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IL FAUT S'ATTAQUER AUX PARADIS FISCAUX 1

Gabriel Zucman: « il faut s'attaquer aux paradis fiscaux »Médiapart)

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Gabriel Zucman, doctorant à l'École d'économie de Paris, est spécialiste des paradis fiscaux. Il est l'auteur d'une étude retentissante, publiée en 2011, sur « la richesse manquante des Nations », dans laquelle il chiffrait à 6 000 milliards d'euros le montant des placements des ménages dans les paradis fiscaux (lire sous l'onglet Prolonger). Dans un entretien à Mediapart, cet économiste exhorte François Hollande à « prendre le leadership d'une coalition de pays européens » pour en finir avec le secret bancaire en Suisse et dans d'autres paradis fiscaux : « C'est la seule réponse raisonnable à l'affaire Cahuzac », juge-t-il.

L'affaire Cahuzac montre-t-elle une évolution de la Suisse en matière de secret bancaire ?

Non. S'il n'y avait pas eu l'enregistrement sur un téléphone portable de la voix de Jérôme Cahuzac, que Mediapart a diffusé, l'existence du compte n'aurait jamais été révélée. Le secret bancaire suisse reste intact, hormis ces cas exceptionnels.

Quand Pierre Moscovici, ministre de l'économie, a fait jouer le traité d'échange d'information à la demande, entre la Suisse et la France, en janvier, il semble qu'on lui ait répondu par la négative. Alors que le compte existait bien. C'est la preuve que ces traités « à la demande » ne servent à rien, puisqu'il faut quasiment avoir la réponse à sa question pour correctement formuler la question en amont...

Que retenez-vous de l'affaire Cahuzac ?
Elle prouve que le problème de l'évasion fiscale est majeur. Or, la solution à ce problème est très simple : il faut mettre en place un échange automatique d'information avec les banques installées dans les paradis fiscaux.

À l'intérieur d'un pays comme la France, cet échange automatique fonctionne très bien. Si je touche de l'argent sur mon compte, Bercy est au courant : ce sera pré-rempli sur ma feuille d'impôts. Il suffit d'élargir ce mécanisme à l'échelle internationale pour que les paradis fiscaux disparaissent. Techniquement, c'est très simple.

Problème majeur, solution très simple : il faut désormais mettre le pouvoir français face à ses contradictions. Est-il prêt à prendre le leadership d'une coalition de pays européens pour forcer la Suisse et d'autres paradis fiscaux à abandonner ce secret bancaire ? C'est la seule réponse raisonnable, à mes yeux, à l'affaire Cahuzac.

À quoi pensez-vous ?
François Hollande doit se lancer dans une tournée des capitales européennes. Il doit expliquer à ses homologues qu'il n'avait aucune technique à sa disposition pour savoir que son ministre du budget disposait d'un compte en Suisse. Une fois constituée, cette coalition doit faire pression, et menacer les paradis fiscaux de sanctions. La Suisse, face aux menaces conjointes de l'Allemagne et la France, pliera. Le Luxembourg aussi. Ensuite, il faudra élargir la coalition pour l'Asie.

Toute autre réponse à l'affaire Cahuzac serait choquante. Penser que faire voter de nouvelles lois en France résoudra le problème est une erreur. C'est même un écran de fumée, une mascarade. C'est se moquer du peuple. Au XXIe siècle, la lutte contre les paradis fiscaux ne passe pas par de nouvelles lois pour le territoire français – il faut construire des rapports de force à l'international.

Quelles sanctions imaginez-vous pour faire bouger la Suisse ?
Par exemple retirer la licence bancaire des banques suisses en France ou en Allemagne.

C'est ce qu'ont menacé de faire les États-Unis avec UBS en 2009.
Oui, et cela a fonctionné : UBS a fini par fournir sa liste de clients aux autorités américaines. On peut aussi imaginer que l'on menace de fermer nos frontières avec la Suisse. De toutes les façons, les banques suisses ne peuvent pas se permettre de perdre leur accès aux marchés français ou allemands.

La lutte contre les paradis fiscaux est une priorité depuis 2009, portée par le G-20 et l'OCDE, et les résultats sont quasiment invisibles. Ce n'est donc pas si simple à mettre en place, quel que soit votre volontarisme...  
G-20, OCDE, Union européenne : ces enceintes ne sont pas le bon cadre. On trouvera toujours des pays qui bloqueront la dynamique pour préserver leurs intérêts. Il faut donc en sortir et bâtir une coalition appropriée. Ne serait-ce qu'une position commune de la France et de l'Allemagne suffirait pour faire bouger les choses. Il suffit que François Hollande se rende à Berlin. C'est aussi simple que cela.

Gabriel Zucman: « il faut s'attaquer aux paradis fiscaux »

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Gabriel Zucman, doctorant à l'École d'économie de Paris, est spécialiste des paradis fiscaux. Il est l'auteur d'une étude retentissante, publiée en 2011, sur « la richesse manquante des Nations », dans laquelle il chiffrait à 6 000 milliards d'euros le montant des placements des ménages dans les paradis fiscaux (lire sous l'onglet Prolonger). Dans un entretien à Mediapart, cet économiste exhorte François Hollande à « prendre le leadership d'une coalition de pays européens » pour en finir avec le secret bancaire en Suisse et dans d'autres paradis fiscaux : « C'est la seule réponse raisonnable à l'affaire Cahuzac », juge-t-il.

L'affaire Cahuzac montre-t-elle une évolution de la Suisse en matière de secret bancaire ?

Non. S'il n'y avait pas eu l'enregistrement sur un téléphone portable de la voix de Jérôme Cahuzac, que Mediapart a diffusé, l'existence du compte n'aurait jamais été révélée. Le secret bancaire suisse reste intact, hormis ces cas exceptionnels.

Quand Pierre Moscovici, ministre de l'économie, a fait jouer le traité d'échange d'information à la demande, entre la Suisse et la France, en janvier, il semble qu'on lui ait répondu par la négative. Alors que le compte existait bien. C'est la preuve que ces traités « à la demande » ne servent à rien, puisqu'il faut quasiment avoir la réponse à sa question pour correctement formuler la question en amont...

Que retenez-vous de l'affaire Cahuzac ?
Elle prouve que le problème de l'évasion fiscale est majeur. Or, la solution à ce problème est très simple : il faut mettre en place un échange automatique d'information avec les banques installées dans les paradis fiscaux.

À l'intérieur d'un pays comme la France, cet échange automatique fonctionne très bien. Si je touche de l'argent sur mon compte, Bercy est au courant : ce sera pré-rempli sur ma feuille d'impôts. Il suffit d'élargir ce mécanisme à l'échelle internationale pour que les paradis fiscaux disparaissent. Techniquement, c'est très simple.

Problème majeur, solution très simple : il faut désormais mettre le pouvoir français face à ses contradictions. Est-il prêt à prendre le leadership d'une coalition de pays européens pour forcer la Suisse et d'autres paradis fiscaux à abandonner ce secret bancaire ? C'est la seule réponse raisonnable, à mes yeux, à l'affaire Cahuzac.

À quoi pensez-vous ?
François Hollande doit se lancer dans une tournée des capitales européennes. Il doit expliquer à ses homologues qu'il n'avait aucune technique à sa disposition pour savoir que son ministre du budget disposait d'un compte en Suisse. Une fois constituée, cette coalition doit faire pression, et menacer les paradis fiscaux de sanctions. La Suisse, face aux menaces conjointes de l'Allemagne et la France, pliera. Le Luxembourg aussi. Ensuite, il faudra élargir la coalition pour l'Asie.

Toute autre réponse à l'affaire Cahuzac serait choquante. Penser que faire voter de nouvelles lois en France résoudra le problème est une erreur. C'est même un écran de fumée, une mascarade. C'est se moquer du peuple. Au XXIe siècle, la lutte contre les paradis fiscaux ne passe pas par de nouvelles lois pour le territoire français – il faut construire des rapports de force à l'international.

Quelles sanctions imaginez-vous pour faire bouger la Suisse ?
Par exemple retirer la licence bancaire des banques suisses en France ou en Allemagne.

C'est ce qu'ont menacé de faire les États-Unis avec UBS en 2009.
Oui, et cela a fonctionné : UBS a fini par fournir sa liste de clients aux autorités américaines. On peut aussi imaginer que l'on menace de fermer nos frontières avec la Suisse. De toutes les façons, les banques suisses ne peuvent pas se permettre de perdre leur accès aux marchés français ou allemands.

La lutte contre les paradis fiscaux est une priorité depuis 2009, portée par le G-20 et l'OCDE, et les résultats sont quasiment invisibles. Ce n'est donc pas si simple à mettre en place, quel que soit votre volontarisme...  
G-20, OCDE, Union européenne : ces enceintes ne sont pas le bon cadre. On trouvera toujours des pays qui bloqueront la dynamique pour préserver leurs intérêts. Il faut donc en sortir et bâtir une coalition appropriée. Ne serait-ce qu'une position commune de la France et de l'Allemagne suffirait pour faire bouger les choses. Il suffit que François Hollande se rende à Berlin. C'est aussi simple que cela.



10/04/2013
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