François Hollande brille-t-il par sa constance - a priori louable - ou par son entêtement - dans ce cas funeste ? Seuls des résultats, «longs à apparaître mais qui sont là», a-t-il assuré mardi lors de ses vœux aux Français, viendront lever cette ambiguïté hollandaise. Une pratique du pouvoir moins velléitaire que ne le laissent penser les à-peu-près de l’exécutif, où il arrive de louvoyer mais où, au finale, on dévie peu. Quitte à susciter la déception et même la colère de son propre camp. Mardi, le chef de l’Etat n’a pas tracé un quelconque changement de cap, livrant même une feuille de route en droite ligne avec son début de quinquennat. Entre social-libéralisme décomplexé et démocratie sociale apaisante.

Confronté à une absence patente de résultats sur le plan économique et à une impopularité historique sous la Ve République, François Hollande paie cash son pari de mener son quinquennat à l’envers. Demandant d’emblée de lourds efforts au pays - a fortiori de façon moins juste que la campagne ne l’avait laissé entendre -, avec une perspective par nature hypothétique : la redistribution dans un second temps des fruits d’une croissance à ce prix retrouvée. Alors que 2014 donnera lieu aux premiers scrutins intermédiaires du quinquennat - municipales en mars, européennes en mai et sénatoriales en septembre -, le chef de l’Etat n’a pas fait, mardi, dans l’électoralisme, pas plus qu’il n’a cherché à soigner sa gauche. Assumant en bloc une année 2013 «intense et difficile» qui n’aura vu ni la croissance repartir, ni la courbe du chômage s’inverser.

Piégeuse. Pas de quoi justifier un changement d’orientation. Au contraire même, a semblé dire Hollande. S’il a concédé que «la crise s’est révélée plus longue et plus profonde que nous l’avions nous-mêmes prévu», il a aussi soutenu que sur le front de l’emploi «la tendance ces derniers mois s’améliore». Sans pouvoir étayer son bilan de fin d’année par un recul du chômage dans les faits. Après la baisse d’octobre, les mauvais chiffres de novembre l’ont même obligé à réassurer mardi que l’inversion, si, si, c’était vraiment pour bientôt. En se gardant cette fois de fixer une date précise, donc piégeuse. Alors que «l’essentiel» est, selon lui, «le destin économique, industriel, productif de notre pays dans les dix prochaines années», la compétitivité des entreprises et la réduction des déficits publics restent au cœur de l’action revendiquée par le chef de l’Etat. Qui n’a pas cité une seule fois son Premier ministre et a usé plus qu’à l’habitude de la première personne : «J’assumerai, moi-même, la responsabilité et le suivi de ce programme d’économies durant tout le quinquennat.» Ces économies, liées à une vraie réforme fiscale - elle aussi censée courir jusqu’en 2017 - doivent permettre de «baisser à terme» des «impôts devenus trop lourds à force de s’accumuler depuis de nombreuses années», a-t-il répondu au ras-le-bol fiscal. En se gardant bien d’évoquer la hausse de la TVA, dès le lendemain.

Deal. Affirmant encore un peu plus un socialisme de l’offre qui ne dit pas son nom et qu’il assure au service de la «bataille pour l’emploi» - toujours sa priorité -, Hollande a évoqué un «pacte de responsabilité aux entreprises»(lire ci-contre). Après le pacte de compétitivité de novembre 2012 et le choc de simplification du printemps, cette initiative va dans le même sens et se résume au deal suivant : moins de «charges sur le travail» - la gauche parle habituellement de «cotisations» - et moins de contraintes, contre «plus d’embauches et plus de dialogue social». A défaut de changer la vie de tous, le chef de l’Etat s’est de nouveau engagé à «simplifier la vie de chacun», notamment celle des entreprises. Plus inhabituel encore dans la bouche d’un président socialiste, il a dénoncé «les excès et les abus» liés à la Sécurité sociale et a défendu un recentrage de l’Etat sur ses «missions essentielles». De quoi braquer à gauche.

Ferme tout au long de son allocution, Hollande s’est fait solennel au moment d’affirmer, sur fond d’affaire Dieudonné, qu’il serait «intransigeant face au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations». Lançant : «La République, […] les lois ne sont pas négociables.» Pour plus de précisions et sûrement quelques touches d’humour, la troisième conférence de presse du quinquennat se tiendra le 14 à l’Elysée. Couplée aux vœux à la presse.

Jonathan BOUCHET-PETERSEN