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GENS DU VOYAGE: L'ESCALADE DE LA HAINE

Gens du voyage : l’escalade de la haine (libération)

 

Récit Les paroles du maire de Cholet sur l’extermination des gens du voyage font suite à la fronde des élus de droite au sujet des aires d’accueil.

Deux semaines. C’est le temps qu’il aura fallu pour que la polémique estivale autour des gens du voyage atteigne son point Godwin. «Comme quoi, Hitler n’en a peut-être pas tué assez», a grommelé Gilles Bourdouleix, le député et maire UDI de Cholet (Maine-et-Loire) après qu’un groupe de gens du voyage installé sur un terrain privé de sa commune l’a accueilli en faisant des saluts nazis. Niant mollement ces propos rapportés par le Courrier de l’Ouest en début de journée, Bourdouleix a ensuite accusé le journaliste d’avoir «bidouillé» l’enregistrement sonore mis en ligne sur le site du quotidien. Joint par Libération, le journaliste incriminé s’indigne : «Il n’y a aucun montage ! J’ai pris l’habitude, avec Bourdouleix, d’enregistrer systématiquement ses propos, parce que je sais qu’on va avoir droit à une phrase indéfendable ou une attaque en diffamation.»

 

Surenchère. Le dérapage spectaculaire de Gilles Bourdouleix n’est que l’aboutissement de la surenchère des élus de droite répondant à l’appel à la «révolte» lancé début juillet par Christian Estrosi, le député et maire de Nice. L’édile s’était alors vanté de ne pas «céder» et de «mater» autant les gens du voyage que les Roms, entretenant sciemment l’amalgame entre les premiers, citoyens français, et les migrants européens venus de Bulgarie et de Roumanie. Tous n’ont pas attendu la sortie du «guide pratique» du maire de Nice pour passer à l’action et la fronde des maires est allée crescendo avec la montée du mercure. Trois jours après la tirade musclée d’Estrosi, dont les accents virils évoquaient le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy en 2010, Christophe Priou, député et maire UMP de Guérande, envoyait sa démission au préfet de Loire-Atlantique. D’après lui, il s’agissait de manifester son «impuissance» face à l’installation illicite de 140 caravanes sur l’un des terrains de foot de sa commune. La semaine suivante, Jean-Yves Burnaud, élu divers droite de Château-d’Olonne (Vendée), fermait sa mairie au public après avoir pris soin de placarder aux volets du bâtiment des affiches évoquant le «ras-le-bol des stationnements illicites». Au Pays basque, le 18 juillet, le maire d’Ustaritz a, lui, fait recouvrir son terrain de rugby de lisier de cochon pour dissuader une mission tzigane de venir s’y installer. Une technique déjà utilisée par des syndicalistes de la FNSEA, en juin, dans les Yvelines, lors d’une opération baptisée «Récupérons nos terres», avec la bénédiction des élus locaux. Au même moment, Pierre Marmonier, maire d’une bourgade de l’est lyonnais confrontée ces dernières semaines à trois «invasions» de caravanes, envoyait lui aussi sa démission à la préfecture.

 

Aires. «Estrosi a vraiment réussi son coup», s’indigne Christophe Sauvé, secrétaire général de l’Association nationale des gens du voyage catholiques (ANGVC). Selon lui, ces déclarations à visée éminemment politique «sont là pour influencer l’opinion publique au moment où une proposition de loi sur les gens du voyage est en chantier à l’Assemblée.» Cette dernière, rédigée par le député PS Dominique Raimbourg et présentée à l’Assemblée le 17 juin, entend mettre en place un «mécanisme coercitif, un peu sur le modèle de la loi sur la construction des HLM, qui vise à ce qu’on puisse prendre l’argent à la commune qui refuse absolument les aires d’accueil prévues par la loi Besson», explique l’élu de Loire-Atlantique.

Treize ans après sa publication, la loi reste très inégalement appliquée. Ce texte impose aux communes de plus de 5 000 habitants de créer une aire pour les gens du voyage et aux départements de s’organiser pour accueillir les rassemblements estivaux en mettant à disposition des «aires de grand passage» pouvant accueillir jusqu’à 150 caravanes. Leur taux de réalisation au niveau national est de seulement 29%, contre 52% pour les aires d’accueil, fournissant aux missions évangéliques une justification le plus souvent légitime à leurs installations illicites sur les terrains publics des collectivités ignorant la loi (lire page 4).

Le dispositif prévu par Raimbourg a fait grincer des dents jusque dans les rangs du PS, poussant Manuel Valls à exiger l’ajout d’une contrepartie permettant aux maires d’expulser «plus facilement» les gens du voyage enfreignant la loi dans les villes jouant le jeu. Le préfet pourrait ainsi ordonner «l’évacuation» des terrains sous vingt-quatre heures, sans passer par un référé de justice.

Les associations craignent maintenant que la polémique ne bouscule le reste du texte, qui entend réformer une grande partie de la législation contraignante régissant la vie des itinérants depuis 1969. Et qui doit enfin les faire entrer dans le droit commun

 



23/07/2013
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