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Integrismes musulmans et chrétiens

L'Observatoire de la censure

Créé en 2004 par Orphéon - Bibliothèque de théâtre Armand-Gatti, l'Observatoire de la censure réunit des artistes, écrivains, éditeurs, programmateurs, bibliothécaires, journalistes... C'est un lieu de réflexion et d'information sur la censure, l'autocensure et la liberté d'expression. Il décerne chaque année le Prix Tartuffe à un écrivain ou artiste victime de la censure, ou à un livre qui défend la liberté d’expression.


 

Charlie Hebdo N° 1011

 

La rédaction de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, a été détruite mercredi 2 novembre, vers 1h du matin, probablement suite au  jet d'un "cocktail molotov". L'incendie n'a fait aucun blessé (AFP, 2-11).
Le jour même, sortait dans les kiosques le n°1011 (16 pages) largement inspiré par la victoire du parti islamiste Ennahda en Tunisie et l'annonce de l'instauration de la charia en Lybie. Pour l'occasion, Mahomet était le rédacteur en chef de ce numéro, sous-titré "Charia Hebdo" et promettait "100 coups de fouets si vous n'êtes pas morts de rire". En page 6, Charb illustrait la manifestation du 29 octobre des catholiques conservateurs contre la pièce de Castellucci. Jean-Yves Camus analysait la composition de la procession-cortège et titrait son article: "Cathos et musulmans intégristes, main dans la main."
"En raison du jour férié de la Toussaint, nous avions bouclé exceptionnellement ce numéro dimanche et nous avions transmis le lendemain une newsletter aux journalistes pour annoncer une partie de son contenu. Certains d'entre eux ont tweeté la une du journal qui s'est très vite répandue sur les réseaux sociaux. À partir de là, on a reçu beaucoup de menaces anonymes" explique Sylvie Coma. Des protestations ont commencé à circuler sur Twitter sur le thème "cette couverture est une insulte". Certains suggéraient même d'acheter le journal pour le brûler. "Les gens se sont enflammés pour un journal dont ils ne connaissaient pas le contenu", s'étonne Charb (Le Monde 2-11).
Mercredi matin vers 7 heures 30, le site de l'hebdomadaire renvoyait à une page montrant La Mecque avec ce slogan: "Not god but Allah" (pas d'autre Dieu qu'Allah). Le piratage était revendiqué  par  Akincilar,  un groupe de hackers turcs qui s'est donné pour "mission" de lutter contre tous les sites qui attaquent "nos croyances et nos valeurs morales et qui proposent des contenus pornographiques et satanistes". Le groupe de hackers affirme n'avoir "rien à voir avec l'agression au cocktail Molotov" des locaux de Charlie Hebdo. "Nous ne soutenons pas du tout ce type d'attaque perpétrée avec violence", conclut-il. (Nouvel Obs, 3-11)

Toute la classe politique - Front national compris - a dénoncé l'incendie volontaire du siège de l'hebdomadaire. Le premier ministre a demandé au ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, que "toute la lumière soit faite" et que "les auteurs soient poursuivis". Le ministre de l'intérieur s'est rendu sur place, 62 boulevard Davout, et a déclaré "qu'on aime ou qu'on n'aime pas Charlie Hebdo, tout le monde, tous les Français doivent se sentir ce matin solidaires d'un journal qui exprime par son existence et par sa façon d'être, la liberté de la presse." Il a dit faire "une très nette distinction entre ceux qui vivent leur foi de façon paisible et ceux qui veulent faire de l'islam un élément de conquête, d'impérialisme intellectuel à l'égard de la société, et, pour certains d'entre eux encore, se livrent à des agressions." (AFP, 2-11) À propos des "intégristes chrétiens", il a déclaré : «Les intégristes chrétiens, comme vous les qualifiez, protestent, ils expriment aussi des opinions, il ne brûlent pas.» (Rue 89, 2-11) 

La majorité des médias a exprimé sa solidarité avec l'hebdomadaire. Les dessinateurs ont manifesté leur soutien par de nombreux dessins. link

Plusieurs journaux ont proposé d'accueillir la rédaction, à la rue. Dès mercredi après-midi, toute l'équipe était hébergée dans les locaux de Libération et se mettait au travail. Le lendemain, Charlie Hebdo faisait la Une de Libération avec un dessin de Catherine montrant un Sarkozy en colère s'exclamant : «Après la Grèce, sauver Charlie... Quinquennat de merde ! » À l'intérieur,  une double page de 25 dessins réalisés à chaud, démontrait que Charlie Hebdo est en pleine forme, voire "pète le feu".
Le numéro 1012 de Charlie Hebdo  sortira dans les kiosques, mercredi 9 novembre 2011.

 

Charlie Hebdo N° 1012

Mardi 8 novembre 2011
 

C. et R. Castellucci - Les Pélerins de la matière

 

Acte 4,  du 25 au 31 octobre 2011

Mardi 25 octobre 2011, 20h30 :
"Des fondamentalistes chrétiens ont à nouveau tenté de perturber la pièce (...) À l'entrée du théâtre, mardi soir, des vigiles fouillaient les spectateurs pour s'assurer notamment qu'ils n'entraient pas avec des tracts ou avec des objets susceptibles de perturber une nouvelle fois la représentation. Outre la fouille corporelle, manteaux et sacs devaient être laissés au vestiaire."  (Parisien /AFP, 25 et 26-10-2011). Dans son journal, Demarcy-Mota note: "heurts violents aux abords du théâtre, 138 interpellations, pas d'interruption de la représentation."  
En soirée, l'Église de France réclame "une liberté d'expression respectueuse du sacré". Elle condamne les «violences perpétrées lors de récents spectacles et promeut le dialogue et la foi», selon le porte-parole de la Conférence des évêques de France Bernard Podvin. Elle réagit «quand c’est nécessaire, avec détermination, et toujours par moyens pacifiques», a  poursuivi le prélat, rappelant qu’il avait critiqué en septembre le spectacle «Golgota Picnic». La Conférence des Evêques «appelle à une liberté d'expression respectueuse du sacré. Elle appelle à un échange avec les élus, concernant cet enjeu... L’Eglise catholique en France n’est, ni intégriste, ni obscurantiste. Les catholiques aspirent, comme citoyens, à être respectés dans ce qui est le cœur de leur foi», a conclu Mgr Podvin. (La Tribune de Genève, 26-10- 2011) .

Mercredi 26 octobre 2011
Pour La Croix, "L’Église de France a pris ses distances avec les débordements orchestrés" autour de la pièce de Castellucci, dégage sa responsabilité et se démarque de "l’Institut Civitas, proche des intégristes" qui "organise la contestation". Le journal rappelle  que "l’Institut Civitas est un des héritiers directs de la Cité catholique, fondée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par Jean Ousset (1914-1994). Disciple de Maurras,  hostile à la Révolution française, il avait décidé de se consacrer à la formation d’une élite politique capable de contribuer au renouveau de la France. En 1960, les évêques de France mettront fermement en garde contre les « dangers » de la Cité catholique dont l’influence est grande dans l’armée, notamment en Algérie où Verbe, la revue de la Cité catholique, justifie la torture au nom de saint Thomas d’Aquin."
Selon Alain Escada, secrétaire général de l'Institut Civitas, les chrétiens traditionalistes reprocheraient au "créateur", Romeo Castellucci, de mettre en scène un portrait géant du Christ, qui se retrouve à des moments de la pièce «souillé», «en laissant penser que c'est de la matière fécale qui vient le salir et de blesser ainsi tant de croyants».(Le Figaro, 26-10-2011)
De son côté, Valentin Lagarès (Paris Art.com, 26-10) clame "Non aux intégristes anti-culture de tout bord!" et persiste: "Au final, l'image christique est bombardée par ces désormais fameux excréments ainsi que par des lancés de grenades en plastique."

Dans un entretien avec Fabienne Darge (Le Monde, 26-10), Romeo Castellucci déclare que "Nulle part nous n'avons eu à faire face à ces intimidations, à ces tentatives de censure (...)  On m'accuse plutôt d'être trop chrétien! Ce qui se passe à Paris est une première, inquiétante pour un pays comme la France. (...) Je fais un théâtre du questionnement, de l'inquiétude, qui joue sur l'ambiguïté (...) L'art repose entièrement sur cette condition de poser des problèmes, sinon il est purement décoratif. Dans notre monde, nous sommes gavés d'informations, mais quelles sont les informations justes dont nous avons besoin pour continuer à vivre? Aujourd'hui, la religion a perdu sa capacité de poser des questions, et l'art a pris sa place. Je crois que ces extrémistes sont jaloux de cette spiritualité profonde qui s'est réfugiée dans l'art."

Le même jour, à l'initiative du Théâtre de la Ville, naissance d'un comité de soutien intitulé "Le Théâtre contre le Fanatisme". Les signataires de l'appel dénoncent des "agissements graves" qui "prennent une tournure fascisante. (...) Que ces groupes d'individus violents et organisés, qui se réclament de la religion contre une soi-disant"christianophobie", obéissent à des mouvements religieux ou politiques, demande une enquête ; pour nous, en tout cas, ces comportements relèvent à l'évidence du fanatisme, cet ennemi des Lumières et de la liberté contre lequel, à de glorieuses époques, la France a su si bien lutter."
"Mercredi soir, des manifestants sont parvenus à «rentrer dans le théâtre et ont jeté des boules puantes dans la salle» en scandant «Christianophobie, ça suffit !», rapporte une source policière. Ces perturbateurs appartiennent aux groupes France Action Jeunesse, Action française, Renouveau français et institut Civitas." (Le Figaro, 27-10) Malgré trois perturbations, "le spectacle n’a jamais été interrompu, les acteurs ayant suivi les consignes données de continuer à jouer quand cela était possible" note Demarcy-Mota. 19 nouvelles personnes en garde à vue.



09/11/2011
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