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INFO LIBE: J.O. ET POLITIQUE

«Le CIO est un allié des Nations unies»

26 juillet 2012 à 20:26
Pascal Boniface.
Pascal Boniface. (Photo Charles Platiau. Reuters)

Interview Fondateur et directeur de l’Iris, Pascal Boniface a publié plusieurs ouvrages mêlant sport et géopolitique.

Par GILLES DHERS

Directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), Pascal Boniface vient de publier JO politiques (1).

L’apolitisme des Jeux est-il un mythe ?

C’est un mythe, et surtout une grande hypocrisie. Dès le départ, les Jeux sont politiques, puisque Pierre de Coubertin avait pour objectif la réconciliation des nations par le sport. Si ce n’est pas un objectif politique… Il avait aussi un autre but, un peu moins noble et vertueux : la revanche contre l’Allemagne. La défaite de 1870 était fortement attribuée à la meilleure préparation physique des soldats allemands grâce au sport. Coubertin pensait qu’en préparant physiquement la jeunesse française, il l’aguerrissait. Il voyait double : un œil sur l’universalisme, un autre sur la ligne bleue des Vosges.

Quels furent les Jeux les plus politiques ?

Il faut se demander quels sont ceux qui ne l’ont pas été. Hormis les Jeux de Berlin, en 1936, et le choc entre l’athlète noir Jesse Owens et Adolf Hitler, si je ne devais retenir qu’un événement olympico-politique, ce serait le poing levé de Carlos et Smith en 1968 à Mexico, parce qu’il signifie que le sport n’est pas un opium du peuple, mais qu’il peut être un révélateur de revendications politiques. A une époque où les télévisions étaient moins présentes, ce geste a tout de même eu un retentissement mondial et révélé toute l’hypocrisie du Comité internationale olympique [CIO], qui n’avait rien dit lors du massacre par l’armée de plus de 300 étudiants dix jours avant les Jeux, pour ne pas mélanger sport et politique, mais qui allait punir ces deux athlètes qui entendaient dénoncer la ségrégation raciale encore très forte aux Etats-Unis à cette époque.

Les Jeux ont souvent transposé sur le terrain sportif des oppositions politiques. Ont-ils parfois aidé à résoudre des crises ou à faire progresser des causes «justes» ?

Oui, le combat contre l’apartheid par exemple. Il ne faut pas tomber dans l’illusion que c’est grâce au sport et aux JO que l’apartheid a été démantelé, mais les Jeux ont été une tribune, puisque l’Afrique du Sud en a été exclue avant de l’être de la communauté internationale. C’est par le sport, à la demande des pays africains qui étaient entrés au CIO, que le pays a été banni des Jeux avant de l’être de l’ONU.

Aujourd’hui, quelle cause le mouvement olympique pourrait-il porter?

L’égalité hommes-femmes, avec une vraie question sur la participation de l’Arabie Saoudite, qui prétexte qu’elles n’ont pas le niveau pour refuser d’envoyer des femmes aux Jeux, ce qui est d’une hypocrisie majeure [le pays enverra finalement deux femmes à Londres, ndlr].

Quelle pourrait être la prochaine décision très politique du CIO ?

Toutes ses décisions le sont. On le constatera dès l’an prochain avec la désignation de la ville hôte des Jeux de 2020 : choisira-t-il Istanbul, aux confins des continents asiatique et européen, plutôt que Madrid ou Tokyo ? La personnalité du successeur de Jacques Rogge à la tête de l’institution sera également déterminante.

L’économique ne l’a-t-elle pas emporté sur le politique en matière olympique ?

Ça a toujours été le cas. Il se passera beaucoup de temps avant que les Jeux soient confiés au Zimbabwe ou à Haïti. Les Jeux sont plus difficiles à organiser qu’une Coupe du monde de foot, et les villes ne peuvent s’engager qu’avec le soutien financier de l’Etat. Même si l’on voit une multipolarisation des Jeux - avec Pékin en 2008, Rio de Janeiro en 2016 -, on n’imagine pas les voir attribués à un membre du club des pays les moins avancés. L’attribution des JO ne se dispute plus uniquement entre pays blancs et riches, mais toujours entre pays riches.

Des Jeux en Afrique, c’est possible ?

Oui si le CIO acceptait le principe d’une coorganisation entre plusieurs pays. Il serait légitime que l’Afrique organise les Jeux, de façon à ce que le cinquième anneau représente non seulement les pays participants, mais aussi les pays les organisant.

Le CIO, qui revendique plus de membres, est-il un allié ou un rival de l’ONU ?

Le CIO est un allié des Nations unies, parce qu’il ne prétend pas faire leur boulot, mais permet par exemple à Israël et la Palestine ou à la Chine et Taiwan de coexister, ce qu’ils ne peuvent pas faire à l’ONU.

Quelle sera la prochaine polémique olympique ?

Un pronostic : dès la fin des Jeux de Londres, il va y avoir une campagne pour le boycott des Jeux d’hiver 2014 à Sotchi, parce qu’ils ont lieu en Russie… Mais je ne pense pas qu’un boycott des JO puisse se reproduire [après ceux de 1976 à Montréal, 1980 à Moscou et 1984 à Los Angeles, ndlr],parce que tout le monde veut participer à l’événement et que le CIO menace d’exclure les pays qui boycotteraient les Jeux.

Quel est l’enjeu politique des Jeux de Londres ?

Il est sécuritaire. Qu’il n’y ait pas d’attentat, ceux qui sont survenus en 2005, deux jours après l’attribution des Jeux restent dans toutes les mémoires, et la crainte accompagne désormais tout événement mondialisé. Pour Londres, il s’agit aussi, dans une période un peu morose, d’apparaître comme la ville européenne la plus mondiale, notamment par rapport à Berlin ou Paris



28/07/2012
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