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DANS LA PANIQUE LES BANQUES SUISSES SE DECIDENT A FAIRE LE MENAGE

Dans la panique, les banques suisses se décident à faire le ménage (médiapart)

|  Par Agathe Duparc

Soumis à une violente guerre fiscale américaine, les banquiers voient désormais dans l'échange automatique d'informations un moindre mal. Ce virage à 180° conditionne la survie de la place financière suisse. 

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Genève, de notre correspondante

Il y a encore un an, la moindre allusion à l’échange automatique d’informations fiscales provoquait chez tout banquier suisse une levée de boucliers. L’interlocuteur expliquait qu’un tel système « automatique » violait la protection de la sphère privée inscrite dans l’ADN de tout citoyen helvétique, et était tout juste bon à fournir une gigantesque masse de données et de noms que les services du fisc devraient ensuite traiter. 

Les banquiers expliquaient alors que « Rubik », la solution inventée par la Suisse, permettait aux États qui y souscriraient de récupérer sans attendre les millions de leurs fraudeurs. Avec ce système, les banques se chargent elles-mêmes de prélever un « impôt libératoire » sur les comptes de ces ressortissants étrangers non fiscalisés, tout en préservant leur anonymat. Ce serait « un nirvana » pour les fiscs étrangers, avançait alors Michel Dérobert, secrétaire général de l'Association des banquiers privés suisses, expliquant qu’il s’agissait « du meilleur système qu’on puisse imaginer : nous collectons, puis nous envoyons l'argent, ce qui facilite grandement la tâche des administrations fiscales qui travaillent souvent dans un certain désordre ».

Le « nirvana fiscal » a fait long feu. Au bout du compte, Rubik n’a séduit que deux pays : le Royaume-Uni et l’Autriche. Et malgré l’élaboration par le Conseil fédéral (gouvernement) d’une « stratégie de l’argent blanc » (Weissgeldstrategie) – un ensemble de règles visant à rendre « conforme fiscalement » la place financière –, les pressions du G20 et de l’OCDE n’ont pas faibli et la guerre fiscale avec les États-Unis entre dans sa phase décisive.

Résultat : en l’espace de quelques mois, les banquiers suisses ont dû revoir de fond en comble leur stratégie et leur discours, au point de se transformer en fervents défenseurs de l’échange automatique de données fiscales. La solution autrefois honnie apparaît aujourd’hui comme un moindre mal.

Sur le front américain, les banques s’apprêtent à franchir un pas encore inimaginable il y a peu. Elles avaient jusqu’au lundi 9 décembre, pour annoncer à la FINMA (l’autorité fédérale de surveillance des marchés) si elles se jetaient ou non à l’eau en acceptant de participer au « US Program » de régularisation du passé. En clair, si elles acceptent d’être passées au crible par la justice américaine pour avoir aidé des clients américains à frauder le fisc.

 

© Reuters

Dans le sillage du scandale UBS, quatorze établissements ont déjà été inculpés pour avoir attiré des fraudeurs américains, et même récupéré sans vergogne ceux qui fuyaient, dès 2008, le géant bancaire UBS. Au total, les pénalités pourraient atteindre 10 milliards de dollars, UBS s’étant à lui seul acquitté de 780 millions de dollars. Les autorités américaines ne se sont pas arrêtées en si bon chemin : elles veulent maintenant coincer tous les autres tricheurs. Volant au secours de la place financière, le gouvernement suisse a tenté durant plusieurs mois de négocier « une solution globale de règlement du passé » avec Washington afin de limiter la casse. En vain.  

Un « joint statement » – déclaration commune qu'on peut voir ici – a été signé le 29 août 2013 entre le Département fédéral des finances et le Département de la justice américaine (DoJ). Il prend acte du fait que pour échapper à des poursuites pénales, les banques qui ont « de bonnes raisons de penser qu’elles ont violé le droit fiscal américain » doivent se plier au programme concocté par les Américains (US Program). Et ainsi régler elles-mêmes leurs problèmes.

Concrètement, les établissements qui souhaitent faire leur « mea culpa » entrent dans la « catégorie 2 » (la « catégorie 1 » comprend les 14 banques déjà poursuivies). Elles doivent, avant le 31 décembre 2013, envoyer une lettre aux autorités américaines, en s’engageant à fournir une masse de renseignements : entre autres les noms des banquiers responsables du business transfrontalier avec les États-Unis, le nombre de clients et de comptes des « US persons » qu’elles abritent, leurs valeurs, et enfin la date d’ouverture des comptes. Autant de données qui devront être transmises aux États-Unis avant la fin mars 2014.

Des amendes seront ensuite calculées, particulièrement salées : 20 % du montant pour les comptes ouverts avant le 1er août 2008 (la date à laquelle le scandale UBS explosait), 30 % pour ceux ouverts entre le 1er août 2008 et le 28 février 2009 ; et 50 % pour ceux ouverts ensuite. En échange, ces établissements obtiendront une « attestation de non-poursuites juridiques » (Non-Prosecution Agreement).

Les banques qui estiment ne pas avoir violé le droit américain et celles dont l’activité est purement locale doivent se classer respectivement dans la « catégorie 3 » et dans la « catégorie 4 ». Elles peuvent s’annoncer entre le 31 juillet et le 31 octobre 2014, et ne seront en principe pas inquiétées.



11/12/2013
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