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JOURNEEE MONDIALE DU LIVRE : les livres poursuivis, interdits

L'Observatoire de la censure

Créé en 2004 par Orphéon - Bibliothèque de théâtre Armand-Gatti, l'Observatoire de la censure réunit des artistes, écrivains, éditeurs, programmateurs, bibliothécaires, journalistes... C'est un lieu de réflexion et d'information sur la censure, l'autocensure et la liberté d'expression. Il décerne chaque année le Prix Tartuffe à un écrivain ou artiste victime de la censure, ou à un livre qui défend la liberté d’expression.
 

Samedi 23 avril, à l’occasion de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur promue par l’Unesco, la bibliothèque de théâtre Armand Gatti revient particulièrement sur six livres édités récemment en France. Certains sont des essais, d’autres des oeuvres de fiction. Leurs auteurs ont comme point commun d’être ou d’avoir été poursuivi en justice, ou d’avoir fait l’objet de sanctions disciplinaires.

 

Livres en procès - 1

 

Mediator 150mg, combien de morts ? d’Irène Frachon (Dialogues, 2010),  prix Tartuffe 2010 *.
Publié le 2 juin 2010, cet essai était attaqué en justice cinq jours plus tard par le laboratoire pharmaceutique Servier, et son sous-titre censuré. Dans son livre, le docteur Irène Frachon revient, sous la forme d'un journal, sur toutes les étapes d'une enquête de trois ans qui l'a conduite à devenir l'une des protagonistes à l'origine du retrait de ce médicament, le 30 novembre 2009. Brisant la chape de silence entourant un médicament toxique en vente depuis 1976, Irène Frachon a permis que soit enfin porté à la connaissance d'une majorité de citoyens un "désastre sanitaire" qui aurait fait entre 500 et 2.000 morts, et coûté entre 423 millions et 1,2 milliard d'euros de remboursement à la Sécurité sociale et aux mutuelles. Irène Frachon pose aussi notamment une question cruciale: celle de l'indépendance des dispositifs d'évaluation des médicaments, à l'heure "où diminue le financement public des activités de pharmacovigilance confiées dans des proportions croissantes aux compagnies pharmaceutiques".
                                           
Absolument dé-bor-dée de Zoé Shepard (Albin Michel, mars 2010).
Cette fiction, écrite sous pseudonyme, décrit, sur ton satirique, neuf mois de la vie d’une jeune administratrice territoriale (A+), travaillant dans le service «Affaires internationales et européennes» d’une mairie employant 700 personnes. Désespérée par l’incompétence de ses collègues et supérieurs, le népotisme du maire, la narratrice décidera de prendre un congé sabbatique et de partir en Afrique pour aider à la construction d’une école. Reconnue et dénoncée par un collègue de travail, l’auteure est sanctionnée le 30 août 2010 par le conseil régional Aquitaine pour "manquement à l'obligation de réserve et de discrétion qui incombe à tout agent public et comportement fautif à l'égard de sa hiérarchie". Elle est condamnée à quatre mois d'exclusion ferme sans traitement, ni droits à l'avancement.

Omerta dans la police de Sihem Souid (Le cherche midi, octobre 2010).
Dans ce livre autobiographique, Sihem Souid témoigne de son expérience d’adjoint de sécurité au sein de la Police de l'air et des frontières (PAF) de l'aéroport d'Orly. Elle dénonce les abus de pouvoir, la course au chiffre, les actes homophobes, sexistes, racistes qu'elle a constatés au sein de ce microcosme de 300 personnes. Elle a été suspendue quatre mois de ses fonctions, pour manquement à son "obligation de réserve", dans son livre et ses déclarations dans les médias, notamment sur les plateaux de télévision. Comme l'écrit Sihem Souid, « dans notre pays, il semblerait que le devoir de réserve du fonctionnaire soit supérieur au devoir de dénonciation d'une injustice par ce même fonctionnaire qui est également un citoyen ».

 

Livres en Procès 2

 

Les aventures de Saint-Tin et son ami Lou de Gordon Zola (Le léopard masqué, 2009-2010-2011).
Gordon Zola, est l’auteur de romans policiers parodiques “La lotus bleue”, “Le vol des 714 porcineys” ou “Le crado pince fort”, racontant les aventures du jeune journaliste Saint-Tin et de son ami Lou, un perroquet. À la demande de Moulinsart S.A., sociéte gérant les droits des héritiers du créateur du personnage de la bande dessinée Tintin, tous ses livres sont saisis par la police : il est condamné en juillet 2009, pour “parasitisme”, à payer 72.000 euros de dommages et intérêts. Finalement le 11 février 2011, la 2ème Chambre de la Cour d'Appel de Paris condamnera Moulinsart S.A. Elle souligne que "les romans incriminés tout en se nourrissant de l’oeuvre d’Hergé, savent s’en distancier suffisamment pour éviter tout risque de confusion, ne serait-ce que par la forme romanesque adoptée et les intrigues originales qu’ils décrivent".

Aux malheurs des dames de Lalie Walker (Parigramme, octobre 2009).
Suite à la parution de ce roman policier qui se passe à Paris dans le Marché Saint-Pierre, les dirigeants de la société Village d'Orcel, propriétaires du lieu, demandent l'interdiction du livre de Lalie Walker, deux millions d'euros de dommages et intérêts à l'auteur et à son éditeur, pour atteinte à la renommée de la marque. Ils ont été condamnés le 19 novembre 2010 à 3.000 euros pour "procédure abusive". Le tribunal a ainsi confirmé qu'on peut s'inspirer de lieux réels pour écrire une oeuvre de fiction, même un roman noir où se déroulent des crimes.

Sévère de François Jauffret (Seuil, mars 2010).
Huit mois après la sortie du roman, la veuve, les enfants, la soeur d'un banquier mort assassiné demandent le retrait du livre de tous les points de vente, l'interdiction de réédition et de cession de droits pour la télévision et le cinéma, pour « atteinte à la vie privée ». Ne mentionnant aucun nom, Sévère raconte la passion amoureuse à caractère sadomasochiste d’un riche homme d’affaires et de sa maîtresse qui finira par le tuer. Après deux livres d’enquête, une pièce de théâtre, Sévère est le quatrième roman inspiré par un fait divers survenu en 2005 : le corps de la victime avait été retrouvé attaché par des cordes et revêtu d’une combinaison en latex.

 

Pour adultes seulement - ABF

 

Cette présentation se terminera par l'histoire emblématique de l'exposition "Pour adultes seulement " et de son catalogue. Conçus par la médiathèque départementale de la Somme, ils avaient été censurés par le conseil général de la Somme qui les avait commandités. Grâce à la ténacité de sa commissaire,  Janine Kotwica, l'exposition a  eu lieu au siège de l'Ordre des avocats et du Barreau d' Amiens, et le catalogue a été édité par l'Association des Bibliothècaires de France, en témoignage de son engagement contre l'isolement des bibliothécaires victimes de censures de la part de leurs tutelles et en soutien à la liberté d'expression.



19/04/2011
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