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FISCALISER LES ALLOCATIONS FAMILIALES ?

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Fiscaliser les allocations familiales : attention, sujet miné !

18 février 2013 à 14:40
Le siège parisien de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf)
Le siège parisien de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) (Photo Jack Guez. AFP)
Par DOMINIQUE ALBERTINI

Le gouvernement n’a rien annoncé que le débat est déjà lancé. En proposant de fiscaliser les allocations familiales, Didier Migaud a ébranlé un totem français. «On peut considérer que c’est une prestation qui rentre dans les revenus», a estimé dimanche le président de la Cour des comptes, tandis que l'exécutif se réfugie derrière un rapport à paraître. 

Déjà avancée par de précédents gouvernements, l'idée n'a jamais abouti. Sauf sous Lionel Jospin, pour quelques mois conclus par un piteux rétropédalage. Massives par leur nombre de bénéficiaires, emblématiques de la politique familiale française, significatives alors que la rigueur pèse lourd sur les ménages, les allocations familiales ne se laisseront pas réformer facilement. Les clés du débat.

Qui serait concerné ?

Beaucoup de monde : en septembre 2012, les allocations familiales profitaient à 4,8 millions de foyers, en grande majorité des familles à deux enfants. Le total des versement se monte à 12,9 milliards d’euros, soit environ 20% de l’ensemble des prestations des caisses d’allocations familiales (CAF). 

Les critères d'éligibilité sont relativement généreux, puisque n’y figurent ni le niveau de revenu, ni la nationalité. Pour percevoir les allocations familiales, il faut résider en France au moins six mois par an et avoir au moins deux enfants : l'allocation est dans ce cas de 127 euros mensuels. Elle peut monter jusqu'à 452 euros pour les familles à quatre enfants, et, au-delà, augmente de 162 euros pour chaque enfant supplémentaire. Les enfants de plus de quatorze ans bénéficient, en plus, d'une majoration de 63,5 euros.

Difficile, pour l'instant, de savoir qui perdrait à une réforme, et dans quelles proportions, car le projet gouvernemental n'est pas connu. Jean-Marc Ayrault ayant prôné une revalorisation des prestations familiales pour les familles les plus modestes, l’effort devrait cependant porter sur les ménages aisés. 

Quelle réforme ?

Officiellement, la proposition de Didier Migaud n’engage que lui. Résolu à réformer le système d’aide aux familles, le gouvernement attend pour se prononcer la remise du rapport qu’il a commandé à Bertrand Fragonard, président du haut conseil de la Famille. La lettre de mission adressée à ce dernier par Jean-Marc Ayrault préfigure cependant une réforme profonde : «Des mesures de redressement financiers s’imposent», écrit le Premier ministre, prônant une révision de «l'économie générale du système».

Concernant les allocations familiales, deux pistes semblent particulièrement probables. L'une, avancée par Didier Migaud, est leur fiscalisation, c'est-à-dire leur intégration au revenu des foyers imposé au barême de l'impôt sur le revenu. Pour le moment, les allocations familiales ne sont pas soumises à l'impôt. L'autre solution, évoquée par le Journal du Dimanche, est la réduction des prestations, via leur plafonnement ou l’introduction d’une condition de ressources. 

De plus, les allocations familiales ne seraient pas les seules prestations réformées : c'est l'ensemble de la branche «famille», dont le déficit 2013 devrait s'élever à 2,6 milliards d'euros, qui sera concerné. 

Pourquoi le sujet est-il si sensible ?

S'attaquer aux prestations familiales n'est jamais facile. Le gouvernement le sait, dont la récente réforme du quotient familial a été particulièrement combattue par l'opposition et les associations de familles. Dans les ministères concernés, on se souvient aussi de la réforme avortée de Lionel Jospin. En 1998, le Premier ministre socialiste avait voulu retirer le bénéfice des allocations familiales aux foyers les plus aisés, soit 8% des familles environ.

Résultat : une levée de boucliers quasi-générale et le retrait de la réforme quelques mois plus tard, malgré quelque 830 millions d'euros d'économies pendant son application. Trois ans plus tôt, le gouvernement Juppé avait, lui, renoncé à fiscaliser les allocations familiales. En 2010, enfin, le rapport Attali préconisait de les conditionner aux ressources du foyer, sans effet.

Pourquoi ces difficultés ? Le grand nombre de bénéficiaires, la puissance des associations familiales, le poids social et symbolique de la politique familiale en France sont autant de facteurs. Auxquels s'ajoute, aujourd'hui, un pouvoir d'achat déjà déprimé pour nombre de ménages. 

Fiscaliser les allocations familiales : attention, sujet miné !

 

18 février 2013 à 14:40

 

Le siège parisien de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf)
Le siège parisien de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) (Photo Jack Guez. AFP)

 

 

Par DOMINIQUE ALBERTINI

Le gouvernement n’a rien annoncé que le débat est déjà lancé. En proposant de fiscaliser les allocations familiales, Didier Migaud a ébranlé un totem français. «On peut considérer que c’est une prestation qui rentre dans les revenus», a estimé dimanche le président de la Cour des comptes, tandis que l'exécutif se réfugie derrière un rapport à paraître. 

Déjà avancée par de précédents gouvernements, l'idée n'a jamais abouti. Sauf sous Lionel Jospin, pour quelques mois conclus par un piteux rétropédalage. Massives par leur nombre de bénéficiaires, emblématiques de la politique familiale française, significatives alors que la rigueur pèse lourd sur les ménages, les allocations familiales ne se laisseront pas réformer facilement. Les clés du débat.

Qui serait concerné ?

Beaucoup de monde : en septembre 2012, les allocations familiales profitaient à 4,8 millions de foyers, en grande majorité des familles à deux enfants. Le total des versement se monte à 12,9 milliards d’euros, soit environ 20% de l’ensemble des prestations des caisses d’allocations familiales (CAF). 

Les critères d'éligibilité sont relativement généreux, puisque n’y figurent ni le niveau de revenu, ni la nationalité. Pour percevoir les allocations familiales, il faut résider en France au moins six mois par an et avoir au moins deux enfants : l'allocation est dans ce cas de 127 euros mensuels. Elle peut monter jusqu'à 452 euros pour les familles à quatre enfants, et, au-delà, augmente de 162 euros pour chaque enfant supplémentaire. Les enfants de plus de quatorze ans bénéficient, en plus, d'une majoration de 63,5 euros.

Difficile, pour l'instant, de savoir qui perdrait à une réforme, et dans quelles proportions, car le projet gouvernemental n'est pas connu. Jean-Marc Ayrault ayant prôné une revalorisation des prestations familiales pour les familles les plus modestes, l’effort devrait cependant porter sur les ménages aisés. 

Quelle réforme ?

Officiellement, la proposition de Didier Migaud n’engage que lui. Résolu à réformer le système d’aide aux familles, le gouvernement attend pour se prononcer la remise du rapport qu’il a commandé à Bertrand Fragonard, président du haut conseil de la Famille. La lettre de mission adressée à ce dernier par Jean-Marc Ayrault préfigure cependant une réforme profonde : «Des mesures de redressement financiers s’imposent», écrit le Premier ministre, prônant une révision de «l'économie générale du système».

Concernant les allocations familiales, deux pistes semblent particulièrement probables. L'une, avancée par Didier Migaud, est leur fiscalisation, c'est-à-dire leur intégration au revenu des foyers imposé au barême de l'impôt sur le revenu. Pour le moment, les allocations familiales ne sont pas soumises à l'impôt. L'autre solution, évoquée par le Journal du Dimanche, est la réduction des prestations, via leur plafonnement ou l’introduction d’une condition de ressources. 

De plus, les allocations familiales ne seraient pas les seules prestations réformées : c'est l'ensemble de la branche «famille», dont le déficit 2013 devrait s'élever à 2,6 milliards d'euros, qui sera concerné. 

Pourquoi le sujet est-il si sensible ?

S'attaquer aux prestations familiales n'est jamais facile. Le gouvernement le sait, dont la récente réforme du quotient familial a été particulièrement combattue par l'opposition et les associations de familles. Dans les ministères concernés, on se souvient aussi de la réforme avortée de Lionel Jospin. En 1998, le Premier ministre socialiste avait voulu retirer le bénéfice des allocations familiales aux foyers les plus aisés, soit 8% des familles environ.

Résultat : une levée de boucliers quasi-générale et le retrait de la réforme quelques mois plus tard, malgré quelque 830 millions d'euros d'économies pendant son application. Trois ans plus tôt, le gouvernement Juppé avait, lui, renoncé à fiscaliser les allocations familiales. En 2010, enfin, le rapport Attali préconisait de les conditionner aux ressources du foyer, sans effet.

Pourquoi ces difficultés ? Le grand nombre de bénéficiaires, la puissance des associations familiales, le poids social et symbolique de la politique familiale en France sont autant de facteurs. Auxquels s'ajoute, aujourd'hui, un pouvoir d'achat déjà déprimé pour nombre de ménages. 

Fiscaliser les allocations familiales : attention, sujet miné ! (libération)

 

18 février 2013 à 14:40

 

Le siège parisien de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf)
Le siège parisien de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) (Photo Jack Guez. AFP)

 

 

Par DOMINIQUE ALBERTINI

Le gouvernement n’a rien annoncé que le débat est déjà lancé. En proposant de fiscaliser les allocations familiales, Didier Migaud a ébranlé un totem français. «On peut considérer que c’est une prestation qui rentre dans les revenus», a estimé dimanche le président de la Cour des comptes, tandis que l'exécutif se réfugie derrière un rapport à paraître. 

Déjà avancée par de précédents gouvernements, l'idée n'a jamais abouti. Sauf sous Lionel Jospin, pour quelques mois conclus par un piteux rétropédalage. Massives par leur nombre de bénéficiaires, emblématiques de la politique familiale française, significatives alors que la rigueur pèse lourd sur les ménages, les allocations familiales ne se laisseront pas réformer facilement. Les clés du débat.

Qui serait concerné ?

Beaucoup de monde : en septembre 2012, les allocations familiales profitaient à 4,8 millions de foyers, en grande majorité des familles à deux enfants. Le total des versement se monte à 12,9 milliards d’euros, soit environ 20% de l’ensemble des prestations des caisses d’allocations familiales (CAF). 

Les critères d'éligibilité sont relativement généreux, puisque n’y figurent ni le niveau de revenu, ni la nationalité. Pour percevoir les allocations familiales, il faut résider en France au moins six mois par an et avoir au moins deux enfants : l'allocation est dans ce cas de 127 euros mensuels. Elle peut monter jusqu'à 452 euros pour les familles à quatre enfants, et, au-delà, augmente de 162 euros pour chaque enfant supplémentaire. Les enfants de plus de quatorze ans bénéficient, en plus, d'une majoration de 63,5 euros.

Difficile, pour l'instant, de savoir qui perdrait à une réforme, et dans quelles proportions, car le projet gouvernemental n'est pas connu. Jean-Marc Ayrault ayant prôné une revalorisation des prestations familiales pour les familles les plus modestes, l’effort devrait cependant porter sur les ménages aisés. 

Quelle réforme ?

Officiellement, la proposition de Didier Migaud n’engage que lui. Résolu à réformer le système d’aide aux familles, le gouvernement attend pour se prononcer la remise du rapport qu’il a commandé à Bertrand Fragonard, président du haut conseil de la Famille. La lettre de mission adressée à ce dernier par Jean-Marc Ayrault préfigure cependant une réforme profonde : «Des mesures de redressement financiers s’imposent», écrit le Premier ministre, prônant une révision de «l'économie générale du système».

Concernant les allocations familiales, deux pistes semblent particulièrement probables. L'une, avancée par Didier Migaud, est leur fiscalisation, c'est-à-dire leur intégration au revenu des foyers imposé au barême de l'impôt sur le revenu. Pour le moment, les allocations familiales ne sont pas soumises à l'impôt. L'autre solution, évoquée par le Journal du Dimanche, est la réduction des prestations, via leur plafonnement ou l’introduction d’une condition de ressources. 

De plus, les allocations familiales ne seraient pas les seules prestations réformées : c'est l'ensemble de la branche «famille», dont le déficit 2013 devrait s'élever à 2,6 milliards d'euros, qui sera concerné. 

Pourquoi le sujet est-il si sensible ?

S'attaquer aux prestations familiales n'est jamais facile. Le gouvernement le sait, dont la récente réforme du quotient familial a été particulièrement combattue par l'opposition et les associations de familles. Dans les ministères concernés, on se souvient aussi de la réforme avortée de Lionel Jospin. En 1998, le Premier ministre socialiste avait voulu retirer le bénéfice des allocations familiales aux foyers les plus aisés, soit 8% des familles environ.

Résultat : une levée de boucliers quasi-générale et le retrait de la réforme quelques mois plus tard, malgré quelque 830 millions d'euros d'économies pendant son application. Trois ans plus tôt, le gouvernement Juppé avait, lui, renoncé à fiscaliser les allocations familiales. En 2010, enfin, le rapport Attali préconisait de les conditionner aux ressources du foyer, sans effet.

Pourquoi ces difficultés ? Le grand nombre de bénéficiaires, la puissance des associations familiales, le poids social et symbolique de la politique familiale en France sont autant de facteurs. Auxquels s'ajoute, aujourd'hui, un pouvoir d'achat déjà déprimé pour nombre de ménages. 

 

 



18/02/2013
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