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FESTIVAL D'AVIGNON : BILAN

Festival d'Avignon : des carrefours, des ronds-points et des impasses (Médiapart)

|  Par Joseph Confavreux

Après dix années marquées par une grande ouverture à la scène européenne, et des polémiques récurrentes, la direction du festival d’Avignon change, dans un contexte où le pacte qui lie le théâtre aux enjeux politiques et sociaux paraît se déliter. Il est loin d'être certain que la prochaine direction d'Olivier Py ouvre une toute nouvelle ère.

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Le 67e festival d'Avignon et le dixième, et dernier, pensé par Hortense Archambault et Vincent Baudriller, s'achève vendredi 26 juillet. Les éternelles querelles d'Avignon, entre les anciens et les modernes, le répertoire et le texte contemporain, le théâtre et les autres arts, vivants ou plastiques, les Parisiens et les Avignonnais ou encore le In et le Off, sont restées en sourdine pendant trois semaines.

Seules les polémiques sur les nominations à la tête des théâtres publics, notamment au Théâtre national de Nice dont le maire, Christian Estrosi, est vent debout contre le non-renouvellement de l’actuel directeur Daniel Benoin, ont agité le début du festival. Alors même que la politique de féminisation et de lutte contre le cumul successif des mandats dans les institutions culturelles est sans doute un des rares gestes forts portés par la ministre de la culture (voir l'article d'Antoine Perraud, La culture immobile à grands pas).

Même la renégociation, d'ici la fin de l'année, de la convention entre patronat et syndicats sur l'intermittence du spectacle a été très peu présente et discutée à Avignon. La dernière mouture de cette convention avait pourtant provoqué l'annulation du festival il y a tout juste dix ans. 

Les controverses qui avaient enflammé le festival d'Avignon en 2005 et fracturé l'univers du théâtre jusqu'à aujourd'hui (voir notre article) sont toutefois demeurées présentes comme une toile de fond. D’autant que le prochain directeur du festival, le dramaturge et metteur en scène Olivier Py, qui avait, en 2005, signé une tribune en défense du texte théâtral alors qu'on reprochait aux jeunes co-directeurs une ouverture excessive à la danse et aux arts plastiques, était présent à Avignon, mais de manière faussement discrète, à travers son personnage travesti de Miss Knife, présenté dans le Off. Dans ce texte, il s’interrogeait notamment en ces termes : « Des spectateurs furieux réclament des tréteaux, des acteurs et des poèmes, sont-ils pour autant réactionnaires ? »

Dans l'émission Le Masque et la Plume du 14 juillet, le critique de Valeurs actuelles, Jacques Nerson, a donc pu exprimer « sa joie que le festival soit rendu à un poète et à un auteur », et caricaturer la programmation complète et complexe d'Avignon 2013 en estimant que « parmi tous les mauvais choix fait depuis dix ans, ce festival était le pire de tous ».

Sans convaincre vraiment autour de lui, puisque même la critique du Figaro, Armelle Héliot, dont le journal avait été le fer de lance de la dénonciation des choix de 2005 et s’agaçait encore, en ouverture de l’édition 2013, d’une programmation « élitiste » et éloignée de la « notion de plaisir », a jugé que les deux co-directeurs avaient « grandi et mûri ».

Au moment inévitable du bilan, Le Monde ou Télérama rendent globalement hommage à l'action de Vincent Baudriller et Hortense Archambault, tandis que Libération, Les Inrockuptibles ou Politis expriment franchement leur admiration pour le travail de renouvellement réalisé par les deux co-directeurs pendant dix ans.

La Fabrica, nouveau lieu de répétition et de résidenceLa Fabrica, nouveau lieu de répétition et de résidence© Ilka Kramer

Il serait pourtant dommage de concentrer le débat autour du théâtre public contemporain à une querelle politico-esthétique qui suivrait un gradient médiatique simpliste allant de la droite à la gauche, et exigerait de se positionner entre les accusations réciproques de « réactionnaires » versus « bobos radical-chic ».

En effet, même si un certain conservatisme théâtral a peut-être envie de prendre sa revanche sur dix années de festival qui n'ont certes pas inventé l'ouverture de la scène théâtrale à tous les autres arts mais en ont fait une politique volontariste, il est loin d'être certain que la direction d'Olivier Py ouvre une toute nouvelle ère. Sa programmation, lorsqu'il était directeur du Théâtre de l'Odéon, a fait appel à plusieurs grandes figures des années Archambault/Baudriller, dont l’orientation européenne restera sans doute le phénomène le plus marquant, comme Angelica Liddell, Christoph Marthaler ou Thomas Ostermeier. Même si on verra peut-être davantage, sous la direction d’Olivier Py, des metteurs en scène et dramaturges absents ces dernières années d’Avignon, comme Christian Schiaretti, Laurent Pelly ou Michel Vinaver…

Ping Pang Qiu - Angélica LiddellPing Pang Qiu - Angélica Liddell© Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

En outre, il est sans doute vain de vouloir trancher dans la récurrente question de savoir si les directions des grands théâtres nationaux ou des festivals doivent être confiées à des artistes ou des personnes qui ne font que ça, tant il existe d'exemples de réussites, et d'échecs, dans chacun des cas (voir notre article).

En réalité, l'opposition canonique, rejouée avec fracas en 2005, entre auteurs et programmateurs, ou entre théâtre de répertoire et spectacle vivant, n’est sans doute pas le principal enjeu du théâtre public contemporain confronté à un bouleversement silencieux de ses modes de production et de programmation. Même si le festival In d’Avignon n'est qu'une focale, guère représentative de l’ensemble du théâtre français, l’édition 2013 invite donc à repenser aux politiques théâtrales.

D’une part, parce que plusieurs spectacles présentés cette année réfléchissaient à la scène théâtrale et au rapport avec le public. De l’autre, parce que cette dernière édition élaborée par Hortense Archambault et Vincent Baudriller a parfois pris l’allure d’un manifeste, parfois teinté d’une tendance best of, notamment avec la programmation « Des artistes un jour au festival » qui offrait aux artistes associés des dix précédentes années la possibilité de montrer, pour une seule fois, un nouveau travail.

 



28/07/2013
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