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HOLLANDE A LEOANARDA: LA SYNTHESE PARADOXALE "QUI TUE"

Hollande à Leonarda: «Ta famille, tu l'aimes ou tu la quittes» (médiapart)

|  Par Carine Fouteau

Expulsée vers le Kosovo, Leonarda Dibrani est invitée à revenir en France. Mais seule, sans sa famille. Telle est l'improbable décision annoncée samedi par François Hollande lors d’une courte allocution télévisée. Une solution cherchant un compromis entre Manuel Valls et Jean-Marc Ayrault qui, au bout du compte, ne convient à personne. 

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Expulsée vers le Kosovo avec sa famille, Leonarda Dibrani, âgée de 15 ans, est invitée à revenir en France. Son père, sa mère et ses frères et sœurs ne sont quant à eux pas autorisés à prendre de vol retour. Telle est la décision schizophrénique annoncée par François Hollande, samedi 19 octobre, lors d’une courte allocution télévisée. « Si elle souhaite poursuivre sa scolarité en France, un accueil lui sera réservé, à elle seule », a-t-il indiqué, tout en ajoutant qu’une instruction allait être adressée aux préfectures pour interdire les interpellations dans le cadre scolaire. La jeune fille, dont l’arrestation par les policiers lors d’une sortie scolaire a mis le pays en émoi, est sommée de choisir entre la France et sa famille, rappelant à l'envers l'injonction sarkozyste : « La France, tu l'aimes ou tu la quittes. »

Cette issue improbable intervient après plusieurs jours de mobilisation de milliers de lycéens et des étudiants, également montés au créneau contre l’expulsion du jeune Khatchik Kachatryan vers l’Arménie, et de fronde de nombreux élus socialistes, exprimée pour la première fois massivement, contre l’action de Manuel Valls. Elle se veut un compromis entre la position du premier ministre venu à l’Assemblée nationale déclarer que « s’il y a eu faute (…), cette famille reviendra », et celle du ministre de l’intérieur, refusant catégoriquement cette possibilité – il aurait menacé de démissionner – au nom du respect des décisions préfectorales.

Pourtant, étant donné son caractère faussement habile, la solution présidentielle, raillée à droite (François Fillon a critiqué une « indécision caricaturale et lâche », Éric Ciotti un « renoncement à l’autorité de l’État (…) en dépit des décisions de justice » et Jean-Louis Borloo une position « incompréhensible tant en termes du respect de la loi que du respect de l’unité d’une famille »), est de nature à ne satisfaire personne à gauche. Les partisans du retour de la famille refusent de séparer la jeune fille de ses parents et de ses frères et sœurs et, pire, de faire peser sur elle le choix cornélien de revenir seule ou de rester avec ses proches. Quant aux opposants au retour, ils fustigent une option mettant en cause, selon eux, l’État de droit.

Tout en saluant pour la forme une « décision d’humanité », Harlem Désir, au nom du PS, laisse filtrer sa déception en affirmant souhaiter que la jeune fille puisse revenir accompagnée de sa mère et de ses frères et sœurs. Le Parti de gauche dénonce une « cruauté abjecte », tandis que le PCF condamne une « grave faute politique et morale ». « La ligne Valls, dans la continuité du sarkozysme, est confortée alors qu’il faut changer la loi et mettre fin sans délai à toutes les expulsions de jeunes étrangers scolarisés », tonne Olivier Dartigolles, porte-parole communiste. Pour les étudiants de l’Unef, la proposition présidentielle est « incompréhensible » et « choquante » car elle place Leonarda « dans une situation intenable ».

Pour ne pas laisser s’écharper Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls, François Hollande a donc décidé de prendre la parole lui-même dans le cadre figé d’une déclaration de cinq minutes enregistrée face caméra à l’Élysée, exercice réservé aux annonces périlleuses (le précédent étant la démission du ministre du budget Jérôme Cahuzac). « Les conditions de l’éloignement de la jeune Leonarda ont suscité, et je le comprends parfaitement, une légitime émotion notamment dans la jeunesse », a-t-il commencé avant d’en venir à l’enquête diligentée par l’Inspection générale de l’administration (IGA) (la consulter dans son intégralité). « L’enquête, affirme-t-il, confirme qu’aucune règle de droit n’a été enfreinte dans l’examen de la situation de la famille de Leonarda et pas davantage dans la décision de mettre en œuvre l’obligation de quitter le territoire parce que toutes les voies de recours avaient été épuisées. Mais l’enquête indique aussi que l’interpellation de la collégienne s’est déroulée à l’occasion d’une sortie scolaire. Même si la prise en charge a eu lieu à l’abri des regards, c’est une infraction par rapport à ce que l’on peut penser être la possibilité d’interpeller une enfant. Il n’y a donc pas eu de faute, la loi a été parfaitement respectée, mais il y a eu un manque de discernement dans l’exécution de l’opération. »

Estimant que « l’école doit être préservée des conflits de la société », François Hollande a demandé à Manuel Valls d’adresser une circulaire aux préfets prohibant toute interpellation d’enfants « dans le cadre scolaire, aussi bien dans les établissements que dans les transports, les sorties ou les centres de loisirs ». Le paradoxe est qu’un texte de ce type, signé en 2005 par Nicolas Sarkozy alors ministre de l’intérieur, était en vigueur lors du quinquennat précédent. Et qu’il a été abrogé, au début de la nouvelle mandature, par une circulaire du 28 novembre 2012, signée par… Manuel Valls. « Si elle en fait la demande, a conclu le chef de l’État à propos de Leonarda, compte tenu des circonstances et si elle veut poursuivre sa scolarité en France, un accueil lui sera réservé. Et à elle seule. » Le principe de l’unité de la famille, mis en avant pour justifier l’expulsion rapide vers le Kosovo, ne semble plus devoir prévaloir.

Vu la quantité de journalistes présents dans l’appartement où la famille Dibrani vit à Mitrovica, au Kosovo, la réaction de Leonarda n’a pas tardé à venir. « Je n’irai pas seule en France, je n’abandonnerai pas ma famille. Je ne suis pas la seule à devoir aller à l’école, il y a aussi mes frères et mes sœurs », a-t-elle déclaré. « Ne pas accepter notre retour, c’est du racisme », s’est-elle exclamée après avoir suivi en direct l’intervention du chef de l’État.



19/10/2013
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