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L'AIGRE PARFUM DES ANNEES TRENTE : constat que je fais aussi

L’aigre parfum des années 30

27 mars 2013 à 19:06
 
Par ALAIN DUHAMEL

La soudaine radicalisation du débat politique français n’est pas une surprise mais ressemble à un fracassant tir de semonce. C’est l’aigre parfum des années 30 qui ressurgit brusquement. Toutes les composantes semblent se rassembler de nouveau. Elles convergent particulièrement depuis une semaine.

En toile de fond sinistre, la montée du chômage avec son cortège de souffrances personnelles, de pathologies sociales, d’anxiété collective, de ressentiment vis-à-vis des gouvernants, de déception amère, notamment chez les électeurs de gauche qui ont porté au pouvoir une nouvelle équipe.

Au premier plan, la progression spectaculaire des votes d’extrême droite à l’occasion de l’élection législative partielle de l’Oise. Certains hiérarques sont tentés de la minimiser en assénant qu’il s’agit d’un cas atypique, que Marine Le Pen est fortement implantée dans la région, que les deux tiers des électeurs se sont abstenus, que les candidats du PS et de l’UMP étaient exécrables. Billevesées : la réalité est tout autre et le Front national a bel et bien failli l’emporter avec 48,6 % des voix. L’extrême droite se fortifie, atteint un niveau qu’elle n’avait jamais obtenu et peut effectuer une nouvelle percée l’an prochain aux élections municipales et surtout européennes. Jamais, depuis justement les années 30, elle n’avait pesé aussi lourd. La crise la ressuscite.

La contagion gagne également la droite classique dont le durcissement se confirme chaque jour. Apprenti sorcier, Jean-François Copé a théorisé la «droite décomplexée». François Fillon n’ose pas lui abandonner ce terrain. La mise en examen de Nicolas Sarkozy a provoqué un tir de barrage d’une violence impressionnante. Henri Guaino, qui connaît pourtant mieux que les autres le poids du verbe et le sens des mots, a mis en cause l’institution judiciaire elle-même : toujours la rhétorique des années 30.

L’imposante manifestation du dernier week-end contre l’ouverture du mariage et de l’adoption aux homosexuels a drainé une foule immense, nettement plus politisée qu’auparavant. Des petits groupes d’extrême droite ont testé des provocations brutales. Une étape a été franchie. A côté de l’opposition politique et de l’effervescence sociale, voilà une contestation sociétale de masse qui entre en jeu. Symptôme supplémentaire de crise.

Le pire est à gauche, aux confins de la nouvelle et fragile majorité.

Jean-Luc Mélenchon, auto-intronisé tribun du peuple, a placé son exceptionnel talent oratoire et sa verve unique au service d’une stratégie de violence verbale sans cesse plus provocatrice et plus outrecuidante. Il injurie quotidiennement François Hollande, Jean-Marc Ayrault, le gouvernement dans son ensemble, Pierre Moscovici en particulier et le PS en prime. Il ne se contente pas de les fustiger ou de les tourner en dérision. Il les écrase de son mépris, il déchaîne des torrents de lave haineuse. Il déploie toujours plus les ressources infinies du vocabulaire de l’imprécation. Ses alliés communistes deviennent embarrassés et circonspects. Peu lui importe. Désormais, l’extrême gauche, c’est lui et il reprend sans vergogne les recettes des années 30, lorsque avant 1934 elles s’acharnaient plus sur la social-démocratie que sur les conservateurs. Il poursuit la chimère d’édifier son pouvoir sur les débris de la gauche réformiste. Résurgence d’un aveuglement jadis dévastateur.

Pour compléter le tableau, cette radicalisation générale, cette violence affleurant ne s’arrête pas aux frontières de l’Hexagone. Comme dans les années 30, c’est l’Europe tout entière qui frémit et se cabre. Partout, la tentation des nationalismes réapparaît. Elle pollue déjà lourdement les Balkans et l’Europe de l’Est. Elle rôde chez les conservateurs britanniques. Sur le continent, la xénophobie gagne, l’immigré redevient plus que jamais le bouc émissaire, la démagogie s’épanouit dans l’Europe latine. Face à ces fissures et à ces craquements, l’Union européenne réagit avec une spectaculaire et terrifiante maladresse, toujours trop tard, toujours plus mal. L’absurdité de sa gouvernance, l’inadaptation tragique de sa prise de décision, son déficit mortel de démocratie, l’exceptionnelle médiocrité des dirigeants qu’elle s’est choisie lui aliènent les peuples. Elle est la seule solution, elle demeure le principal rempart mais elle accumule les lenteurs, les gaffes, les cruautés absurdes, les mesquineries bureaucratiques et surtout les cécités politiques. Elle manque de vision, d’énergie, de leaders, de réactivité.

La crise est un cheval au galop qui menace de s’emballer, l’Europe avance comme un char à bœufs, mené de surcroît par l’Allemagne, c’est-à-dire par un cocher que la mémoire rejette.

L’aigre parfum des années 30

27 mars 2013 à 19:06
 
Par ALAIN DUHAMEL

La soudaine radicalisation du débat politique français n’est pas une surprise mais ressemble à un fracassant tir de semonce. C’est l’aigre parfum des années 30 qui ressurgit brusquement. Toutes les composantes semblent se rassembler de nouveau. Elles convergent particulièrement depuis une semaine.

En toile de fond sinistre, la montée du chômage avec son cortège de souffrances personnelles, de pathologies sociales, d’anxiété collective, de ressentiment vis-à-vis des gouvernants, de déception amère, notamment chez les électeurs de gauche qui ont porté au pouvoir une nouvelle équipe.

Au premier plan, la progression spectaculaire des votes d’extrême droite à l’occasion de l’élection législative partielle de l’Oise. Certains hiérarques sont tentés de la minimiser en assénant qu’il s’agit d’un cas atypique, que Marine Le Pen est fortement implantée dans la région, que les deux tiers des électeurs se sont abstenus, que les candidats du PS et de l’UMP étaient exécrables. Billevesées : la réalité est tout autre et le Front national a bel et bien failli l’emporter avec 48,6 % des voix. L’extrême droite se fortifie, atteint un niveau qu’elle n’avait jamais obtenu et peut effectuer une nouvelle percée l’an prochain aux élections municipales et surtout européennes. Jamais, depuis justement les années 30, elle n’avait pesé aussi lourd. La crise la ressuscite.

La contagion gagne également la droite classique dont le durcissement se confirme chaque jour. Apprenti sorcier, Jean-François Copé a théorisé la «droite décomplexée». François Fillon n’ose pas lui abandonner ce terrain. La mise en examen de Nicolas Sarkozy a provoqué un tir de barrage d’une violence impressionnante. Henri Guaino, qui connaît pourtant mieux que les autres le poids du verbe et le sens des mots, a mis en cause l’institution judiciaire elle-même : toujours la rhétorique des années 30.

L’imposante manifestation du dernier week-end contre l’ouverture du mariage et de l’adoption aux homosexuels a drainé une foule immense, nettement plus politisée qu’auparavant. Des petits groupes d’extrême droite ont testé des provocations brutales. Une étape a été franchie. A côté de l’opposition politique et de l’effervescence sociale, voilà une contestation sociétale de masse qui entre en jeu. Symptôme supplémentaire de crise.

Le pire est à gauche, aux confins de la nouvelle et fragile majorité.

Jean-Luc Mélenchon, auto-intronisé tribun du peuple, a placé son exceptionnel talent oratoire et sa verve unique au service d’une stratégie de violence verbale sans cesse plus provocatrice et plus outrecuidante. Il injurie quotidiennement François Hollande, Jean-Marc Ayrault, le gouvernement dans son ensemble, Pierre Moscovici en particulier et le PS en prime. Il ne se contente pas de les fustiger ou de les tourner en dérision. Il les écrase de son mépris, il déchaîne des torrents de lave haineuse. Il déploie toujours plus les ressources infinies du vocabulaire de l’imprécation. Ses alliés communistes deviennent embarrassés et circonspects. Peu lui importe. Désormais, l’extrême gauche, c’est lui et il reprend sans vergogne les recettes des années 30, lorsque avant 1934 elles s’acharnaient plus sur la social-démocratie que sur les conservateurs. Il poursuit la chimère d’édifier son pouvoir sur les débris de la gauche réformiste. Résurgence d’un aveuglement jadis dévastateur.

Pour compléter le tableau, cette radicalisation générale, cette violence affleurant ne s’arrête pas aux frontières de l’Hexagone. Comme dans les années 30, c’est l’Europe tout entière qui frémit et se cabre. Partout, la tentation des nationalismes réapparaît. Elle pollue déjà lourdement les Balkans et l’Europe de l’Est. Elle rôde chez les conservateurs britanniques. Sur le continent, la xénophobie gagne, l’immigré redevient plus que jamais le bouc émissaire, la démagogie s’épanouit dans l’Europe latine. Face à ces fissures et à ces craquements, l’Union européenne réagit avec une spectaculaire et terrifiante maladresse, toujours trop tard, toujours plus mal. L’absurdité de sa gouvernance, l’inadaptation tragique de sa prise de décision, son déficit mortel de démocratie, l’exceptionnelle médiocrité des dirigeants qu’elle s’est choisie lui aliènent les peuples. Elle est la seule solution, elle demeure le principal rempart mais elle accumule les lenteurs, les gaffes, les cruautés absurdes, les mesquineries bureaucratiques et surtout les cécités politiques. Elle manque de vision, d’énergie, de leaders, de réactivité.

La crise est un cheval au galop qui menace de s’emballer, l’Europe avance comme un char à bœufs, mené de surcroît par l’Allemagne, c’est-à-dire par un cocher que la mémoire rejette.

L’aigre parfum des années 30 (libération)

27 mars 2013 à 19:06
 
Par ALAIN DUHAMEL

La soudaine radicalisation du débat politique français n’est pas une surprise mais ressemble à un fracassant tir de semonce. C’est l’aigre parfum des années 30 qui ressurgit brusquement. Toutes les composantes semblent se rassembler de nouveau. Elles convergent particulièrement depuis une semaine.

En toile de fond sinistre, la montée du chômage avec son cortège de souffrances personnelles, de pathologies sociales, d’anxiété collective, de ressentiment vis-à-vis des gouvernants, de déception amère, notamment chez les électeurs de gauche qui ont porté au pouvoir une nouvelle équipe.

Au premier plan, la progression spectaculaire des votes d’extrême droite à l’occasion de l’élection législative partielle de l’Oise. Certains hiérarques sont tentés de la minimiser en assénant qu’il s’agit d’un cas atypique, que Marine Le Pen est fortement implantée dans la région, que les deux tiers des électeurs se sont abstenus, que les candidats du PS et de l’UMP étaient exécrables. Billevesées : la réalité est tout autre et le Front national a bel et bien failli l’emporter avec 48,6 % des voix. L’extrême droite se fortifie, atteint un niveau qu’elle n’avait jamais obtenu et peut effectuer une nouvelle percée l’an prochain aux élections municipales et surtout européennes. Jamais, depuis justement les années 30, elle n’avait pesé aussi lourd. La crise la ressuscite.

La contagion gagne également la droite classique dont le durcissement se confirme chaque jour. Apprenti sorcier, Jean-François Copé a théorisé la «droite décomplexée». François Fillon n’ose pas lui abandonner ce terrain. La mise en examen de Nicolas Sarkozy a provoqué un tir de barrage d’une violence impressionnante. Henri Guaino, qui connaît pourtant mieux que les autres le poids du verbe et le sens des mots, a mis en cause l’institution judiciaire elle-même : toujours la rhétorique des années 30.

L’imposante manifestation du dernier week-end contre l’ouverture du mariage et de l’adoption aux homosexuels a drainé une foule immense, nettement plus politisée qu’auparavant. Des petits groupes d’extrême droite ont testé des provocations brutales. Une étape a été franchie. A côté de l’opposition politique et de l’effervescence sociale, voilà une contestation sociétale de masse qui entre en jeu. Symptôme supplémentaire de crise.

Le pire est à gauche, aux confins de la nouvelle et fragile majorité.

Jean-Luc Mélenchon, auto-intronisé tribun du peuple, a placé son exceptionnel talent oratoire et sa verve unique au service d’une stratégie de violence verbale sans cesse plus provocatrice et plus outrecuidante. Il injurie quotidiennement François Hollande, Jean-Marc Ayrault, le gouvernement dans son ensemble, Pierre Moscovici en particulier et le PS en prime. Il ne se contente pas de les fustiger ou de les tourner en dérision. Il les écrase de son mépris, il déchaîne des torrents de lave haineuse. Il déploie toujours plus les ressources infinies du vocabulaire de l’imprécation. Ses alliés communistes deviennent embarrassés et circonspects. Peu lui importe. Désormais, l’extrême gauche, c’est lui et il reprend sans vergogne les recettes des années 30, lorsque avant 1934 elles s’acharnaient plus sur la social-démocratie que sur les conservateurs. Il poursuit la chimère d’édifier son pouvoir sur les débris de la gauche réformiste. Résurgence d’un aveuglement jadis dévastateur.

Pour compléter le tableau, cette radicalisation générale, cette violence affleurant ne s’arrête pas aux frontières de l’Hexagone. Comme dans les années 30, c’est l’Europe tout entière qui frémit et se cabre. Partout, la tentation des nationalismes réapparaît. Elle pollue déjà lourdement les Balkans et l’Europe de l’Est. Elle rôde chez les conservateurs britanniques. Sur le continent, la xénophobie gagne, l’immigré redevient plus que jamais le bouc émissaire, la démagogie s’épanouit dans l’Europe latine. Face à ces fissures et à ces craquements, l’Union européenne réagit avec une spectaculaire et terrifiante maladresse, toujours trop tard, toujours plus mal. L’absurdité de sa gouvernance, l’inadaptation tragique de sa prise de décision, son déficit mortel de démocratie, l’exceptionnelle médiocrité des dirigeants qu’elle s’est choisie lui aliènent les peuples. Elle est la seule solution, elle demeure le principal rempart mais elle accumule les lenteurs, les gaffes, les cruautés absurdes, les mesquineries bureaucratiques et surtout les cécités politiques. Elle manque de vision, d’énergie, de leaders, de réactivité.

La crise est un cheval au galop qui menace de s’emballer, l’Europe avance comme un char à bœufs, mené de surcroît par l’Allemagne, c’est-à-dire par un cocher que la mémoire rejette.



28/03/2013
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