laulaublog

INTERVENTION EN SYRIE REPOUSSEE

Syrie : Barack Obama s'en remet à un vote du Congrès

|  Par François Bonnet

Alors qu'une attaque américaine était annoncée comme imminente, Barack Obama recule et annonce qu'il demandera aux parlementaires de se prononcer par un vote. Les États-Unis ont rendu public un rapport selon lequel l'armée syrienne est responsable de l'attaque chimique du 21 août. « C'est une forte certitude », a insisté John Kerry, disant qu'il ne s'agit pas de « répéter » l'Irak.

Partage

Alors qu'une attaque américaine sur le régime de Damas était annoncée depuis vendredi soir comme imminente, Barack Obama a décidé de repousser l'opération. Dans une intervention samedi soir (heure française), le président américain a annoncé que sa décision était prise mais qu'il demanderait au Congrès américain de se prononcer par un vote et de donner ainsi son feu vert à une telle opération.

« J'ai décidé que les États-Unis devraient agir militairement contre des cibles du régime syrien, a affirmé le président américain dans une intervention solennelle faite à la Maison Blanche. Nous sommes prêts à frapper quand nous le choisirons. » Mais le Président a aussitôt annoncé qu'après s'être entretenu avec les leaders parlementaires des deux chambres, il demande un vote du Congrès (lire ici l'intégralité de son intervention). Cela repousse toute intervention de plusieurs jours, peut être de plusieurs semaines, puisque le Congrès est actuellement en vacances. Les premiers débats doivent reprendre le 9 septembre à la chambre des représentants. Un vote au Sénat pourrait même intervenir plus tard encore.

Après le vote du Parlement britannique et cette décision de faire voter le Congrès américain, la France apparaît comme une exception : présidentialisme oblige, le Parlement sera certes informé, pourra débattre le 4 septembre de la situation syrienne mais ne pourra pas voter sur l'opportunité d'un engagement militaire (lire également à la fin de cet article).

Chasser le fantôme irakien (lire notre précédent article). C'est bien l'obstacle majeur que l'administration américaine doit franchir pour justifier la légitimité − à défaut de légalité internationale − d'une intervention américaine contre le régime syrien en manière de rétorsion vis-à-vis de l'utilisation d'armes chimiques. D'où cette décision de demander un vote du Congrès, ce que n'avait pas fait Barack Obama en 2011, lors du déclenchement de l'opération militaire, sous l'égide de l'Otan, en Libye contre le régime de Mouammar Kadhafi.

Cette fois, fortement déstabilisés par le refus des Britanniques de s'engager dans une telle opération, confrontés à l'opposition de leur opinion publique et au scepticisme de nombreux parlementaires, Barack Obama et son secrétaire d'État John Kerry ont passé la journée de vendredi et de samedi à donner des gages : non, l'aventure irakienne « ne sera pas répétée » ; oui, l'intervention militaire sera « étroite et limitée », a répété le président américain. Des manifestations − d'ampleur limitée − se sont tenues dans une vingtaine de villes du pays contre une opération militaire en Syrie, ce samedi.

Surtout, les parlementaires républicains comme démocrates ont multiplié les questions. Car les critiques sont de deux ordres : ceux qui estiment que les États-Unis ont tout à perdre à s'engager dans une opération de ce type ; ceux au contraire, à l'instar du républicain John McCain, qui jugent qu'une campagne très limitée de frappes aériennes est insuffisante. A ce stade, selon plusieurs analyses parues samedi et dimanche dans la presse américaine, Barack Obama n'est absolument pas certain d'emporter un tel vote: les républicains sont majoritaires à la chambre des représentants et ne devraient pas lui faire de cadeau; les démocrates ont une majorité au Sénat mais beaucoup sont partagés.

« En tant que commandant en chef, j'ai fait mon choix, convaincu qu'il s'agit là de notre sécurité, a dit Barack Obama samedi soir. Mais je suis aussi conscient que je suis le président d'une des plus vieilles démocraties constitutionnelles au monde. » En déclenchant une opération militaire avec le soutien des parlementaires, « je sais que notre pays sera plus fort », a-t-il ajouté.

La mission des inspecteurs de l'ONU chargée d'enquêter sur l'utilisation d'armes chimiques a quitté la Syrie samedi matin. « Une fenêtre d'opportunité » s'ouvre désormais, avait précisé John Kerry vendredi, pour une attaque américaine sur le régime de Damas. Dans le même temps, Washington signifiait clairement qu'il entendait rester maître du calendrier : pas question donc de s'en remettre au timing du rapport complet des inspecteurs onusiens, cette remise devant intervenir dans une dizaine de jours, selon un porte-parole de l'ONU. Par ailleurs, Wahington souligne le mandat limité de cette mission d'inspection : il lui revient d'établir l'usage − ou non − d'armes chimiques, mais non de désigner les responsables de cette utilisation.

C'est dire que les États-Unis veulent régler par eux-mêmes la question de « la preuve », et établir de façon incontestable la responsabilité directe de l'armée syrienne et du régime de Bachar al-Assad dans la conduite de l'attaque chimique du 21 août. Vendredi, le secrétaire d'État John Kerry a donc présenté une partie du dossier américain : un mémorandum de 5 pages, selon lequel Washington a la « forte certitude » que l'armée syrienne a bien recouru à des armements chimiques. Cette expression « forte certitude », est-il précisé, est la « plus haute appréciation » que peuvent délivrer les agences de renseignement américaines.

Pour la première fois, l'administration américaine procède à un bilan de l'attaque du 21 août : selon ce rapport, 1.429 personnes ont été tuées ; parmi les victimes, au moins 426 enfants. Selon les services américains, trois jours avant l'attaque, des éléments d'information ont été recueillis sur sa préparation par plusieurs responsables de l'armée syrienne. Juste avant le déclenchement, dans la nuit du mardi 20 au mercredi 21 août, les soldats de l'armée loyaliste auraient enfilé des masques à gaz. « Le scénario selon lequel l'opposition aurait conduit cette attaque est hautement improbable », note le rapport, qui ajoute que le régime de Damas a déjà eu recours à plusieurs reprises, « à échelle limitée », aux armes chimiques. Selon l'opposition syrienne, 12 à 15 attaques chimiques auraient déjà été menées.

Trois jours avant, donc, « les équipes syriennes responsables des armes chimiques, y compris des membres associés au Centre de recherche et d'études scientifiques syriennes, étaient en train de préparer des munitions chimiques avant l'attaque », est-il écrit. Une de ces équipes se serait ainsi trouvée dans la banlieue d'Adra du 18 au 21 août, « près d'une zone utilisée par le régime pour mélanger des armes chimiques, y compris du gaz sarin ».

Si ce rapport n'établit pas de lien direct avec Bachar al-Assad (un ordre d'utilisation ou de déclenchement, par exemple), les renseignements américains disent disposer de tout un corpus d'informations établissant l'implication « d'officiels du régime » dans la préparation et le déclenchement de l'attaque chimique. Selon le rapport, dans une communication interceptée, « un haut officiel directement impliqué dans l'offensive » confirme l'utilisation d'armes chimiques et s'inquiète de la possibilité que les inspecteurs de l'ONU parviennent à en obtenir la preuve.

Le rapport présente également une carte détaillée des faubourgs de Damas touchés par l'attaque chimique du 21 août. La voici :



01/09/2013
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Politique & Société pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 8 autres membres