d’aujourd’hui, c’est un monde qui a besoin de nations et de frontières».

«Diversité. Aurélia et André ont tous les deux 17 ans. C’est leur premier meeting. Lui est camerounais, arrivé en France à l’âge de 7 ans. Elle a les cheveux blonds. Ils sont beaux comme dans une pub et se disent sarkozystes à cause de «la valeur travail». Et des flux migratoires qu’il faut diviser par deux, «car être là pour profiter cela ne sert à rien». Mais Aurélia pose un bémol : «Il faut de l’immigration, c’est ce qui fait, comment dire… la diversité de notre pays.» On parlerait trop d’immigration dans cette campagne ? La dizaine de militants UMP interrogés au hasard nous ont tous dit la même chose : plutôt oui.

Yolande, la cinquantaine, fan absolue, fière de revendiquer son cinquième meeting de la campagne, est affirmative : «On en parle trop. Les immigrés ne me gênent pas. C’est devenu une question politique, mais il ne faut pas tout mélanger.» Et une alliance avec le FN ? La réponse est unanime : pas question.