laulaublog

DASSAULT: L'AVEU DE LA CORRUPTION

Dassault : l'aveu de la corruption (médiapart :1/2)

|  Par Fabrice Arfi et Michaël Hajdenberg et Pascale Pascariello

Pour la première fois, l’industriel et sénateur UMP Serge Dassault reconnaît dans un enregistrement réalisé fin 2012, et dont Mediapart publie des extraits, avoir acheté la victoire de son successeur à la mairie de Corbeil-Essonnes. Une somme de 1,7 million d’euros est en jeu. Les deux hommes à l’origine de l’enregistrement se sont fait tirer dessus trois mois plus tard.

Partage

Cette fois, Serge Dassault ne pourra pas nier. L’industriel milliardaire et sénateur UMP admet dans un enregistrement clandestin réalisé fin 2012, que Mediapart a pu écouter en intégralité et dont nous diffusons des extraits, avoir payé pour s’assurer de la victoire de son successeur à la mairie de Corbeil-Essonnes, Jean-Pierre Bechter, lors de la campagne municipale de 2010.

Serge Dassault, le 14 juillet 2013, à la Bastille (Paris). Serge Dassault, le 14 juillet 2013, à la Bastille (Paris). © Reuters

Pour la première fois, on entend Serge Dassault admettre avoir payé, et c’est tout un système de corruption aux conséquences criminelles qui se fait jour. Durant cette conversation accablante pour le milliardaire soupçonné par la justice d’avoir mis en place un système de corruption électorale dans sa ville, Serge Dassault dit ouvertement avoir commis des actes illégaux et, en creux, avoir opéré des paiements occultes depuis le Liban, s’inquiétant d’être désormais « surveillé par la police ».

La rencontre a eu lieu en novembre 2012. Deux hommes, habitants de Corbeil-Essonnes, décrochent un rendez-vous dans le bureau du célèbre avionneur et propriétaire du Figaro, en prenant soin de dissimuler leur matériel (voir la Boîte noire). Durant la discussion, qui dure au total vingt-quatre minutes, ils se plaignent qu’un acteur clé du « système Dassault » n’ait pas redistribué comme prévu 1,7 million d’euros destinés à des personnes qui ont participé à la campagne victorieuse de 2010 dans des quartiers populaires du sud de Corbeil.

L’existence de cet enregistrement avait déjà été évoquée par Le Canard enchaîné en décembre 2012. Libération (ici ou ) et Le Point ont de leur côté raconté comment banditisme et politique étaient étroitement mêlés à Corbeil. Mais pour la première fois, dans les documents que nous publions, Dassault confirme lui-même la folie du système mis en place, dont les conséquences sont aujourd'hui incontrôlables.

Nous avons pu entendre cet enregistrement de bout en bout, connaître les conditions de sa réalisation et authentifier la voix de Serge Dassault. Nos sources nous ont autorisés à en publier trois extraits.

Dans le premier d’entre eux, Serge Dassault, 88 ans, lui-même ancien maire de Corbeil (1995-2010) où il est surnommé « le Vieux », vend rapidement la mèche, montrant la conscience qu’il a du caractère illégal de ces pratiques électorales. Ses interlocuteurs lui réclament leur dû et le sénateur lâche : « Là, je ne peux plus rien donner. Je ne peux plus rien sortir, c’est interdit. (…) Je suis surveillé. Je suis surveillé par la police. »

Dans un autre extrait, alors que les deux individus évoquent le fait que l’argent a été versé depuis le Liban, le milliardaire, 69e fortune mondiale selon Forbes, ne nie pas, bien au contraire, prenant seulement soin de préciser : « L’argent a été donné, complètement. Moi, j’ai donné l’argent. Je ne peux plus donner un sou à qui que ce soit. Je ne peux plus sortir l’argent pour qui que ce soit. Y a plus de Liban. Y a plus personne là-bas, c’est terminé. Moi, j’ai donné l’argent. »

Dans un troisième extrait, le milliardaire se défend d’être responsable de la mauvaise répartition de son propre argent noir : « Si c’est mal réparti, dit-il, ce n’est pas de ma faute. Je ne vais pas payer deux fois. Moi, j’ai tout payé, donc je ne donne plus un sou à qui que ce soit. Si c'est Younès, démerdez-vous avec lui. Moi, je ne peux rien faire. »

Contacté, Serge Dassault nous a fait savoir que « compte-tenu de la situation », il ne souhaitait pas s’exprimer. Quant à Jean-Pierre Bechter, son successeur à la mairie, il explique avoir déjà entendu parler de cette vidéo, ne pas l’avoir visionnée, mais refuse de l’entendre : « Je n’en ai rien à foutre de cette vidéo cachée. En bon chiraquien, je vous dirai que ça m’en touche une sans faire bouger l’autre. »

L’actuel maire, qui assure n’avoir jamais parlé de cet enregistrement avec Serge Dassault, tente par avance de le discréditer en expliquant que « les Tarterêts (nom d’une cité de Corbeil – ndlr), c’est Hollywood. Il y a plein de vidéos et de montages qui circulent. » Quand nous lui expliquons que nous avons authentifié la bande et que nous détaillons son contenu, il répond : « Ce que raconte Serge Dassault deux ou trois ans après… Je n’ai pas d’explication. Il dit ce qu’il veut. Ce n’est pas moi qui suis en cause. »

Quelle explication apporter à ces propos ? « Je n’en sais rien, confie-t-il. Peut-être qu’il se fout d’eux. Moi, j’ai été élu sans verser un euro. Je n’ai jamais entendu parler d’achat de voix. Il y avait un magistrat dans chaque bureau de vote. J’ai été élu avec 750 bulletins d’avance. Comment voulez-vous acheter 800 voix ? Ça coûterait une fortune. Et de toute façon, un mois avant l’élection, grâce aux sondages, on savait que j’allais gagner. Je ne vois pas pourquoi il aurait dépensé un euro. Et aucun de mes adversaires politiques n'a d'ailleurs contesté mon élection. »



16/09/2013
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Politique & Société pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 8 autres membres