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HOLLANDE: SES PARADOXES

Président depuis un an, c’est pas la fête (libération)

Le président de la République sur le parvis de l'Elysée après le Conseil des ministres du 24 avril.
Le président de la République sur le parvis de l'Elysée après le Conseil des ministres du 24 avril. (Photo Sébastien CALV

Chef de l’Etat le plus impopulaire de la Ve République après douze mois de mandat, François Hollande a réussi à concentrer les critiques de la droite et d’une partie de la gauche.

Pour un anniversaire, c’est un anniversaire. Hier, la gauche radicale et les activistes d’une droite traditionnelle et catholique se sont donné rendez-vous dans la rue pour souffler la bougie des un an de François Hollande à l’Elysée. Un concours de circonstance aussi rare dans l’histoire de la Ve République que révélateur d’un climat politique électrique. Un peu partout en France, Frigide Barjot et Christine Boutin, au nom de leur opposition viscérale à ce «mariage pour tous», pourtant déjà voté, ont continué leur croisade du désespoir. De l’autre côté du spectre politique, le Front de gauche a réuni hier ses partisans à Paris pour dénoncer la «politique d’austérité» et appeler à une «VIe République».

Les proches du chef de l’Etat pourront toujours se rassurer en se disant que la barre des 100 000 manifestants attendus par Jean-Luc Mélenchon n’a pas été atteinte (lire pages 14-15). Maigre consolation. Car ce double cortège a un effet miroir, grossissant et déformant, pas franchement glorieux : celui d’un président seul, attaqué sur sa droite et sur sa gauche. La République «apaisée et rassemblée», dont il avait pourtant fait la grande ambition de son quinquennat, semble n’avoir jamais été aussi fracturée. «Ce n’est pas vrai, conteste un proche de Hollande. A cause de la crise, la société française est déprimée, désillusionnée. Mais ni hystérique ni violente. C’est le débat politico-médiatique qui l’est aujourd’hui, pas la société.» Ministre du Travail et fidèle de Hollande, Michel Sapin abonde : «Lors de mes déplacements, je ne ressens pas de violence à notre endroit. Je suis convaincu que cette bulle médiatique vit sa vie déconnectée de l’état réel du pays.» Tout juste les proches du Président admettent que ce climat contribue à entretenir une spirale dépressive.

Perles. Il y a dans cette première année de quinquennat un double paradoxe. Aussi intrigant qu’inquiétant pour l’exécutif. Impopulaire comme ne l’ont jamais été ses prédécesseurs, François Hollande n’en finit pas d’être critiqué, sans pour autant avoir commis de grosses fautes de comportement. Sur la même période, Nicolas Sarkozy avait déjà collectionné quelques perles : son Fouquet’s, ses vacances sur le yacht de Bolloré et son cultissime «Avec Carla, c’est du sérieux». Avec Hollande, rien d’équivalent. Plus troublant, il est devenu le réceptacle de toutes les critiques, y compris quand elles sont contradictoires. A les entendre, il pourrait à la fois ne pas avoir de cap et ne pas savoir en changer, décider seul ou écouter trop, parler beaucoup et pas assez, être cassant ou trop mou… «C’est bien la preuve que ce procès qui lui est fait ne tient pas debout, défend Najat Vallaud-Belkacem, la porte-parole du gouvernement. Le personnage a de multiples facettes et il n’est pas réductible à une caricature.»

Surtout, sa psychologie et ses convictions sociales-démocrates s’accordent mal avec le président monarque de la Ve République. «Une partie des Français est très attachée à cette image du chef, surtout après le quinquennat de Nicolas Sarkozy, reconnaît un leader de la majorité. Cela peut contribuer à susciter une incompréhension voire une attente dans cette période de crise.» Le même admet que l’affirmation de l’autorité présidentielle peut être «une des clés du redressement» du chef de l’Etat dans les sondages. Et de citer comme référence le Hollande chef des armées au Mali. Le problème n’est pas que «François Hollande n’a pas d’autorité, car il en a, confie un conseiller ministériel. Mais il n’a pas envie de l’exercer sur ses ministres, comme certains le souhaiteraient». «Il n’est pas fait comme ça», balaye un fidèle.

Non-dits. Le second paradoxe est tout aussi déconcertant. Voilà un président dont les piliers de la politique économique (rigueur budgétaire, priorité à la compétitivité, réformes structurelles) sont approuvés par une large majorité de l’opinion. Pour ne pas dire de l’hémicycle. Ce n’est pas un hasard si une partie de la droite a voté trois textes consubstantiels au hollandisme : le pacte de compétitivité, les contrats de génération et la transposition de l’accord entre partenaires sociaux sur la réforme du marché du travail. Pourtant, ce gouvernement donne l’impression d’être ultraminoritaire. Conspué par la droite et de plus en plus contesté à gauche, y compris dans sa propre majorité. Pourquoi ? Même si Hollande a les idées claires, il a beaucoup avancé en non-dits.

C’est vrai pour sa politique économique. «Il ne peut aller au bout de sa logique sociale-démocrate, car il sait qu’il ne sera pas suivi par sa majorité, décrypte un député PS. Donc il a été obligé de marier Moscovici et Montebourg avec ce que cela a produit comme couacs.» C’est aussi vrai pour sa politique européenne. «C’est la seule efficace, assure un ministre pas franchement hollandais. Donner des gages à Berlin, tout en cherchant à se ménager des marges de manœuvre pour ne pas sombrer dans l’austérité. Mais cette politique est difficilement lisible, car on ne peut pas l’expliciter aux Français.»Et, comme le Président a négligé le service après-vente de grandes avancées de gauche (non-cumul, mariage pour tous, retraite à 60 ans pour les carrières longues…), ne reste qu’une amère sensation de frustration.



06/05/2013
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