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L'EGALITE ENFIIN !!!

L'égalité, enfin!

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« Marions-les, marions-les dans l'été ! » 17 heures, à l'Assemblée nationale, ce mardi. La communiste Marie-George Buffet vient de finir de parler, ovationnée par toute la gauche. On s'apprête à passer au vote. Soudain, des cris en provenance des tribunes du public, juste au-dessus des députés de la majorité. Un petit groupe de jeunes anti-mariage tente (en vain) de dérouler une banderole en tissu barrée d'un « Référendum! ». A quelques mètres de lui, un militant anti-mariage en costume clair hurle et s'agite. Impossible de distinguer ce qu'il dit dans le brouhaha qui s'ensuit.

« Ouuuhh ! » crient les députés PS à l'intention des intrus, virés manu militari par les huissiers. « Sortez-moi ces excités! Pas de place pour les ennemis de la démocratie dans cet hémicycle » s'énerve le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, dans une colère noire. « Egalité! Egalité! », scandent les députés PS.

Jusqu'au bout, les militants anti-mariage auront tenté de retarder l'adoption du mariage pour tous. Mais rien n'y aura fait. Quelques minutes plus tard, avec 331 voix pour et 225 contre, l'Assemblée nationale vote l'ouverture du mariage pour tous aux couples de même sexe. Qui a voté quoi? L'analyse du scrutin est en page 3.

Le jour est historique. La France devient le quatorzième pays du monde à ouvrir le mariage aux couples de même sexe. L'aboutissement d'un long mouvement vers l'égalité des droits pour les gays et les lesbiennes. Trente ans après la suppression du délit d'homosexualité avec un mineur de plus de 15 ans votée en 1982 sous François Mitterrand. Quatorze ans après la vote du pacte civil de solidarité, créé en 1999 par le gouvernement Jospin. « Les premiers mariages pourront intervenir courant juin de cette année » a promis mardi Christiane Taubira.

« C’est une grande date. Il y a eu la légalisation de l’avortement, l’abolition de la peine de mort, le Pacs, et aujourd’hui le mariage pour tous », commente Bernard Roman, avant de s’engouffrer dans l’hémicycle pour prononcer l’explication de vote du PS. Une explication qu’il débute en citant Simone Veil et Robert Badinter. L’écolo Noël Mamère livre un discours plus sceptique. « Il nous a fallu attendre 2013 (pour voter ce texte), dans le bruit, la haine et la fureur, nous n’avons pas à être fiers », gronde-t-il. « Dois-je vous dire que le Danemark a ouvert le mariage dès 1989? » Pour celui qui a célébré le mariage de deux homosexuels à Bègles en 2004, « nous ne sommes pas dans un jour historique, nous rattrapons notre retard ».

La garde des Sceaux Christiane Taubira, elle, s’empare du micro. Elle se dit « submergée par l’émotion ». « Nous n’avons rien pris à personne, nous avons ouvert des droits. C’est un texte généreux que vous avez voté aujourd’hui », dit-elle, avant d’implorer les jeunes homos de « balayer » les paroles homophobes « qui vont s’envoler ».

Un discours que n'a pas entendu la droite: après le vote presque tous les élus UMP quittent l’hémicycle. « Ils le paieront dans les urnes! », lâche loin des journalistes l’ancien président de l’Assemblée, Bernard Accoyer. Devant les caméras, pour justifier l'incident de séance suscité par des "antis", son collègue Daniel Fasquelle évoque le « climat de tension » organisé selon lui par le gouvernement, la « frustration » des manifestants qui « ont l’impression de ne pas être entendu ». Illico, députés et sénateurs UDI et UMP ont saisi le Conseil constitutionnel.

Dans les couloirs, les irréductibles de l’UMP (Patrick Balkany, Hervé Mariton, Daniel Fasquelle, Philippe Gosselin, Patrick Ollier) ont rabâché leurs arguments: « manque de débat », « mépris » du gouvernement, « un changement de civilisation ». Seul député UMP – avec Benoist Apparu – à voter le texte, Franck Riester appelle lui à « l’apaisement » et promet: « Avec le temps, nos compatriotes sceptiques verront que finalement ce texte était un beau texte et que non, le ciel ne va pas leur tomber sur la tête ».

Mardi soir, des rassemblements sont annoncés un peu partout pour fêter cette avancée sociétale, inscrite depuis des années au programme des partis politiques de gauche et promise par François Hollande pendant la campagne présidentielle. A Paris, plusieurs collectifs et associations appellent à un rassemblement près de l'Assemblée nationale juste après le vote. Avant une grande fête organisée sur le parvis de la mairie socialiste du 4e arrondissement de Paris. Les opposants au mariage pour tous, eux, comptent à nouveau défiler, mardi soir, devant l’Assemblée, mais aussi le 26 mai pour une grande manifestation nationale. Si bien que le lieu du dîner organisé ce soir par la ministre de la famille Dominique Bertinotti avec une dizaine de parlementaires est tenu secret pour ne pas voir rappliquer les anti-mariage.

Après 200 heures de débats au Parlement, une soixantaine d'heures d'auditions à l'Assemblée nationale et au Sénat, des milliers d'heures de débats dans les médias, c'est la fin d'un débat interminable, ou tout a été dit et redit. La fin, aussi, d'un psychodrame national qui a mis en lumière deux France, à mille lieues l'une de l'autre: l’une pour qui l'homosexualité est banalisée, une autre à qui elle continue de faire horreur. Deux France qui s'opposent aussi par leur visions irréconciliables de la famille et de la filiation, l'une tenant à un modèle très classique et idéalisé (« un papa, une maman !», ont scandé les anti-mariage pendant des mois), une autre plus en phase avec la diversité des configurations familiales.



23/04/2013
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